Le verdict est tombé pour le journaliste indépendant algérien Khaled Drareni. Il a été condamné à trois ans de prison ferme par la justice de son pays, pour "incitation à attroupement non armé" et "atteinte à l'unité nationale". Incarcéré depuis le 29 mars pour sa couverture d'une manifestation du "Hirak", soulèvement populaire qui a secoué l'Algérie pendant plus d'un an, le journaliste âgé de 40 ans est directeur du site d'information en ligne Casbah Tribune, correspondant en Algérie pour la chaîne de télévision francophone TV5 Monde et pour l'ONG Reporters sans frontières (RSF). "C'est une condamnation arbitraire, absurde et extrêmement violente", dénonce, sur Europe 1, Christophe Deloire, secrétaire général de RSF.
"Une nouvelle page dans la répression"
"On ne comprend pas pourquoi. Khaled Drareni aime son pays, il est fils de moudjahidin, il a travaillé tout au long de sa vie en tant que journaliste en Algérie, sans jamais lancer le moindre appel à une scission nationale", poursuit Christophe Deloire. Khaled Drareni, figure du journalisme algérien, a notamment présenté le journal télévisé sur une chaîne privée ou encore des magazines d'investigation. "C'est une personnalité solaire, très active sur les réseaux sociaux", poursuit-il.
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La décision a "choqué" l'Algérie et les défenseurs de la liberté de la presse, explique Zoubida Assoul, avocate dans le comité de défense du journaliste et présidente du parti d'opposition Union pour le changement et le progrès (UCP). "C'est une nouvelle page dans la répression, les atteintes aux libertés qui sont consacrées dans la constitution algérienne mais c'est aussi carrément une menace contre toute la presse indépendante", souligne l'avocate.
"C'est la condamnation de l'espoir, de la jeunesse en Algérie, car Khaled Drareni représente cette nouvelle génération de journalistes, compétents, intègres", ajoute-t-elle, en rappelant qu'une vingtaine de journalistes avait couvert la même manifestation sans subir un harcèlement judiciaire identique. Inculpés des même chefs d'accusation, Samir Benlarbi et Slimane Hamitouche, deux figures du mouvement de contestation antirégime, ont écopé chacun de deux ans de prison, dont quatre mois ferme.
Un appel à la mobilisation internationale
Le jugement, rendu par le tribunal de première instance, laisse la possibilité au comité de défense du journaliste de faire appel, voire même de se pourvoir en Cassation. Durant son procès, Khaled Drareni a nié toutes les accusations portées contre lui. Selon Zoubida Assoul, les magistrats ont même tenté de lui "coller des inculpations qui n'existent pas". Il a notamment été interrogé sur d’éventuelles collaborations avec des ambassades étrangères. "C'est vraiment l'espoir que l'on veut tuer en Algérie", conclut-elle. "On compte sur la mobilisation et la solidarité avec tous les défenseurs de la liberté de la presse."
Les appels à libérer le journaliste se multiplient en Algérie et dans le monde entier. "Un comité de soutien international a été créé, c'est très important parce qu'il faut prêter très attention à l'instrumentalisation par l'Algérie des accusations de colonialisme", explique Christophe Deloire. "L'Algérie a signé le pacte relatif aux droits civils et politiques qui met en œuvre la déclaration universelle des droits de l'Homme. L'Algérie a aussi son propre droit, sa constitution et en 2016, une nouvelle constitution a garanti la liberté de la presse", ajoute-t-il. "Aujourd'hui la justice, lorsqu'elle condamne Khaled Drareni, elle est en infraction avec la Constitution algérienne."
Cette condamnation très sévère pourrait peser sur la réputation de l'Algérie à l'international, d'autant que le président Abdelmadjid Tebboune, avait rappelé à des nombreuses reprises son engagement en faveur de la liberté de la presse, dès son élection en décembre dernier. Le secrétaire général de RSF appelle à la mobilisations des Etats de l'Union européenne, et de l'Union européenne elle-même, pour exiger la libération du journaliste.