Donald Trump veut réussir là où tous ses prédécesseurs ont échoué. Le président américain a dévoilé mardi, depuis la Maison-Blanche, son plan de paix pour le Proche-Orient. Ce projet, concocté dans la plus grande discrétion depuis 2017 par son gendre Jared Kushner, comprend plusieurs propositions nettement favorables à Israël, comme l’annexion de la vallée du Jourdain ou la reconnaissance officielle de Jérusalem comme seule capitale. Les Palestiniens, qui ont rompu tout contact formel avec la Maison-Blanche depuis 2017, avaient déjà fait savoir leur refus catégorique avant même sa présentation. Europe 1 décrypte ce plan de paix qui, paradoxalement, n’a aucune chance d’aboutir à la paix.
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Que contient ce plan ?
Depuis son arrivée à la Maison-Blanche, Donald Trump a réorienté la politique américaine au Proche-Orient. Les États-Unis ont arrêté de jouer les médiateurs, et ont clairement pris position en faveur d’Israël. Symbole de cette ligne : le plan de paix a été présenté mardi par le président américain avec, à ses côtés, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Le projet comprend l’annexion par Israël de la vallée du Jourdain, zone agricole et stratégique qui représente 30% de la Cisjordanie occupée. Le texte prévoit également la reconnaissance officielle de Jérusalem comme seule capitale de l’État hébreux. D'après l'initiative, les réfugiés palestiniens n'auront pas droit au retour.
Donald Trump a également proposé "une solution réaliste à deux États". Mais le futur État palestinien ne verrait le jour que sous plusieurs "conditions", dont "le rejet clair du terrorisme" et s'il est "démilitarisé". Le président américain a par ailleurs tweeté la carte des États israélien et palestinien selon son plan de paix, avec notamment un tunnel reliant la Cisjordanie à la bande de Gaza. "Tous les musulmans aux intentions pacifiques seront bienvenus pour visiter et prier à la mosquée Al-Aqsa", troisième lieu saint de l'islam, précise la légende de la carte.
This is what a future State of Palestine can look like, with a capital in parts of East Jerusalem. pic.twitter.com/39vw3pPrAL
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) January 28, 2020
Le plan prévoit également un volet économique, dont les grandes lignes avaient déjà été présentées en juin : environ 50 milliards de dollars d’investissements internationaux sur dix ans dans les Territoires palestiniens et les pays arabes voisins.
Comment est-il accueilli par les deux camps ?
Sans surprise, Israël a salué un plan "historique", alors qu’il est vivement rejeté par les Palestiniens. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a qualifié le président Trump de "plus grand ami qu’Israël n’ait jamais eu", quelques jours avant la présentation de ce projet. Benny Gantz, chef de l’opposition israélienne et principal adversaire de Benjamin Netanyahu aux législatives du 2 mars prochain, a lui aussi accueilli très favorablement l’initiative américaine.
Les Palestiniens, qui jugent l'administration Trump partiale, avaient rejeté par avance ce projet. Les dirigeants palestiniens ont rompu tout contact formel avec la Maison-Blanche depuis que le président américain a reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël en décembre 2017. Mahmoud Abas, président de l’autorité palestinienne, a refusé toute discussion avec l’administration américaine. "Il est impossible pour n'importe quel enfant, arabe ou palestinien, d'accepter de ne pas avoir Jérusalem" comme capitale d'un État palestinien, a réagi Mahmoud Abas. Le projet a immédiatement été rejeté par le mouvement islamiste Hamas, qui contrôle la bande de Gaza.
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Quelles peuvent en être les conséquences ?
Dans ce contexte, certains analystes estiment que le plan américain pourrait ranimer le conflit israélo-palestinien. Des heurts ont eu lieu avec les forces israéliennes en Cisjordanie occupée dans les instants qui ont suivi la présentation du projet, faisant plusieurs blessés côté palestinien. Plusieurs rassemblements sont prévus ces prochains jours, notamment mercredi dans une ville palestinienne située près de la vallée du Jourdain, où l’armée israélienne a récemment renforcé sa présence. Les Palestiniens ont également menacé de se retirer des accords d’Oslo, qui encadrent les relations avec Israël et qui avaient été signés en 1993 après une poignée de main historique entre le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin et le président de l’Autorité palestinienne Yasser Arafat.
La réaction de la communauté internationale a été contrastée. L’Union européenne a réaffirmé son engagement "ferme" pour négocier une solution à deux États. La Turquie a jugé que le plan était "mort-né", le qualifiant de "plan d'occupation". La Russie a de son côté appelé les Israéliens et les Palestiniens à "négocier directement", alors que la Grande-Bretagne a qualifié le projet de "proposition sérieuse".
Quel intérêt pour Donald Trump ?
Si ce plan n’a quasiment aucune chance d’aboutir à la paix, d’autres raisons permettent d’expliquer le timing de cette annonce. D'abord, estime Aaron David Miller, ex-négociateur américain pour le Proche-Orient interrogé par l’AFP, l'équipe Kushner veut "démontrer qu'elle a vraiment un plan", alors qu’à l'approche de la présidentielle américaine de novembre, il risquait de rester dans un tiroir.
A court terme, ajoute Dennis Ross, lui aussi ancien négociateur américain, "tout ce qui peut permettre de faire diversion" est aussi "bienvenu" pour Donald Trump et Benjamin Netanyahu, aux prises respectivement avec un procès en destitution et une inculpation pour corruption. Le milliardaire américain, qui peut espérer ainsi consolider sa cote auprès des électeurs chrétiens évangéliques très attachés à la cause israélienne, veut probablement donner un coup de pouce à "Bibi", son "ami" qui joue sa survie politique.
Sur le plus long terme, Jared Kushner et l'ambassadeur des États-Unis à Jérusalem David Friedman, réputés très pro-israéliens, veulent selon ces deux spécialistes laisser une trace en modifiant durablement la position américaine. Quitte à enterrer tout espoir de résolution du conflit.