Les Jeux olympiques d'hiver démarrent vendredi prochain en Corée du Sud, laissant entrevoir une parenthèse paisible dans la phase de tensions qui oppose le monde à la Corée du Nord depuis des mois. Juliette Morillot, historienne et spécialiste de la péninsule coréenne, était l'invitée de l'émission C'est arrivé demain pour analyser si cet événement sportif ne pourrait pas aller jusqu'à amorcer une phase de détente.
"Trêve olympique". La participation de la Corée du Nord aux JO est, pour la spécialiste, le signe "que les deux Corées veulent apaiser les tensions sur la péninsule. C'est une trêve olympique. C'est pour ça que ce n'est pas gagné, parce que le dossier de fond - soit les tensions entre Washington et Pyongyang et le fait que la Corée du Nord possède l'arme nucléaire - n'a pas été traité. On peut redouter qu'après les Jeux olympiques, puis les paralympiques, les manœuvres americano-sud coréennes reprennent et avec elles les tensions. Ceci dit, c'est un très beau symbole puisque pour la première fois, il y aura une équipe commune."
"Parler de paix". Ce que sous-tendent ces relations plus étroites entre les deux Corées, c'est qu'elles "veulent un dialogue en direct et reprendre leur destin en main. Les tensions ne se situent pas entre Séoul et Pyongyang", affirme l'historienne mais bien entre la Corée du Nord et les Etats-Unis, d'autant que "Trump s'attribue la paternité de ce rapprochement entre les deux Corées. Or, c'est Kim Jong-un qui a tendu un rameau d'olivier à la Corée du Sud lors de ses vœux du Nouvel an. C'était bien joué parce que vis-à-vis de sa population, il apparaît comme celui qui, le premier, veut parler de paix. Paradoxalement, même les Coréens du sud s'inquiètent un peu de l'attitude très 'va-en-guerre' du président américain."
Une division qui arrange. Mais au-delà des tensions nucléaires, l'échiquier politique est complexe dans la région asiatique, souligne l'historienne, qui détaille : "La Corée joue des contradictions de la communauté internationale" pour tenir sa position, mais la communauté internationale ne vise pas non plus forcément une réunification de la péninsule. "La Chine n'a pas envie d'une Corée réunifiée. Elle a besoin d'un Etat-tampon à ses portes. Le Japon non plus parce qu'il aurait un bloc anti-nippon devant lui." Quant aux Etats-Unis, le danger nord-coréen apparaît comme un "prétexte assez utile, parce que derrière la Corée du Nord, vous avez la Chine et son énorme montée en puissance économique et militaire."
Mais une possible fédération coréenne ?. Mais avec son programme nucléaire réussi, la Corée du Nord se protège, précise Juliette Morillot. "Ils sont capables d'atteindre les Etats-Unis" et c'est la porte ouverte à une possible future étape, "éventuellement une réunification mais avec une fédération : une péninsule, deux régimes. Il y aurait des liens économiques et au bout d'un certain temps, ce serait aux peuples des deux Corées de se déterminer sur leur avenir politique", conclut la spécialiste.