Les propos sont d’une rare sévérité. "La Corée du Nord ferait mieux de ne plus proférer de menaces envers les Etats-Unis, sinon elle se heurtera au feu et à la colère", a déclaré Donald Trump mardi, depuis son golf du New Jersey, menaçant d’une réaction d'une ampleur "que le monde n'a jamais vue jusqu'ici". Mercredi, il a réitéré ses mises en garde, sur Twitter cette fois-ci, arguant que l'arsenal nucléaire américain était "plus fort et plus puissant que jamais auparavant". Faut-il y voir les prémisses d’une déclaration de guerre envers Pyongyang ? Europe 1 a posé la question à Bertrand Badie, professeur de relations internationales à Sciences-Po Paris.
"Diplomatie rhétorique". Selon l’expert, nous sommes encore loin d'un conflit armé. "On est en plein dans la diplomatie rhétorique", assure Bertrand Badie. "Qu'est-ce que la diplomatie rhétorique ? C'est croire en la vertu du verbe pour tenter de faire bouger les choses", détaille-t-il. "Et le verbe de M. Trump, il a plusieurs caractéristiques : c'est un verbe fleuri et populiste. Et on l'entend parler un peu comme parlaient les leaders tiers-mondistes les plus révolutionnaires des années 1970 1980".
"Autre caractéristique du verbe de Donald Trump", poursuit le spécialiste au micro d’Europe 1, "c'est qu'il s'adresse à son opinion publique. Et n'oubliez pas que ce que Trump a promis à son opinion publique durant la campagne, c'est 'make America strong again' (rendre à l’Amérique sa puissance), une rhétorique de puissance".
Washington et Pyongyang "parlent le même langage". Pour Bertrand Badie, c’est cette même rhétorique qui est à l’œuvre à Pyongyang, lorsque Kim Jong-un déclare qu’il est capable de frapper les Etats-Unis avec l’arme nucléaire. "Les observateurs et les spécialistes sont à peu près unanimes pour dire que l'arsenal nucléaire nord-coréen n'est pas opérationnel. C’est le cas typique de la diplomatie déviante, qui n'a de voix qu'à travers la provocation, la déviance. C'est un peu le langage du voyou dans nos sociétés contemporaines que l'on peut retrouver", analyse le professeur en relations internationales.
Selon l’expert, toutefois, il ne faut pas non plus prendre cette escalade de tension à la légère. Kim Jong-un et Donald Trump "parlent le même langage. Ils ont tendance à hausser le ton très très vite. Et le danger, lorsqu’on hausse le ton très vite, c'est que l'on dise des choses qui nous obligent à agir en conséquence", prévient Bertrand Badie. Et d’enchaîner : "C'est ça, le danger. Lorsqu'on en a trop dit et que l'on est une très grande puissance, on se sent obligé de maintenir ce statut et de faire quelque chose". En espérant que ce "quelque chose" ne débouche pas sur une guerre nucléaire.