La Corée du Nord a lancé ce mercredi au moins 23 missiles dont l'un est tombé près des eaux territoriales sud-coréennes, provoquant une brutale hausse des tensions avec son voisin du Sud qui a riposté en lançant trois missiles vers la mer. Le président sud-coréen Yoon Suk-yeol a fustigé la "provocation" de Pyongyang, dénonçant une "invasion territoriale de fait". Les Etats-Unis "condamnent" la salve de missiles envoyée par la Corée du Nord, a déclaré ce mercredi John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche, et en particulier la "dangereuse décision" de Pyongyang de tirer un missile à proximité des eaux territoriales sud-coréennes.
En outre, Washington a accusé Pyongyang de "fournir de manière dissimulée une aide à la guerre de la Russie contre l'Ukraine". John Kirby a évoqué un "nombre important" de munitions d'artillerie que la Corée du Nord aurait expédié en Russie, ajoutant que Washington cherchait à savoir si cette aide militaire avait été réceptionnée. La Russie a pour sa part appelé "tout le monde à garder son calme".
Une centaine de tirs d'artillerie dans la "zone tampon"
"Toutes les parties de ce conflit doivent éviter de prendre des mesures susceptibles de provoquer une montée des tensions", selon le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov. "La situation sur la péninsule est déjà assez tendue". De son côté, le président du Conseil européen Charles Michel s'est dit "outré" par les tirs de missiles par la Corée du Nord, dénonçant le comportement "agressif" et "irresponsable" de Pyongyang. L'armée nord-coréenne a également procédé à plus d'une centaine de tirs d'artillerie dans la "zone tampon" maritime entre les deux pays, au moment où la Corée du Sud et les Etats-Unis effectuent dans la région d'importantes manœuvres aériennes dénoncées par Pyongyang.
Trois missiles balistiques nord-coréens de courte portée ont été lancés à 8h51 (23h51 GMT mardi 1er novembre), et l'un a franchi la "Ligne de limite du Nord", qui constitue de fait la frontière maritime entre les deux pays. Ce tir a provoqué une rare alerte au raid aérien dans l'île sud-coréenne d'Ulleungdo, située à environ 120 km à l'est de la péninsule coréenne, où les habitants ont reçu consigne de se réfugier dans des bunkers.
Selon l'armée de Séoul, c'est "la première fois depuis la division de la péninsule" après la guerre de Corée en 1953 qu'un missile nord-coréen est tombé si près des eaux territoriales du Sud.
Une riposte sud-coréenne
"La provocation nord-coréenne est une invasion territoriale de fait par un missile qui a franchi la Ligne de limite du Nord pour la première fois depuis la division" de la péninsule, a déclaré la présidence sud-coréenne dans un communiqué. Avant et après ce tir, la Corée du Nord a lancé au cours de la journée de ce mercredi un total de 22 autres projectiles, dont des missiles balistiques à courte portée et des missiles sol-air, selon l'armée sud-coréenne.
Au début d'après-midi, toujours selon Séoul, l'armée nord-coréenne a procédé à une centaine de tirs d'artillerie depuis la province de Kangwon, dans le Sud-Est du pays, vers l'intérieur de la "zone tampon" frontalière instaurée en 2018 dans l'espoir de réduire les tensions et les risques d'incident armé entre les deux pays. Un des missiles lancés dans la matinée a terminé sa course en mer à seulement 57 kilomètres de la ville sud-coréenne de Sokcho, dans le Nord-Est de la Corée du Sud, a indiqué l'armée sud-coréenne qui a qualifié de "très rare et intolérable" cette salve inédite.
Elle a annoncé dans la foulée avoir tiré, pour sa part, trois missiles air-sol près de la frontière maritime intercoréenne. Le président Yoon Suk-yeol a convoqué une réunion du Conseil national de sécurité au sujet de cet incident, l'un des plus agressifs depuis plusieurs années estiment des analystes.
"Tempête vigilante"
Le président sud-coréen a en outre ordonné des mesures "rapides et sévères afin que la Corée du Nord paie un prix fort pour ses provocations". La Corée du Sud a fermé plusieurs routes aériennes au-dessus de la mer du Japon, conseillant aux compagnies aériennes d'effectuer un détour pour "assurer la sécurité des passagers sur les routes en direction des Etats-Unis et du Japon". Séoul et Washington organisent le plus grand exercice aérien conjoint de leur histoire, baptisé "Tempête vigilante" (Vigilant Storm), auquel participent des centaines d'avions de guerre des deux armées.
Pak Jong Chon, maréchal et secrétaire du Parti des travailleurs au pouvoir en Corée du Nord, a qualifié ces exercices d'agressifs et provocants, a rapporté ce mercredi la presse officielle nord-coréenne. Selon lui, le nom de ces manœuvres fait écho à l'opération "Tempête du désert", nom donné aux opérations militaires de la coalition conduite par les Etats-Unis contre l'Irak en 1991 après l'invasion du Koweït.
"Si les Etats-Unis et la Corée du Sud tentent d'utiliser leurs forces armées contre la (République populaire démocratique de Corée), les moyens spéciaux des forces armées de la RPDC accompliront leur mission stratégique sans délai", a déclaré Pak Jong Chon, selon l'agence d'Etat KCNA.
Vers un 7e essai nucléaire de la Corée du Nord ?
"Les Etats-Unis et la Corée du Sud devront payer le prix le plus horrible de l'histoire", a menacé le maréchal. Les missiles tirés par la Corée du Nord constituent "la plus agressive et menaçante démonstration (de force) contre le Sud depuis 2010", a déclaré à l'AFP Cheong Seong-chang, chercheur à l'institut Sejong.
En mars 2010, un sous-marin nord-coréen avait torpillé une corvette sud-coréenne, tuant 46 marins. En novembre de la même année, le Nord avait bombardé une île frontalière sud-coréenne, causant la mort de quatre personnes, deux civils et deux militaires. Les tirs de ce mercredi surviennent après une autre longue série en septembre et octobre, que le Nord a qualifié d'exercices nucléaires tactiques.
Washington et Séoul avertissent de manière répétée que Pyongyang pourrait effectuer un nouvel essai nucléaire qui serait le 7e de son histoire. "Pyongyang semble avoir achevé sa plus puissante mesure de dissuasion : c'est une grave menace, a dit à l'AFP Park Won-gon, professeur à l'université Ewha. Le Nord semble également confiant dans ses capacités nucléaires".