Dans quel état l'Union européenne va-t-elle sortir de la crise du coronavirus ? Alors que l'UE continue de batailler avec l'épidémie, Emmanuel Macron et les dirigeants des 27 se réunissent dimanche à Strasbourg pour donner le coup d'envoi de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, une inauguration prévue le jour de la fête de l'Europe. L'occasion pour Europe 1 de tenter de tirer de premières conclusions sur la gestion de la pandémie au cours de ces derniers mois en compagnie de l'historien-géographe Sylvain Kahn.
Un bilan humain très lourd
Première conclusion, incontestable et dramatique : l'Europe va sortir de cette pandémie "avec beaucoup de morts". "L'Europe a été et est toujours un des foyers de la pandémie, et ça restera dans l'histoire", rappelle Sylvain Kahn. Vendredi, l'Europe totalisait 1.086.526 décès.
Une Europe "plus intégrée"
Deuxième constat dressé par l'invité d'Europe 1, l'Europe ressort de cette crise "plus intégrée". Des les premiers mois, "les États ont été très collectivement saisis par ce qu'il s'est passé quand la pandémie a commencé à frapper en Italie", fait remarquer Sylvain Kahn, pour qui, globalement, l'UE a été "à la hauteur" dans sa réponse, notamment face "aux conséquences économiques et sociales". Et le professeur à Sciences Po Paris de citer le "plan de relance très important", mais aussi la "mobilisation de la Banque centrale européenne" qui a évité la catastrophe à plusieurs pays membres, et permis de "soutenir les dispositifs de chômage partiel". Par ailleurs, Sylvain Kahn rappelle que les fameux critères de Maastricht "ont été suspendus à l'unanimité des Etats membres".
Concernant la politique sanitaire, le bilan est plus contrasté. Tout d'abord, l'épidémie a donc fait de très nombreux morts. Et au au cours de la crise, "on s'est rendu compte qu'un certain nombre de systèmes de santé dans à peu près tous les pays étaient un peu bousculés et en difficulté", explique encore l'historien. "On s'est rendu compte que l'Europe n'avait aucune compétence dans la politique de santé parce que les États européens n'en avaient pas envie. Et donc, tout le monde s'est dit que ça serait peut être bien qu'on mutualise."
Sur la vaccination, "un espèce d'aversion au risque" chez les Européens
Sur la vaccination, "là où on a été très bon, c'est quand on a décidé pour la première fois qu'on allait se grouper pour précommander ensemble les doses, y compris à des laboratoires dont on ne savait pas encore s'ils arriveraient à produire des vaccins", assure Sylvain Kahn, qui illustre : "Les 27 États membres ont dit à la Commission européenne : 'On vous mandate, on vous charge de mener pour nous des négociations'". Et ça, conclut-il, "je crois que c'est une réussite, parce que sinon, qu'est-ce qu'il ce serait passé ? Certains États qui sont mieux dotés et qui ont plus d'argent, qui ont plus de réseau, auraient précommandé plein de doses. On aurait été en concurrence entre nous et on se serait retrouvé dans une situation franchement très délicate" avec des pays moins riches en grande difficulté.
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En revanche, l'invité d'Europe 1 reconnaît que le point faible de cette stratégie est que l'Europe "a voulu tirer le plus possible les prix vers le bas", regrette-t-il, tandis que la Commission européenne et les États membres "ont voulu le plus possible se dégager d'éventuelles responsabilités juridiques pour d'éventuels effets secondaires".
Aussi, "si on compare aux Britanniques, aux États-Unis, aux Israéliens, qui ont vacciné beaucoup plus rapidement, il y a une espèce d'aversion au risque chez les Européens", dit encore Sylvain Kahn.
"Je ne crois pas que les Européens soient fâchés avec l'UE"
Pour autant, Sylvain Kahn refuse de croire en une perte de confiance nette et définitive entre les citoyens et l'Europe. "Je ne crois pas que les Européens soient fâchés avec l'UE, au contraire", répond-il. "Je pense que chez les Européens, il y a une demande sociale d'Europe qui s'est cristallisée ou qui s'est renforcée à l'occasion de cette crise."