Des militaires putschistes ont annoncé mercredi avoir mis "fin au régime en place" au Gabon et avoir placé en résidence surveillée le président Ali Bongo Ondimba, dont la réélection après 14 ans au pouvoir venait d'être annoncée. Jusqu'à ce coup d'Etat, condamné par la France, ce pays d'Afrique centrale riche en pétrole était dirigé depuis plus de 55 ans par la famille Bongo. Des habitants ont très vite manifesté dans la rue leur soutien aux militaires tandis qu'Ali Bongo a appelé dans une vidéo ses "amis" à "faire du bruit".
Les principales informations :
- un coup d'État militaire est en cours au Gabon après la réélection du président Ali Bongo
- Ali Bongo se trouve actuellement en résidence surveillée et appelle ses "amis" à "faire du bruit"
- Le président Bongo "est mis à la retraite", affirme le chef de la garde républicaine
- L'Union africaine a condamné la tentative de coup d'État
- Le général Brice Oligui Nguema a été nommé "président de la Transition"
Le général Brice Oligui Nguema nommé "président de la Transition"
Le commandant en chef de la Garde républicaine, l'unité d'élite de l'armée du Gabon, le général Brice Oligui Nguema, a été nommé "président de la transition" par les militaires putschistes dans un communiqué lu à l'antenne de la télévision Gabon 24.
"Le général Oligui Nguema Brice a été désigné à l'unanimité président du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions, président de la transition", a déclaré un officier en présence de dizaines d'officiers supérieurs et généraux, qui représentent tous les corps de l'armée gabonaise, selon le communiqué. La durée de la transition des militaires au pouvoir n'a pas été précisée.
La Maison Blanche dit "suivre de très près" la situation
La Maison Blanche "suit de très près" la situation au Gabon, où des militaires putschistes ont placé en résidence surveillée le président Ali Bongo Ondimba, a dit mercredi l'un de ses porte-parole. John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale, a assuré que le personnel diplomatique américain ainsi que les militaires américains présents au Gabon étaient en sécurité.
Il a refusé de commenter la réélection du président Ali Bongo, au pouvoir depuis 14 ans, et s'est borné à assurer que les Etats-Unis "restaient concentrés sur le travail à faire avec nos partenaires en Afrique et toute la population du continent pour aider à soutenir la démocratie". Le porte-parole a jugé "profondément inquiétante" la succession de coups d'Etat en Afrique ces dernières années mais jugé qu'il était "trop tôt" pour parler d'une "tendance" de fond.
Ali Bongo "est mis à la retraite"
Le président gabonais Ali Bongo Ondimba, dont la réélection après 14 ans au pouvoir venait d'être annoncée, a été "mis en retraite", a affirmé mercredi au journal français le Monde le chef de la garde républicaine, un des acteurs du coup d'Etat militaire, le général Brice Oligui Nguema. Ali Bongo, actuellement en résidence surveillée, "est mis à la retraite, il jouit de tous ses droits. C'est un Gabonais normal, comme tout le monde", a déclaré le militaire putschiste. "Il n'avait pas le droit de faire un troisième mandat, la Constitution a été bafouée, le mode d'élection lui-même n'était pas bon. Donc l'armée a décidé de tourner la page, de prendre ses responsabilités", a-t-il fait valoir.
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Porté en triomphe mercredi par des centaines de militaires, selon des images diffusées par la télévision d'Etat, le chef de la garde présidentielle refuse pour l'heure de se considérer comme le nouveau chef de l'Etat gabonais. "Je ne me déclare pas encore, je n'envisage rien pour l'instant", a-t-il répondu au Monde. "C'est un débat que nous allons avoir avec l'ensemble des généraux", a-t-il précisé en évoquant une réunion "à 14H00"(13H00 GMT). "Il s'agira de dégager un consensus. Chacun va émettre des idées et les meilleures seront choisies, ainsi que le nom de celui qui va conduire la transition", a-t-il assuré.
L'Union africaine "condamne fermement la tentative de coup d'Etat"
Le président de la Commission de l'Union africaine (UA) "condamne fermement la tentative de coup d'Etat" au Gabon, dénonçant "une violation flagrante" des principes de l'organisation continentale, dans un communiqué publié mercredi. Moussa Faki Mahamat "appelle l'armée nationale et les forces de sécurité à s'en tenir strictement à leur vocation républicaine, à garantir l'intégrité physique du président de la République (Ali Bongo Ondimba), des membres de sa famille, ainsi que de ceux de son gouvernement".
"Moussa Faki suit avec une grande inquiétude la situation en République gabonaise et condamne fermement la tentative de coup d'Etat (dans le) pays comme voie de solution de sa crise post-électorale actuelle", selon le communiqué de l'UA. "Il rappelle avec force qu'elle constitue une violation flagrante des instruments juridiques et politiques de l'Union africaine, dont la Charte africaine sur les élections, la démocratie et la gouvernance". Jusqu'à ce coup d'Etat, le Gabon, pays d'Afrique centrale riche en pétrole était dirigé depuis plus de 55 ans par la famille Bongo.
Placé en résidence surveillée
Ali Bongo, qui a succédé à son père en 2009, a été placé en résidence surveillée "entouré de sa famille et de ses médecins", et l'un de ses fils, Noureddin Bongo Valentin, a été arrêté pour "haute trahison", ont annoncé les militaires à la télévision d'Etat. Une série d'arrestations ont également visé six autres hauts responsables du régime, tels le directeur de cabinet de Ali Bongo et son directeur adjoint, des conseillers de la présidence ainsi que les numéros un et deux du tout-puissant Parti démocratique gabonais (PDG).
Le chef de la garde présidentielle, le général Brice Oligui Nguema, a quant à lui été porté en triomphe par des centaines de militaires, selon des images diffusées par la télévision d'Etat. Les réactions internationales à ce nouveau coup d'Etat dans un pays d'Afrique francophone, n'ont pas tardé : la Chine a appelé à "garantir la sécurité d'Ali Bongo" tandis que la France, ex-puissance coloniale, a "condamné le coup d'Etat militaire en cours". La Russie a fait part de sa "profonde préoccupation" tout comme le Commonwealth, organisation que le Gabon a rejoint l'an dernier.
Dans un message vidéo posté sur les réseaux sociaux où il apparaît manifestement inquiet, Ali Bongo, appelle en anglais tous ses "amis dans le monde entier pour leur dire de faire du bruit" à propos "des gens qui m'ont arrêté".
"Défendre la paix"
Juste après l'annonce officielle dans la nuit de la victoire de Ali Bongo à la présidentielle de samedi avec 64,27% des voix, un groupe d'une douzaine de militaires était apparu sur les écrans de la chaîne de télévision Gabon 24, abritée au sein même de la présidence. Réunis au sein du "Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), ils ont "décidé de défendre la paix en mettant fin au régime en place", a annoncé un colonel de l'armée régulière.
Parmi les militaires figuraient des membres de la garde républicaine (GR), garde prétorienne de la présidence reconnaissable à ses bérets verts, ainsi que des soldats de l'armée régulière et des policiers. Les militaires ont notamment estimé que l'organisation des élections n'avait "pas rempli les conditions d'un scrutin transparent" et ont notamment dénoncé "une gouvernance irresponsable". Ils ont annoncé la dissolution de toutes les institutions du pays et la fermeture des frontières du Gabon "jusqu'à nouvel ordre".
La "jeune garde"
Les sept hommes arrêtés par les putschistes incarnent la "jeune garde" qui formaient un groupe de très proches et influents conseillers du chef de l'Etat depuis le retour d'une longue convalescence de Ali Bongo à la suite d'un AVC en 2018. L'opposition et la société civile accusaient régulièrement les membres de cette "jeune garde" d'être devenus les véritables dirigeants du pays parce que, selon elles, Ali Bongo était très affaibli par les séquelles de son AVC.
Ce coup d'Etat est intervenu en plein couvre-feu et alors qu'internet était coupé, deux mesures décrétées par le gouvernement samedi avant la fermeture des bureaux de vote afin de parer selon lui à d'éventuelles "violences". Internet a été rétabli peu après 7 heures GMT. Peu après la lecture de la déclaration des militaires, des journalistes de l'AFP ont entendu des tirs d'armes automatiques dans plusieurs quartiers de Libreville. Ces tirs, sporadiques, ont rapidement cessé.
"Le Gabon est libéré"
Dans le quartier populaire Plein Ciel de Libreville, non loin du centre, un membre du personnel de l'AFP a vu une centaine de personnes sur un pont, à pied ou en voiture, crier : "C'est la libération !" ou encore "Bongo dehors!". Au son des klaxons, ils ont salué et applaudi des policiers en tenue anti-émeutes au visage masqué. Dans le quartier aisé d'Akanda, non loin de la résidence d'Ali Bongo, des habitants se tenaient sur le pas de leur porte, sans oser sortir, selon un membre du personnel de l'AFP, des militaires rigolards d'une unité d'élite leur demandant de rentrer chez eux.
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A Port-Gentil, la capitale économique, sur la place du Château d'eau située dans un quartier populaire et bastion traditionnel de l'opposition, des centaines de personnes ont klaxonné en criant "Le Gabon est libéré". Certains dansent avec des policiers et des militaires en tenue, a rapporté Ousmane Manga, journaliste indépendant contacté par téléphone par l'AFP. Les activités du groupe minier français Eramet ont par ailleurs été "mises à l'arrêt" dans le pays, où sont employées quelque 8.000 personnes, majoritairement gabonaises, a annoncé la société à l'AFP.
Ali Bongo, 64 ans, a été élu en 2009 après la mort de son père Omar Bongo Ondimba, qui avait dirigé le Gabon pendant plus de 41 ans. L'opposition a régulièrement dénoncé la perpétuation d'une "dynastie Bongo" de plus de 55 ans à ce jour. Ali Bongo briguait un troisième mandat, réduit de 7 à 5 ans, aux élections de samedi qui regroupaient trois scrutins, présidentiel, législatifs et municipaux. Quelques instants avant l'irruption des militaires sur les écrans, les résultats officiels des élections avaient été égrenés en pleine nuit, à 3h30 (2h30 GMT), sur la télévision d'Etat sans aucune annonce préalable.
Selon ces résultats, le principal rival de Ali Bongo, Albert Ondo Ossa, n'a recueilli que 30,77% des voix à la présidentielle et a dénoncé des "fraudes orchestrées par le camp Bongo".