C’est une des théories qui affole les réseaux sociaux : et si le coronavirus avait pour origine le laboratoire P4 de l’Institut de virologie de Wuhan ? Un lieu hautement sécurisé où sont manipulés des virus dangereux et qui, selon le Washington Post, aurait eu de failles dans son dispositif de sécurité par deux fois au cours de l’année 2018. Les thèses du quotidien de référence américain sont également corroborées par la chaîne conservatrice Fox News. Au micro d’Europe 1, François Godement, historien français et spécialiste de la Chine pour l'Institut Montaigne est revenu sur cette affaire, rappelant, comme l’avaient fait nos confrères journalistes outre-Atlantique, que "cette théorie n’est pas démontrée". "Il n’y a pas de preuves".
"Une thèse explosive" avec "quelques indices"
"C’est une thèse explosive (...) Mais il y a simplement quelques indices", commence François Godement. D’abord, avance-t-il, les premiers cas avérés de coronavirus ne proviennent pas du marché aux poissons et aux animaux sauvages, comme cela avait été supposé au début de la propagation du Covid-19. Surtout, "la Chine ne donne pas accès aux premiers spécimens du virus et ce refus persiste à ma connaissance", explique l'historien.
Enfin, poursuit ce spécialiste de la Chine à l’Institut Montaigne, la censure qui s’est "abattue sur les laboratoires qui travaillent là-dessus", est un troisième indice qui accréditerait la thèse que la Chine aurait dissimulée des informations. "Ils (les chercheurs chinois, ndlr) ont interdiction de publier sans que leurs travaux soient remontés au plus haut niveau de l’autorité publique".
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"Il faut reprocher à la Chine le caractère tardif de sa réponse"
"Ces trois éléments peuvent faire penser que la Chine a quelque chose à cacher", affirme François Godement. "Mais comme c’est dans la nature du régime de cacher les choses, ce n’est pas forcément une preuve", précise-t-il.
François Godement a tenu à souligner qu’aucune formelle accréditant la thèse de la fuite du virus par le laboratoire P4 existait. Tout comme l’idée d’une construction bactériologique (on aurait ajouté des composantes d’un virus à un autre pour créer le SARS-CoV-2). "Les scientifiques semblent unanimes que ça ne peut pas être une construction. Ça ne peut pas être un virus sur lequel on aurait greffé des éléments nouveaux. Pour l’instant c’est une piste à écarter".
Seule une chose est sûre pour l’instant donc : le virus a pris son essence en Chine. "Ce qu’il faut lui reprocher, c’est le caractère tardif de la réponse chinoise, catastrophique à cause des migrations du nouvel an chinois. Et reprocher la non-reconnaissance du caractère hautement contaminant jusqu’au 20 janvier".
"L'OMS n'a pas émis une seule critique à l'égard de la Chine"
Autre indice qui alimente les questionnements sur la Chine : l’attitude de l’Organisation internationale de la Santé. "Elle n’a pas émis une seule critique à l’égard de la Chine", fait remarquer François Godement. Les contributions versées par le régime Chinois pourraient expliquer ce silence ? "Ça n’est pas qu’une question budgétaire, la Chine donne très peu d’argent en réalité. Beaucoup moins que les pays occidentaux ou le Japon pour prendre cet exemple”, répond François Godement, qui avance plutôt une réponse géopolitique.
"Le directeur de l'OMS vient d’un gouvernement éthiopien qui était très largement ami avec la Chine. La coalition qui l’a fait élire à la direction de l’OMS opposait pays du sud contre pays occidentaux, ce qui représentait un front nouveau à l’intérieur de l’OMS". Il est clair qu’à travers ce directeur, la Chine a acquis un levier à l’intérieur de l’OMS”, résume François Godement
“Il est dans la nature de la propagande chinoise de tout faire pour faire oublier, y compris actuellement par les contre-attaques les plus invraisemblables”, rappelle et conclut l'historien Français.