Le président français va-t-il se faire doubler ? Emmanuel Macron rencontre son homologue russe Vladimir Poutine lundi pour trouver une issue à la crise ukrainienne, pour "bâtir des réponses à l'urgence". Une rencontre très attendue avec un chef de l'État rodé à l'exercice, mais en coulisses, des discussions ont pu être menées entre les États-Unis et la Russie, selon l'éditorialiste Vincent Hervouet.
Emmanuel Macron dans un rôle qu'il affectionne
Emmanuel Macron adore l’odeur de la poudre. La crise le grise. Depuis cinq ans, il prend des risques, il dialogue avec les pestiférés. Vous souvenez-vous de sa "bromance" avec Donald Trump, des selfies avec MBS, l’héritier saoudien ? C’était risqué aussi de parrainer une réconciliation de façade entre les frères ennemis libyens en 2017. L’accord est mort né. Il fallait du culot pour inviter un ministre iranien en marge du G7 à Biarritz en 2019. En vain. Et débarquer en sauveur dans Beyrouth ravagé en 2020, pour mettre en demeure les grands féodaux libanais. Qui sont toujours là.
C’est la stratégie du raid diplomatique, monté à l’arraché. Avec bénéfice immédiat, en termes de com. Et presque tout de suite oublié car il ne reste rien de ce volontarisme au Sahel, au Proche-Orient, en Algérie, en Australie... La diplomatie demande la pénombre, la patience, la prudence, le temps long, la vision stratégique. Mais depuis 25 ans, depuis que Jacques Chirac est devenu un champion du monde arabe en piquant une colère à Jérusalem, le pli est pris : ses successeurs tentent les coups d’éclats qui font remonter leur popularité à l’intérieur. Nicolas Sarkozy a obtenu le cessez-le-feu en Géorgie. François Hollande a vécu le plus grand jour de sa vie à Tombouctou. Emmanuel Macron, à son tour, cherche la gloire, en affrontant en tête-à-tête l’ours dans sa tanière.
La question d'un possible accord secret entre Biden et Poutine
Le renseignement américain estime que la Russie prépare réellement une invasion de grande ampleur. Les Américains ont même calculé que le conflit allait tuer 50.000 civils, 25.000 soldats ukrainiens, et pousser en Pologne cinq millions de réfugiés. C’est l’estimation haute. À Kiev, les dirigeants dénoncent des prévisions d’apocalypse. Les autorités ukrainiennes disent que les chances d’une solution diplomatique sont considérablement supérieures à celle d’une escalade militaire.
Les Ukrainiens savent ce qui est en jeu, ce qui est sur la table : un accord stratégique sur la sécurité en Europe. Le premier depuis la chute du Mur de Berlin. Les Russes veulent des garanties de sécurité de l’Otan, c’est-à-dire des Américains. Et les Américains ne sont pas mécontents que l’Otan ressuscite en Ukraine.
Joe Biden et Vladimir Poutine se sont vus longuement en juin à Genève. Peut-être qu’ils se sont mis d’accord ? Les deux hommes ont besoin d’un maximum de battage, d’une crise artificielle pour imposer cet accord autour d’eux. Le chantage au chaos, le tout ou rien. D’où les manœuvres côté russe, l’envoi de troupes fraîches et le tocsin côté américain. Des experts prennent au sérieux ce scénario d’un double jeu russo-américain. Ils relèvent que l’équipe Biden a répondu en deux jours seulement à la proposition d’accord du Kremlin. Alors que normalement, cela aurait du prendre des semaines pour l’étudier en détail.
La France pourrait endosser la tenue du pompier volant
Ce ne serait pas la première fois que l’Europe serait la dupe d’un accord négocié dans son dos par les Russes et les Américains. En ce qui concerne la France, cela lui permet d’endosser l’uniforme toujours seyant du pompier volant et peut-être même de jouer les honnêtes courtiers entre Moscou et Kiev.
Personne ne reprochera au président Emmanuel Macron d’avoir essayé. Ni d’ailleurs d’échouer : les retrouvailles entre Moscou et Paris sont souvent décevantes. On peut même espérer qu’il obtienne un geste de Poutine. Par exemple, que ses protégés, les mercenaires du groupe Wagner, arrêtent de marcher sur les rangers au Mali.