Nagorny Karabakh : Bakou et les séparatistes prêts à poursuivre leurs discussions

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Des manifestantes parlent à la police arménienne dans la capitale d'Erevan alors que les pourparlers avec l'Azerbaïdjan ont commencé. © Karen MINASYAN / AFP
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avec AFP / Crédits photo : Karen MINASYAN / AFP , modifié à
Les pourparlers entre l'Azerbaïdjan et les séparatistes arméniens du Nagorny Karabakh ont débuté ce jeudi dans la ville azerbaïdjanaise de Yavlakh. Les deux parties ont évoqué la question de la réintégration de ce territoire sécessionniste où l'armée azerbaïdjanaise vient de remporter une victoire éclair.

L'Azerbaïdjan et les séparatistes arméniens du Nagorny Karabakh sont prêts à poursuivre les pourparlers entamés jeudi sur une réintégration de ce territoire sécessionnistel'armée azerbaïdjanaise vient de remporter une victoire éclair. À Bakou, la présidence, qui a qualifié de "constructives" les quelque deux heures de discussions qu'ont eues les protagonistes à Yevlakh, une ville à 295 km à l'ouest de la capitale, a annoncé qu'une nouvelle réunion aurait lieu "le plus rapidement possible".

"Les parties ont insisté en particulier sur la nécessité de discuter de tous les problèmes existants dans un environnement paisible et ont fait part de leur disposition à poursuivre les réunions", ont pour leur part commenté les séparatistes dans un communiqué.

Des personnes "déplacées, affamées et apeurées"

Une colonne de 4X4 noirs était arrivée sur place dans la matinée, suivie d'un véhicule sur lequel flottait un drapeau russe et portant des plaques d'immatriculation de l'armée russe. Six hommes en costume s'étaient ensuite assis autour d'une table. Parmi eux, un représentant du Nagorny Karabakh était visible, David Melkoumian. La veille, Hikmet Hajiev, un conseiller du président azerbaïdjanais Ilham Aliev, avait assuré que l'Azerbaïdjan avait "pour objectif la réintégration pacifique des Arméniens du Karabakh", qui y sont majoritaires, et une "normalisation" des relations avec l'Arménie.

En attendant, les rues de Stepanakert, la capitale du Nagorny Karabakh, sont "remplies de personnes déplacées, affamées et apeurées", a raconté jeudi Gegham Stepanian, le responsable de l'autorité séparatiste pour la défense des droits. "Les gens sont désespérément à la recherche les uns des autres et appellent (...) pour avoir des nouvelles de leurs proches", a-t-il poursuivi sur X, anciennement Twitter.

Au cours d'une conversation téléphonique avec son homologue azerbaïdjanais, le président russe Vladimir Poutine a à ce sujet demandé que "les droits et la sécurité" des Arméniens du Nagorny Karabakh soient garantis par Bakou.

"40.000 familles" de réfugiés

Le succès militaire des Azerbaïdjanais nourrit en effet les craintes d'un départ massif des 120.000 habitants de cette enclave. Dans l'immédiat, l'Arménie a promis qu'aucune évacuation de masse n'était prévue. Elle est cependant préparée pour accueillir "40.000 familles" de réfugiés, a assuré jeudi à la télévision son Premier ministre Nikol Pachinian, même si, a-t-il martelé, aucune "menace directe" ne pèse sur la population locale.

A Genève, l'Arménie, qui a qualifié de "crime contre l'humanité" l'opération militaire azerbaïdjanaise, avait plus tôt dénoncé devant le Conseil des droits de l'homme de l'ONU un "nettoyage ethnique" "en cours". Plus de 10.000 personnes, dont des femmes, des enfants et des personnes âgées, ont d'ores et déjà été évacuées du Nagorny Karabakh, a fait savoir mercredi soir un responsable séparatiste. Environ la moitié d'entre elles ont été prises en charge par les soldats de la paix russes, déployés dans cette région depuis la fin de la dernière guerre à l'automne 2020.

Cessez-le-feu "globalement" respecté

Au moment où les pourparlers ont commencé à Yevlakh, des tirs, dont l'origine n'est pas connue, ont été entendus à Stepanakert par un correspondant de l'AFP présent sur place. Toutefois, malgré des "violations isolées", le cessez-le-feu entré en vigueur mercredi est "globalement" respecté, a reconnu en fin de journée Nikol Pachinian.

 

Aroutioun Gasparian, un homme d'affaires de Stepanakert, a simplement évoqué un échange de tirs à l'extérieur de la ville. "Nous sommes assis chez nous et attendons les résultats des négociations (à Yevlakh). Tous les habitants de la ville sont assis chez eux ou dans leur jardin, attendant", a-t-il témoigné.

Conseil de Sécurité de l'ONU

Selon le dernier bilan des séparatistes arméniens, l'offensive azerbaïdjanaise qui s'est achevée en 24 heures mercredi à la mi-journée a fait au moins 200 morts et 400 blessés. Le ministère russe de la Défense a pour sa part annoncé que des soldats russes avaient été tués mercredi lorsque leur voiture avait été visée par des tirs. Le président Aliev a présenté jeudi "ses excuses" à Vladimir Poutine pour ces militaires tombés au cours de l'offensive azerbaïdjanaise.

Acculés par la puissance de feu des unités azerbaïdjanaises et la décision de l'Arménie de ne pas leur venir en aide, les séparatistes ont accepté de remettre toutes leurs armes et de participer à des pourparlers sur l'avenir du Nagorny Karabakh. En parallèle, une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU est prévue pour l'après-midi.

Craignant que la reprise des hostilités ne déstabilise tout le Caucase, les Occidentaux et la Russie, pour laquelle il s'agit d'une "affaire intérieure" de l'Azerbaïdjan, avaient appelé dès mardi à un arrêt immédiat des combats. Les autorités azerbaïdjanaises avaient déclenché ce jour-là leur opération "antiterroriste" à la suite de la mort de six personnes dans l'explosion de mines posées, ont-elles affirmé, par des "saboteurs" arméniens.

Pachinian sous pression, Aliev renforcé

La capitulation des séparatistes a fait monter la pression sur le Premier ministre arménien, critiqué pour ne pas les avoir aidés. Nikol Pachinian "doit partir, il ne peut pas diriger le pays", s'est exclamé mercredi soir l'un des milliers manifestants hostiles à sa politique qui s'étaient rassemblés à Erevan, Sarguis Hayats, un musicien de vingt ans. Jeudi, le chef du gouvernement a exhorté les Arméniens à emprunter "le chemin" de la paix, même s'il n'est "pas facile".

Usant de la manne pétrolière pour renforcer son armée, le président azerbaïdjanais est de son côté en passe de réussir son pari de reprendre le contrôle du Nagorny Karabakh, qui a été le théâtre de deux guerres entre les anciennes républiques soviétiques du Caucase que sont l'Azerbaïdjan et l'Arménie : l'une de 1988 à 1994 (30.000 morts) et l'autre à l'automne 2020 (6.500 morts). Cette victoire "va assurément augmenter la popularité d'Ilham Aliev", au pouvoir depuis vingt ans, a relevé Chahin Hajiev, un expert azerbaïdjanais indépendant.