Donald Trump est-il prêt à gouverner ?

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© MANDEL NGAN / AFP
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Le candidat républicain n'a pas prêté grande attention aux dossiers qui arriveront désormais sur son bureau à la Maison-Blanche, pas plus qu'à la constitution d'une équipe.

Le 24 juin, les images avaient fait le tour du monde. Celles de responsables britanniques favorables à une sortie de l'Union européenne, notamment Boris Johnson, dépassés par le référendum qui leur donnait raison, pris de court par leur propre victoire. Les jours suivants, le retrait de Johnson et la démission de l'eurodéputé de Nigel Farage avaient confirmé ce que beaucoup d'analystes disaient déjà : le camp des pro-Brexit n'était absolument pas prêt à prendre le pouvoir après sa victoire.

Un peu plus de quatre mois plus tard, qu'en est-il de Donald Trump ? Dans les bureaux locaux du candidat républicain, la stupeur l'a disputé à la joie chez les militants. Même ses plus fidèles soutiens ont bien dû concéder que son élection à la tête des États-Unis, mercredi, était une surprise. Et la question de sa préparation à occuper la présidence se pose plus que jamais.

"Amateur, improvisateur, imprévisible". Elle se pose avec d'autant plus d'acuité que, pendant la campagne, le milliardaire a plus d'une fois fait montre de sa méconnaissance des dossiers. En septembre 2015, une interview sur la politique étrangère avait tourné au fiasco pour lui –il avait notamment confondu Al-Qods, les forces spéciales des Gardiens de la Révolution islamique en Iran, qui se prononce "Quds" en Anglais, avec les Kurdes. Les débats face à Hillary Clinton, un an plus tard, ont également montré qu'il était capable de se contredire en quelques minutes sur des sujets aussi sensibles que celui de l'utilisation de l'arme nucléaire. "Pour l'instant, à travers la campagne, on avait l'impression d'avoir affaire à quelqu'un qui était amateur, improvisateur, imprévisible", résume sur Europe 1 François Clémenceau, journaliste au JDD spécialiste des États-Unis.

"Incapable de se pencher sur un dossier". Une impression confirmée par Roger Cohen, éditorialiste au New York Times. "Il mène une campagne depuis 16 mois, il n'a pas étudié un seul dossier. Il n'a pas d'ordinateur, il n'est pas capable de se pencher sur un dossier pour plus d'une minute", explique-t-il. Tony Schwartz, ancien nègre de Donald Trump pour son ouvrage The Art of the Deal, racontait la même chose au New Yorker en juillet dernier. "Il est impossible de le faire se concentrer pendant plus de quelques minutes sur un sujet qui ne concerne pas son auto-glorification." Pour écrire le livre, Tony Schwartz avait renoncé à interviewer le milliardaire, qui se comportait "comme un gamin de maternelle qui ne peut pas rester tranquille en cours".


"Donald Trump n'est absolument pas prêt à...par Europe1fr

"Absolument pas prêt". Et selon lui, Donald Trump ne compense pas par une culture préalable. "Il est stupéfiant de voir à quel point ses connaissances sont superficielles", confiait-il encore au New Yorker. "S'il devait être briefé dans la 'situation room', je ne l'imagine pas rester concentré très longtemps." Roger Cohen a la même analyse sur l'antenne d'Europe 1 : "sur la politique étrangère, [Trump] ne sait presque rien. Il n'est absolument pas prêt pour gouverner."

Pas d'équipe de transition digne de ce nom. Néanmoins, n'importe quel chef d'État n'est pas seul aux manettes. Aux États-Unis, près de 4.000 postes de hauts fonctionnaires sont ainsi à pourvoir à l'arrivée d'un nouveau président. Des membres de cabinet, mais aussi des directeurs d'agences fédérales par exemple. Mais encore faut-il savoir qui placer où. Et, selon plusieurs sources, Donald Trump n'y a pas non plus accordé grande attention. "Il y a des équipes de transition pour chacun des deux camps, nommées à partir du printemps", détaille ainsi François Clémenceau. C'est en leur sein que les candidats "sont prêts à sélectionner des gens pour devenir, notamment, membre du cabinet". Mais "ce travail préparatoire n'a pas été fait du côté de Donald Trump".


Trump "n'est pas capable de se pencher sur un...par Europe1fr

Concentré sur la victoire. Certes, un comité piloté par Chris Christie, gouverneur du New Jersey, a bien été formé. Cependant, "ils n'ont pas réussi à trouver un nombre suffisant de gens candidats pour aller occuper ces postes importants", indique le journaliste du JDD. "Vous avez quatre ou cinq noms qui circulent, guère plus", quand une cinquantaine de personnes s'étaient engagées aux côtés d'Hillary Clinton. "Trump lui-même n'a pas pris une part active dans les efforts pour préparer la transition", confirme NBC News. Lundi, à 24 heures du scrutin, des sources au sein de l'équipe de campagne du candidat républicain disaient préférer se concentrer sur la victoire, et indiquaient qu'aucune décision n'avait été prise quant au rôle de chacun en cas d'élection de Donald Trump.

Des personnalités se détachent. Pas de décision définitive, certes, mais derrière Chris Christie, certains, notamment le sénateur d'Alabama Jeff Sessions, ont poussé pour accélérer le travail de transition ces derniers jours. Toujours selon NBC News, Mike Pence s'est beaucoup investi en tant que colistier et Reince Priebus, président du comité national républicain, serait pressenti pour être le chef de cabinet de Donald Trump. "Entre les slogans et la réalité, il y a un monde", rappelle François Clémenceau. "Ce sera intéressant de voir quelles sont les personnalités qui vont entourer Trump pour professionnaliser son programme."

73 jours pour se préparer. En outre, plus de deux mois vont encore s'écouler avant la passation de pouvoir entre le vainqueur de l'élection et Barack Obama, pendant lesquels le républicain va pouvoir tenter de combler son retard dans les préparatifs. Dès jeudi, Donald Trump se rendra à la Maison-Blanche pour, comme l'y invite Barack Obama, "faire le point sur le planning de transition". Une traditionnelle visite de la demeure présidentielle américaine est prévue. Le nouveau président va également devoir rapidement choisir son chef de cabinet, son procureur général et ses secrétaires d'État. Des entretiens avec les services secrets sont au programme, tout comme l'élaboration d'un agenda législatif pour les trois premiers mois du mandat. Donald Trump a donc 73 jours pour faire mentir les spécialistes, et arriver à la Maison Blanche prêt à gouverner.