Treize soldats français sont morts dans le crash de leurs hélicoptères au Mali, lundi soir. Un hommage national leur sera rendu aux Invalides, lundi, alors que 44 soldats mobilisés dans l'opération Barkhane ont déjà trouvé la mort au Sahel depuis 2013, rappelle l'éditorialiste Nicolas Beytout, mercredi. Pour lui, un changement de stratégie sur l'engagement régional de la France au Sahel peut s'amorcer après ce tragique accident.
"C’est en janvier 2013 que François Hollande avait décidé en urgence d’envoyer l’armée pour stopper la progression rapide des troupes djihadistes dans tout le nord du pays. Élu sur le thème du 'Président normal', il avait d’ailleurs, grâce à cette opération, dessiné son personnage sur les sujets régaliens, et s’en était beaucoup servi sur le plan de la politique intérieure. À l’époque, la version officielle, c’est qu’on y était pour quelques semaines. Tout le monde avait applaudi. Et d’ailleurs, six mois plus tard, le même François Hollande dira : 'On a gagné la guerre'. Sept ans se sont écoulés."
Et nous y sommes toujours.
"Et on a multiplié par trois les effectifs présents sur place. Nous avons là-bas 4.500 hommes, et la mauvaise nouvelle, c’est qu’on ne parvient plus à contenir la pression djihadiste, qui s’étend désormais du nord du Mali vers le centre et le sud, chez ses voisins. C’est peu de dire que l’enthousiasme était largement sur-joué."
Est-ce que l’accident et les 13 morts peuvent remettre en question l’engagement de la France ?
"Non, je ne le pense pas. Ils sont morts en opération, mais pas au combat. Et puis, le débat n’est pas parvenu à ce stade, en France où seul le parti de Jean-Luc Mélenchon pose ouvertement la question de l’opération Barkhane. La réalité, c’est que nous sommes coincés, là-bas. Que nos efforts pour rallier les forces armées du Mali et de quatre de ses voisins africains sont peu concluants. Et que nos tentatives de mettre l’Europe dans la boucle sont pour l’instant peu productifs : quelques soldats tchèques, quelques estoniens, et trois belges (oui, trois officiers intégrés au commandement). Le moins qu’on puisse dire, c’est que la bonne volonté européenne est lente à venir. Quant aux États-Unis, ils ont sur place des forces spéciales et des drones. On le voit, rien de comparable avec l’effort de la France."
Si ce n’est pas possible de quitter ce théâtre d’opération, est-ce qu’on peut changer de stratégie ?
"Beaucoup de gens y réfléchissent, y compris des militaires haut-gradés. Ne serait-ce que parce que cette guerre assèche notre budget des armées : elle coûte 700 millions par an, 2 millions d’euros par jour. Alors, peut-être qu’un jour le débat national finira par porter sur notre présence là-bas. C’est par exemple typiquement un sujet à débattre dans une campagne présidentielle. En attendant, le mieux pour la France serait d’insister pour partager le fardeau avec nos amis européens, qui sont bien contents, j’imagine, de savoir que l’armée française se bat aussi pour eux au Sahel. Peut-être qu’un jour, les 13 morts français pèseront un peu sur leur conscience et déclencheront, enfin, une avancée de l’Europe de la diplomatie et de la défense."