Sa main droite, toujours plongée dans son gant blanc, ne s’agitera plus pour saluer ses sujets. La reine Elizabeth II s’est éteinte ce jeudi à 96 ans. Avec elle, c’est une page de l’histoire de l’Angleterre qui se tourne. Elle aura régné pendant plus de 70 ans – un record – et vu passer pas moins de 16 Premiers ministres. Retour sur une vie de monarque hors normes.
Pas destinée à être reine
Pour mieux comprendre l’histoire du souverain britannique qui détient le record de longévité sur le trône, il faut d’abord jeter un coup d’œil à la généalogie de la famille royale. En tant que petite-fille du roi George V, elle n’est, à sa naissance le 21 avril 1926, que troisième dans l’ordre de succession au trône d’Angleterre, après son oncle Edouard, premier fils de George, et son père Albert. Mais un événement vraiment inhabituel va bouleverser son destin.
Lorsque George V décède le 20 janvier 1936, l’oncle d’Elizabeth, Edouard, accède au trône. Mais coup de tonnerre quelques mois plus tard : il renonce à régner, préférant épouser l’Américaine Wallis Simpson, déjà divorcée deux fois et pas assez "pure" pour la monarchie britannique. Après cette soudaine abdication, Albert devient roi et, à 10 ans, Elizabeth son héritière présomptive. Dès ce jour, on ne l’appelle plus "Lilibet" (son surnom) mais “Son Altesse royale la princesse Elizabeth”.
DOCUMENT EXCEPTIONNEL - Retour sur les 70 ans de règne d'Elizabeth II à travers les archives d'Europe 1
Éducation à la dure et mécano pendant la guerre
Dès ses 10 ans, elle est donc destinée à devenir un jour reine – sauf si ses parents lui donnent un frère entre-temps, qui repasserait alors devant elle dans l’ordre de succession. Elle commence à recevoir une éducation stricte et un enseignement privé très complet afin de la préparer à son futur rang. Levée à 7h30 et couchée à 19h15, la jeune Elizabeth apprend entre autres à rester assise, immobile, pendant plusieurs heures de suite. Elle apprendra aussi le français auprès de ses gouvernantes.
Vient la Seconde Guerre mondiale. Après avoir quitté le Palais de Buckingham pour le château de Windsor pour des raisons de sécurité, Elizabeth prend progressivement plus de poids au sein de la famille royale. En 1943, alors qu’elle n’a que 16 ans, elle apparaît publiquement auprès d’un des régiments de l’armée britannique. Deux ans plus tard, Elizabeth rejoint carrément l’Auxiliary Territorial Service (ATS), branche féminine de la British Army. Avec son matricule 230873, elle s’engage comme apprentie mécanicienne et conductrice d’ambulances.
Elle épouse son cousin et accède au trône
Deux ans seulement après la fin de la guerre, Elizabeth épouse Philip Mountbatten – futur duc d’Edimbourg. Cousins au troisième degré – ils ont les mêmes arrière-arrière-grands-parents – ils font connaissance en 1939. "Lilibet" n’a que 13 ans mais tombe folle amoureuse de ce prince grec de cinq ans son ainé au premier regard. "Elle ne l’a pas quitté des yeux", racontera plus tard sa gouvernante Marion Crawford. Comme l’explique Vanity Fair, la consanguinité était monnaie courante chez les familles royales européennes. Le 20 novembre 1947, en l’abbaye de Westminster, Elizabeth dit donc "oui" à Philip. Ensemble, ils auront quatre enfants : Charles, Anne, Andrew et Edward.
Le mariage d’Elizabeth II et de Philip Mountbatten :
En 1951, la santé du roi George VI se dégrade considérablement. Elizabeth le remplace de plus en plus souvent lors de cérémonies publiques. Et c’est d’ailleurs lors d’une visite officielle au Kenya qu’elle apprendra la mort de son père, le 6 février 1952. Elle accède au trône le jour-même, à seulement 25 ans. Elle sera couronnée un an plus tard, le 2 juin 1953.
Le premier couronnement retransmis à la télévision en mondovision :
Voyages, célébrations, tabloïds et Lady Di
Après son couronnement, commence son (très long) règne. Elle voyage énormément et visite régulièrement l’ensemble des pays du Commonwealth, dont le nombre se réduit avec le temps. Parmi ses destinations préférées figurent le Canada (24 voyages), l’Australie (16), la Nouvelle-Zélande (10) ou encore la Jamaïque (6). Lors de la première année de son règne, elle a visité pas moins de 14 pays pour une distance totale parcourue de 70.000 kilomètres. Par la suite, elle ne se gêne pas non plus pour introduire des pratiques qui vont la rendre très populaire. En 1970, Elizabeth décide ainsi d’instaurer un bain de foule royal.
Durant les années 1980, la presse britannique va tenter de décrocher des scoops sur la famille royale. Certaines critiques sont concentrées sur la fortune de la reine. On l’accuse de ne pas payer d’impôts et ce n’est qu’en 1993, sous la pression populaire, qu’elle s’acquittera pour la première fois de l’impôt sur le revenu. Nombreuses seront aussi les Unes pour décrire sa relation compliquée avec Diana Spencer, la jeune épouse de son fils Charles. Souvent décrite comme une femme dure, Elizabeth est très critiquée par la presse et l’opinion publique pour n’avoir jamais été très accueillante avec la princesse Lady Di.
Un an après son divorce avec Charles, Diana meurt dans un accident de voiture sous le pont de l’Alma, le 31 août 1997 à Paris. Le Royaume-Uni en voudra énormément à la reine Elizabeth pour n’avoir pas choisi de mettre les drapeaux de Buckingham Palace en berne et pour avoir mis cinq jours avant de s’exprimer publiquement.
Refus d’abdication et fin de règne
En 2002, Elizabeth célèbre son jubilé d’or – 50 ans de règne – malgré la mort de sa sœur et de sa mère. Elle entreprend un long périple à travers les pays du Commonwealth pour essayer de se racheter une certaine popularité. Contre toute attente, elle est accueillie comme une "rock star" dans toutes les villes qu’elle traverse. La reine redore enfin son blason grâce à ses petits-fils, les enfants de Diana, et plus particulièrement au mariage de William avec Kate Middleton en 2011. En 2016, c’est tout le pays qui célèbre les 90 ans de la reine, acclamée par la foule sur la route du château de Windsor.
Si l’on connaît la chronologie de sa vie de reine, on sait beaucoup moins de choses sur Elizabeth. Tout au long de son règne, elle aura pris grand soin de très peu parler. Dans de très rares entretiens publics, la monarque aura toujours tout fait pour cacher ses opinions personnelles. On connaît seulement son goût pour les tailleurs de couleur vive – pour pouvoir être repérée de loin. Et cet inimitable aller-retour de la main droite. Un geste qu’elle aura effectué avec beaucoup de sérieux toute sa vie.