Le Premier ministre indien Narendra Modi avait été l'invité d'honneur de la Fête nationale le 14 juillet à Paris. Six mois plus tard, il va rendre la pareille au président français Emmanuel Macron, signe de la vitalité du partenariat entre les deux pays. Comme en miroir du défilé sur les Champs-Élysées, ouvert par 240 militaires indiens, un contingent français s'illustrera vendredi dans la grande parade militaire pour la 75e édition de la Fête de la Constitution indienne ("Republic Day") à New Delhi.
Le président Macron sera quant à lui l'hôte d'honneur dans la tribune officielle, tout comme Narendra Modi l'avait été place de la Concorde. La veille, le Premier ministre accueillera son hôte avec faste à Jaipur, capitale régionale de l'État du Rajasthan, à 200 kilomètres au sud de New Dehli, réputée pour ses palais et ses éléphants. "Il s'agit d'une marque de confiance particulièrement importante de la part des Indiens à l'égard de la France, et ce, dans la continuité de la visite du Premier ministre Narendra Modi pour le 14 juillet", se félicite l'Elysée.
Si les trois derniers prédécesseurs d'Emmanuel Macron ont eu droit au même honneur, l'invitation revêt un écho particulier au regard du poids stratégique croissant de l'Inde et des ambitions de la France dans la région. À la fois première puissance démographique du monde (1,43 milliard d'habitants), géant économique et puissance nucléaire, l'Inde est un poids-lourd incontournable et de plus en plus courtisé.
Un "partenaire clé"
Elle est en première ligne face à la Chine, rivale numéro un des États-Unis, avec laquelle elle entretient aussi des relations compliquées. Adepte du "muli-alignement", New Delhi entretient en revanche de bonnes relations avec la Russie, refusant de la sanctionner pour son invasion de l'Ukraine et allant même jusqu'à lui acheter le pétrole que les Européens boycottent. La France, sous la houlette du chef de l'État, entend de son côté être un acteur de la zone Asie-Pacifique et se veut une puissance d'équilibre, passerelle entre le nord et le sud.
"L'Inde est, dans le contexte actuel, un partenaire clé pour contribuer à la paix et la sécurité internationales", souligne la présidence française. Le chef de l'Etat s'y est d'ailleurs déjà rendu deux fois, en 2018 et pour le sommet du G20 en septembre 2023. Les deux dirigeants vont avoir des discussions sur l'Ukraine, le Moyen-Orient et la Chine ainsi que sur la coopération bilatérale en matière de défense, précise-t-on de source diplomatique indienne.
Les deux puissances nucléaires cultivent de longue date des liens de défense, illustrés par l'intention de l'Inde d'acquérir 26 Rafale supplémentaires, outre les 36 déjà commandés. Les négociations se poursuivent sur la vente de ces 26 avions de combat destinés à la Marine, tout comme sur celle de trois sous-marins Scorpène. Aucune annonce ne devrait donc intervenir durant la visite.
Respect et tabous
Le président français sera accompagné de l'astronaute Thomas Pesquet, les deux pays partageant nombre de programmes dans le domaine spatial, notamment satellitaires. La France ambitionne aussi de vendre six réacteurs EPR à l'Inde pour la centrale de Jaitapur, dans l’Etat du Maharashtra, un projet dans les tuyaux depuis 15 ans. Un accord-cadre pourrait être conclu à l'occasion de la visite, selon une source indienne.
Pour les défenseurs des droits humains, l'enjeu sera ailleurs, alors que de nombreuses ONG ainsi que l'ONU accusent Narendra Modi de dérive autoritaire et de répression des minorités religieuses. Symbole de ce nationalisme hindouiste, le Premier ministre a inauguré lundi à Ayodhya (nord) un temple sur un site autrefois occupé par une mosquée. Les sikhs, qui accusent l'Inde de cibler leurs activistes indépendantistes, appellent Emmanuel Macron à renoncer à prendre part aux festivités du Republic Day et à interpeller Narendra Modi sur le sujet.
Le président français montrerait ainsi "sa solidarité" avec les gouvernements américain et canadien qui ont pointé du doigt la responsabilité de l'Inde dans des attaques de sikhs à l'étranger, souligne Dabinderjit Singh, activiste à Londres. "Il n'y a pas de sujets tabous, mais le but est de les évoquer dans le respect et avec pour objectif de parvenir à des résultats concrets", répond d'avance un conseiller présidentiel.