L’Iran n’avait pas été confronté à une telle vague de protestations depuis huit ans. Des milliers d’Iraniens manifestent depuis trois jours contre la vie chère mais aussi contre le pouvoir dirigeant, jugé incapable de répondre aux maux économiques. Les manifestations ont débuté jeudi dans une dizaine de villes de province, dont la 2e ville du pays, et se sont poursuivies vendredi et samedi.
Une vie chère et un président décrié
Un chômage élevé. Des milliers de personne manifestent depuis jeudi dans plusieurs villes du pays contre la hausse des prix, le chômage, et l’inflation. Le mouvement est parti de Machhad, 2e ville du pays, dont l'économie locale est frappée par une crise majeure.
La promesse de relancer l'économie, souffrante depuis des années en raison des sanctions internationales passées et d’une mauvaise gestion, a été au cœur des campagnes présidentielles de Hassan Rohani, réélu pour un second mandat en mai dernier. Ce dernier est certes parvenu à obtenir la levée de certaines sanctions économiques après l'accord international sur le nucléaire iranien de 2015. Il a également réussi à maîtriser l'inflation à environ 10%. Mais celle-ci reste élevée, tout comme le taux de chômage, qui culmine encore à 12% de la population active, selon des chiffres officiels.
"Mort à Rohani". Au sein des cortèges non autorisés, des slogans hostiles au président ont ainsi été scandés. Selon des images vidéo diffusées par le média réformateur Nazar, les manifestants ont scandé "Mort à Rohani" ou encore "Mort au dictateur". Certains manifestants ont même scandé des slogans en faveur de la monarchie, renversée par la révolution islamique en 1979. À Machhad, une cinquantaine de manifestants ont été arrêtés pour avoir scandé "des slogans sévères" d’après la justice locale. Ils auraient pour la plupart été libérés depuis, selon la télévision d'Etat. La police est aussi intervenue dans plusieurs villes, parfois avec des canons à eau. Mais généralement les officiers de police tentaient de calmer les gens.
Charekord, dans le sud-ouest de l'#Iran, des habitants, dont des femmes, scandent "A bas la dictature" #FreeIran#Iranprotests ce samedi 30 décembre @francediplopic.twitter.com/9wclFb5YUL
— csdhi.org (@CSDHI) 30 décembre 2017
Video from #Tehran protests today source: @bbcpersianhttps://t.co/RsW8CK0sUs#iranprotestspic.twitter.com/7oGCG1iTXC
— Wladimir (@vvanwilgenburg) 30 décembre 2017
Manifestations en #Iran: hier soir à Ghazvine les jeunes reprennent un slogan du soulèvement de 2009 : "Canons, tanks et pétards, les mollahs doivent partir". @francediplo#FreeIranpic.twitter.com/ZHmi5NtmOz
— csdhi.org (@CSDHI) 30 décembre 2017
Racht au nord de l'Iran ce soir les manifestants barrent la route aux forces de sécurité et leur demandent de les rejoindre tout en scandant "A mort le dictateur" - image diffusée par le réseau des Moudjahidine du peuple d' #Iran#FreeIran#Iranprotestspic.twitter.com/6t5MbbyMc8
— Afchine Alavi (@afchine_alavi) 29 décembre 2017
Un petit groupe d'étudiants a manifesté samedi devant l'université de Téhéran en scandant des slogans politiques contre le pouvoir. "Ni Gaza, Ni Liban, je sacrifie ma vie pour l'Iran", ont-ils crié, en référence à la politique régionale de l'Iran, selon l’agence Fars, proche des conservateurs. Juste après, des centaines d'étudiants pro-régime se sont rassemblés devant l'université, en criant, en guise de réponse : "Mort aux séditieux !" La police anti-émeute, largement déployée, est intervenue pour empêcher les étudiants de sortir dans la rue.
#IranProtests: Video supplied by Iranian opposition group @iran_policy shows #Tehran University students chanting slogan: ‘Khamenei shame on you, let go the country’ https://t.co/mVM339kQZzpic.twitter.com/c8o8p9tj3q
— Al Arabiya English (@AlArabiya_Eng) 30 décembre 2017
#Iranprotests : people and students in #Tehran clash with security forces
— NCRI-FAC (@iran_policy) 30 décembre 2017
On the third day of the anti-regime protests against high costs, the #Iran'ian regime's security forces attacked protesters with tear gas & baton and people fought back. https://t.co/N7u9qwfm1m#FreeIranpic.twitter.com/Yu6XwgvgBU
Mise en garde du régime
Une première depuis 2009. Si les manifestants n’étaient que quelques centaines par rassemblement, il s’agit de la première fois depuis 2009 – et le mouvement de contestation contre la réélection de l’ex-président Mahmoud Ahmadinejad - qu’autant de monde se rebelle contre le régime. Samedi, la télévision d’Etat a pour la première fois évoqué les protestations, et a jugé nécessaire d’entendre "les revendications légitimes". Hesamoddin Ashna, conseiller culturel de Hassan Rohani, a estimé sur Twitter que "le pays faisait face à des défis importants avec le chômage, l'inflation, la corruption, le manque d'eau et les disparités sociales. Les gens ont le droit d'être entendus". "C'est difficile de prédire si ces protestations vont continuer car elles ont été une totale surprise", a déclaré à l'AFP Payam Parhiz, le rédacteur en chef de la plate-forme Nazar.
©HAMED MALEKPOUR / TASNIM NEWS / AFP
Contre-manifestation pro-régime. Face à cette vague de protestations, le gouvernement a mis en garde samedi contre les "rassemblements illégaux" via la voix du ministre de l’Intérieur. Et comme pour joindre les actes à la parole, le régime a mobilisé samedi des dizaines de milliers de personnes dans les rues, officiellement pour marquer l'anniversaire du grand rassemblement pro-régime qui avait sonné la fin du mouvement de contestation contre la réélection de Mahmoud Ahmadinejad en 2009. Lors de ces rassemblements de soutien à Téhéran et dans d'autres villes, les manifestants arboraient des portraits de l'ayatollah Ali Khamenei, le guide suprême, et portaient des pancartes avec des inscriptions "Mort à la sédition", en référence au mouvement de protestation de 2009. Mais difficile de ne pas y voir un écho aux manifestations d'aujourd'hui.