"Ils sont complètement démolis, cassés, ruinés". Le médecin de MSF, Olivier Demoinet, est de retour de Libye où il a soigné des rescapés des camps de torture tenus par des passeurs. Une des pires situations qu'il ait vu. Au micro d'Europe 1, il raconte ces situations de "tortures permanentes".
"Ils sont torturés en direct en appelant leurs familles". "Il y a des réseaux de passeurs qui prennent en charge les migrants à la frontière, qui les font voyager dans des conteneurs ou dans des camions dans des conditions plus que rudimentaires. Ils les débarquent ensuite sur des espèces de marché où ils sont vendus comme des esclaves. Mais il y en a aussi une partie qui vont être livrés à des bourreaux qui vont les torturer en direct en appelant leurs familles", explique le médecin. "Ils sont électrocutés avec de la haute tension, battus, pour exiger que leurs familles versent des rançons qui peuvent aller jusqu'à 5.000 dollars", poursuit-il. "Ils sont torturés jusqu’à la mort. Le but c'est d'obtenir des rançons quel qu'en soit le prix", déplore Olivier Demoinet. "Si les détenus sont tués, ça ne pose aucun problème aux bourreaux parce qu'ils en ont suffisamment".
"Ce sont des loques humaines". Les rescapés qu'il a dû soigner après leur détention dans ces camps, sont démolis. "Les dos étaient complètement couverts de cicatrices, beaucoup étaient encore ouvertes", se souvient-il. "Ils (les bourreaux, ndlr) s'amusent à faire brûler des sacs en plastique qu'ils laissent couler en flamme sur le dos de leurs victimes. Ils laissent ensuite tomber les sacs enflammés", explique-t-il. "Il y a vraiment une torture permanente avec un climat d'insécurité. Quand ils sortent, en étant libérés, ils sont dans un état dramatique de dénutrition. Ils sont complètement démolis, cassés, ruinés. Ce sont des loques humaines", rapporte-t-il. "C'est difficile, c'est très difficile. Le bétail ça a une valeur, on le respecte. Ces êtres humains, c'est rien", conclut-il.
Un accord pour des évacuations. Pour tenter de remédier à la situation, les dirigeants de neuf pays européens et africains, dont la Libye, ainsi que de l'ONU, l'Union européenne et l'Union africaine, ont décidé mercredi de mener des "opérations d'évacuation d'urgence dans les prochains jours ou semaines" des migrants victimes des trafiquants d'êtres humains en Libye. Annoncée le président français Emmanuel Macron, cette décision a été prise lors d'"une réunion d'urgence avec l'UE, l'UA, l'ONU, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, le Tchad, le Niger, la Libye, le Maroc et le Congo", a dit Emmanuel Macron devant la presse, en marge du sommet Europe-Afrique d'Abidjan.