La situation des droits des personnes LGBT en Pologne est "préoccupante", a déclaré lundi le secrétaire d'Etat français chargé des Affaires européennes, Clément Beaune, après avoir rencontré des militants de cette communauté au cours d'une visite à Varsovie. Il a en outre trouvé "très regrettable" le fait qu'il n'ait pas pu se rendre, contrairement à son souhait, dans l'une des 80 zones "libres d'idéologie LGBT", décrétées par plusieurs communes en Pologne. Il avait prévu de se rendre à Krasnik, au sud-est du pays.
Sur place, pas de panneaux "anti-LGBT" mais des subventions coupées et des prises de position homophobes de la part d'élus conservateurs. "Nous pensons que certaines pratiques de ce groupe sont nuisibles : la sexualisation précoce des enfants, la sexualisation telle que ces milieux-là essaient de promouvoir dans notre pays. Nous refusons que les maternelles soient encouragés à la pornographie. Notre démarche ne discrimine personne. Nous n’avons peur de personne mais nous avons peur de l’influence de ces gens", explique au micro d'Europe 1 Jan Albiniak, un élu qui a co-écrit le texte de deux pages fondateur des zones en question. Europe 1 s'est rendu en Pologne, où ces zones, présentes dans près de 80 villes du pays, suscitent de plus en plus d'indignation au sein de l'Union européenne.
"C'est impossible de vivre normalement", regrette un militant LGBT
Cette rhétorique propagée par les milieux ultra-conservateurs trouve une résonnance au sein de la population. Pas chez tous les habitants, évidemment, mais il ne faut souvent pas gratter très loin pour que le vernis de la tolérance ne craque. "Les homosexuels ne me dérangent pas mais il ne faut pas qu’ils se montrent trop en public. Ils peuvent vivre avec qui ils veulent, par contre je ne veux pas qu’ils aient des enfants. Mais sinon, c’est leur affaire individuelle", soupire Maria.
Mais la discrétion pour les homosexuels, réclamée par une partie de la population, vire parfois au cauchemar. Cezary, étudiant de 22 ans et figure de la lutte LGBT à Kranik, a fini par quitter la ville. "Je suis parti car il était impossible d’y vivre normalement après mon coming-out public. Un jour, j’avais besoin d’un médicament pour mes problèmes cardiaques. Un pharmacien m’a reconnu et m’a dit qu’il ne me servirait pas", témoigne-t-il.
Rejetés dans leur propre pays, les homosexuels polonais se tournent désormais vers l’UE. La situation du pays est justement dans le collimateur du Parlement européen, qui s’apprête dans un texte discuté à mercredi à proclamer l’UE zone de liberté pour les personnes LGBT-QI. Une résolution à portée politique et symbolique.
L'Union peine à trouver une parade
Car depuis que ces zones anti-LGBT ont vu le jour il y a deux ans, l’Union européenne a du mal à trouver la parade. "Ces résolutions qui ont été prises dans les communes polonaises n’ont pas de caractère juridique contraignant. Et donc au fond, la réponse elle n’est pas foncièrement juridique, elle est politique. Pour le jeune qui grandit en Pologne et qui découvre son orientation sexuelle, ici au Parlement européen on lui dit juste que ce qu’il est n’est pas mal", affirme l’eurodéputé macroniste Pierre Karleskind.
Reste que l'Europe manque d’outil juridiques efficaces sur les questions de l’Etat de droit. Il y a bien l’arme de l’article 7, qui suspend le droit de vote d’un Etat membre. Mais comme il requiert l’unanimité de tous les autres pays, il n’est jamais dégainé.
Il s'agit par ailleurs d'un sujet complexe car Varsovie, comme d’autres capitales, estime que chaque pays doit être souverain sur la question de ses "valeurs". Jusqu’ici, la Commission européenne s’est contentée de geler les financements des jumelages pour les communes polonaises. Bien peu de chose quand on compare aux mesures adoptées par la Norvège, non membre de l’Union européenne, qui a suspendu tout versement de fonds aux régions et villes qui ont décrété des zones anti-LGBT.