Le contexte. La Corée du Nord a affirmé, mercredi, avoir réussi son premier essai de bombe à hydrogène, bien plus puissante que la bombe atomique ordinaire. Pyongyang montre ainsi que l'Etat "paria" poursuit son programme nucléaire malgré l'interdiction de la communauté internationale. Mais pourquoi la Corée du Nord cherche-t-elle à s’attirer les foudres de la communauté internationale ?
>> Europe1.fr fait le tour des questions qui se posent après ce nouvel essai nucléaire.
S’agissait-il vraiment d’une bombe H ?
Les spécialistes du nucléaire ont accueilli avec le plus grand scepticisme l'annonce nord-coréenne. L'activité sismique détectée au moment de l’explosion correspond, selon eux, à un engin bien moins puissant qu’une bombe H. Les experts s'étaient déjà montrés dubitatifs le mois dernier quand le leader nord-coréen Kim Jong-Un avait laissé entendre que son pays avait mis au point la bombe à hydrogène.
"Les données sismologiques suggèrent que l'explosion a été considérablement moins forte que celle qu'on attendrait d'un essai de bombe H", a déclaré le spécialiste de la politique nucléaire Crispin Rovere, basé en Australie. "A première vue, il semblerait qu'ils aient mené un essai nucléaire réussi mais n'ont pas réussi à mener à bien la deuxième étape, celle de l'explosion d'hydrogène".
Pourquoi la Corée du Nord a-t-elle procédé à cet essai maintenant ?
"Le mois dernier le dirigeant nord-coréen avait laissé entendre que son pays avait mis au point la bombe à hydrogène. Il est donc très difficile, dans ce régime, d’aller contre la parole du leader", analyse Jean-Louis Margolin, historien et spécialiste de la Corée du Nord. "Et puis il faut aussi donner l’impression à la population et aux adversaires que les choses avancent en Corée", ajoute-t-il, rappelant que le premier essai nucléaire a eu lieu en octobre 2006, soit il y a presque dix ans.
Et puis, dans quelques mois, en mai, Kim Jong-Un organisera son premier congrès en 35 ans. Le dirigeant est donc à la recherche de succès à présenter lors de ce grand raout. Et enfin, derrière cette démonstration de force, "Kim Jong-Un cherche à sanctuariser le pays, à lui donner du poids en montrant qu’il peut faire peur en faisant planer une grave incertitude sur ses capacités et ses réactions", poursuit l’historien.
Est-ce un signe de la montée de la menace nord-coréenne ?
"Oui et non", répondJean-Louis Margolin. "Cette explosion, c’est une chose, mais ce qui est potentiellement plus inquiétant, c’est l’essai qui s’est déroulé fin décembre, d’un lancement de missile balistique par sous-marin", prévient le spécialiste. Cette réalisation accroît sensiblement la menace nord-coréenne puisqu’elle signifie que Pyongyang est en capacité de tirer un missile sur son ennemi de toujours – les Etats-Unis – en se rapprochant de ses côtes.
Et sur le long terme, ces essais nucléaires sont un vrai danger potentiel, car on sait que la Corée du Nord a essayé à plusieurs reprises de vendre sa technologie à des pays comme la Syrie ou encore la Libye. Il y a donc un risque de prolifération d’armes nucléaires si Pyongyang fait commerce de ses bombes.
Faut-il craindre une crise diplomatique ?
Si les réactions d’indignation ont été très nombreuses de la part de l’ONU, comme des pays occidentaux, la réponse diplomatique ne pourra pas aller plus loin. "On a déjà épuisé le stocks de mesures pacifiques et de sanctions internationales", observe Jean-Louis Margolin. "Et aucun pays ne prendra la moindre mesure supplémentaire", assure-t-il, présageant "d’une gesticulation verbale habituelle de la part de la communauté internationale, et d’une condamnation rituelle du Conseil de sécurité de l’ONU, mais ça ne changera strictement rien".