"On ne peut pas avoir la certitude de l'implication de la Russie dans l'affaire de empoisonnement de Sergueï Skripal", estime le spécialiste de la Russie, Cyrille Bret, invité d'Europe 1 Bonjour mercredi. Pour autant, ce professeur à Siences-Po relève que la succession d'événements impliquant "des ressortissants russes sur le territoire britannique est troublante".
Une affaire qui en rappelle d'autres. Ce n'est pas la première fois que des exilés russes meurent en Angleterre. "Il y a des précédents, comme l’affaire Litvinenko en 2007, la mort de Boris Berezovsky en 2013", explique Cyrille Bret. "Autre élément troublant : le Novitchok, le poison utilisé contre Sergueï Skripal le 4 mars. C'est une substance élaborée dans les laboratoires de l'URSS dans les années 1970 et d'après les experts, il ne peut être préparé que par des institutions gouvernementales", révèle le spécialiste de la Russie. "Cela constitue un faisceau d'hypothèses et de soupçons concernant la Russie", explique-t-il.
Un mauvais contexte international. Mais l'éventualité d'une implication russe dans l'empoisonnement de Sergueï Skripal laisse également perplexe Cyrille Bret. "Pourquoi les Russes se placeraient dans une situation aussi difficile, et dans une escalade diplomatique à quatre jours de la très probable réélection de Vladimir Poutine ? Pourquoi dégrader autant son image à quelques mois de la Coupe du monde de la Russie [du 15 juin au 15 juillet, ndlr] ?", se demande le spécialiste. "S'agit-il d'un dérapage ? D'une manipulation ?", s'interroge-t-il. "Ce qui est certain, c'est que l'affaire Skripal est le symptôme d'une dégradation lente et assurée entre le Royaume-Uni et la Russie", explique-t-il.
Quid des sanctions ? Que va faire Theresa May alors son ultimatum lancé à Vladimir Poutine a expiré dans la nuit du 13 mars ? "Elle doit apparaître intransigeante sur le respect de la souveraineté nationale", analyse le spécialiste. "En matière de sanctions, le tempo et la gradation sont très importants, on aura sans doute plusieurs épisodes dans cette affaire", pense-t-il. "Un première mesure symbolique serait le boycott de la Coupe du monde. On sait que la Russie est très sensible à ce genre de choses", dévoile l'expert. "Il ne faut pas oublier que, pour Vladimir Poutine, il est très important de vendre un bilan de reconstitution de la puissance et de l'image russe à l'international", développe-t-il. Avant de conclure : "On entre dans une zone d'incertitude. 2018, qui devait être selon certains l'année d'un rapprochement entre l’Occident et la Russie, risque d'être l'année d'un nouvel écart et d'un nouveau fossé".