Les manifestants en appellent à la créativité pour contester la stratégie du "zéro Covid". Depuis quelques jours, de nombreux Chinois sont dans la rue pour faire part de leur contestation vis-à-vis de la politique sanitaire très stricte de l'État. Utilisant des feuilles de papier blanc, chantant l'hymne national ou créant des jeux de mots subtils, ils parviennent à exprimer leur mécontentement des mesures de confinements imposées ces derniers temps par l'État face à la résurgence de quelques cas de Covid-19, et ce malgré la censure. Europe 1 zoome sur cette mobilisation originale en Chine qui pourrait bien perturber le gouvernement.
Des feuilles blanches en référence au manque de liberté d'expression
À Pékin, mais aussi dans plusieurs villes, des manifestants ont brandi dimanche des feuilles de papier A4 blanches en référence au manque de liberté d'expression en Chine. Également, d'autres ont publié des carrés blancs sur leur profil WeChat, une application chinoise de messagerie textuelle. La feuille blanche A4 est un signe de révolte qui a déjà été utilisé en 2020 à Hong Kong, face à la politique stricte du gouvernement en place comme le relate l'AFP.
Les Chinois qui protestent contre ces mesures utilisent aussi les réseaux sociaux, de façon subtile, pour partager leur colère. Ainsi, des étudiants de l'université prestigieuse Tsinghua se sont pris en photo en montrant des "équations de Friedmann", du nom d'un physicien qui évoque "freed man" (homme libre) ou "freedom" (liberté) en anglais.
"Peau de banane", "mousse de crevette" : ces jeux de mots subtils en Chine
Après le blocage de certains mots-clés et lieux sur les moteurs de recherche, des publications absurdes avec une tonalité "positive" se sont multipliées sur la messagerie WeChat et le réseau social Weibo, comme "bien bien bien bien bien" ou "bon bon bon". Lundi matin, beaucoup de ces publications et celles qui faisaient référence au "papier A4" avaient disparu, mais des copies continuaient à se répandre.
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Les internautes se sont aussi tournés vers des jeux de mots subtils pour évoquer les manifestations sur les réseaux sociaux avec des termes comme "peau de banane" qui a les mêmes initiales en chinois que le nom du président Xi Jinping, ou "mousse de crevette" à la sonorité proche du mot "démission".
Des revendications plus explicites
Néanmoins, certains groupes de manifestants ont très clairement appelé le dirigeant chinois Xi Jinping à démissionner et ont crié des slogans tels que "Non aux tests Covid, oui à la liberté", en référence à une banderole déployée par un manifestant à Pékin juste avant le Congrès du parti communiste en octobre. D'autres, plus prudents, ont commémoré avec des fleurs et des bougies les dix morts d'un incendie à Urumqi, imputées aux restrictions sanitaires dans la région du Xinjiang, déclenchant une vague de colère.
À Pékin, une foule le long de la rivière Liangma dimanche soir scandait : "Je veux faire des tests pour le Covid, je veux scanner mon QR code", misant sur l'ironie pour faire passer son message. Des vidéos de Xi Jinping ainsi que des citations du président ont été détournées pour qu'elles semblent soutenir les manifestations. "À présent le peuple chinois s'organise et ne peut pas être négligé", dit-il dans l'une des vidéos.
Le déclic possible grâce aux images de la Coupe du monde au Qatar
À travers la Chine, l'hymne national et l'Internationale ont été chantés pendant des rassemblements pour démonter à l'avance toute dénonciation par les autorités d'un mouvement qui serait non patriotique ou manipulé par l'étranger. Toutefois, dans une vidéo virale rapidement retirée par la censure, on peut voir des étudiants dans un dortoir d'université chanter une chanson pop cantonaise du groupe Beyond, Océans sans limite, vastes cieux, qui était utilisée comme un hymne à la liberté par de nombreux manifestants pro-démocratie à Hong Kong avant la pandémie.
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Des internautes ont aussi partagé des mèmes de la Coupe du monde de football au Qatar, utilisant des images de joueurs sans masque pour se moquer de la politique sanitaire chinoise. C'est en voyant de images du Mondial 2022 que nombre de Chinois se sont rendus compte que le reste de monde n'est plus obligé de porter le masque en extérieur. Dans une vidéo virale, depuis censurée, on voit des supporters de la Coupe du monde se réjouir, mais la bande-son modifiée fait entendre des ordres comme "Mettez vos masques !" ou "Faites-vous tester !".
Quelques publications sur les réseaux sociaux occidentaux
Les réseaux sociaux comme Twitter et Instagram sont bloqués en Chine par la "Grande-muraille électronique", un pare-feu qui censure l'internet chinois, mais les habitants les plus agiles savent comment publier des informations en utilisant des VPN. Des comptes Twitter anonymes recueillent des images de toute la Chine tandis qu'on peut voir sur Instagram des vidéos en direct des protestations.
À l'étranger, des étudiants chinois ont organisé des mouvements similaires, notamment en Amérique du Nord et en Europe. Dans une vidéo publiée sur Instagram et géolocalisée par l'AFP, des manifestants chantent et installent devant le consulat chinois de Toronto un panneau "Rue Urumqi", du nom d'une artère de Shanghai où ont convergé les manifestants, après l'incendie d'Urumqi.