La France passe dimanche à l’heure d’été… Et ça pourrait bien être une des dernières fois, alors que la Commission européenne a proposé la fin du changement d’heure saisonnier. Le Parlement européen a voté un projet de loi en ce sens mardi. D'ici 2021, chaque pays de l’UE devrait ainsi choisir sur quelle heure, d’été ou d’hiver, il souhaite se caler. À noter que pour entrer en vigueur, cette loi doit aussi être adopté par le Conseil de l'Union Européenne, qui regroupe les 27 pays, et qui bloque pour l'instant le texte. Mais la question est d'ores et déjà source de désordre, car des divergences se dessinent entre les différents pays.
À l'heure du choix
Le projet de loi adopté mardi par le Parlement européen laisse à chaque pays de l'UE le choix de rester à l'heure d'hiver ou à l'heure d'été, dans deux ans. Et pour le moment, les gouvernements font preuve de cacophonie : si l'Allemagne et les Etats baltes approuvent ce projet, le Portugal se dit formellement contre, tandis que la France comme l'Italie appellent à ne rien précipiter.
D'après une consultation européenne menée sur Internet cet été, 84% des répondants (sur environ 4,6 millions de participants) se disent pour la fin du changement d’heure saisonnier. Et si l’heure d’été a eu majoritairement leur préférence, des divisions persistent toutefois, notamment en fonction de la géographie.
Ceux qui veulent opter pour l’heure d’été. Les Irlandais et les Polonais se sont dits massivement pour le passage permanent à l’heure d’été, lors de la consultation citoyenne européenne. Contrairement à leur gouvernement, les Portugais se disent eux aussi pour la fin du changement d’heure, avec une préférence pour l’heure d’été.
Il en va de même pour les Français : d’après une consultation nationale lancée par l’Assemblée nationale en février, qui a recueilli plus de deux millions de réponses, 83% des Français souhaitent la fin du changement d’heure, et une majorité (59%) préfèrent rester à l’heure d’été.
Se caler sur l’heure d’hiver permanente. En revanche, plusieurs pays du nord de l'Union européenne sont eux partisans de se caler sur l'heure d'hiver toute l'année. C’est notamment le cas de la Finlande, du Danemark et des Pays-Bas.
Pour le statu quo. D’autres populations ont pour leur part exprimé leur volonté de conserver le système actuel, en changeant d’heure deux fois par an, comme les Grecs, les Chypriotes et les Maltais.
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Chacun voit midi à sa porte…
Changer de fuseau horaire. Signe du chaos annoncé avec la fin du changement d’heure dans l’UE : certains pays veulent saisir l’occasion pour carrément changer de fuseau horaire. C’est le cas de l’Espagne, qui voudrait se caler sur le fuseau horaire du Portugal voisin, à l’heure du méridien de Greenwich (GMT), afin de simplifier les échanges sur la péninsule ibérique (voir encadré*). Sauf que ce serait sortir du fuseau horaire de la France, sa porte d’entrée et de sortie sur le reste de l’UE… La Finlande pense quant à elle à s’aligner sur le fuseau horaire de la Suède voisine plutôt que sur les pays baltes, et donc de passer à GMT+2 à GMT+1.
Le cas particulier du Brexit. Quant au Royaume-Uni, dont la sortie effective de l’UE est encore incertaine, il pourrait ne pas être concerné par cette réforme européenne, comme le soulignent Les Echos. Ainsi, le changement d’heure saisonnier perdurerait en Irlande du Nord mais pourrait être aboli en République d’Irlande, ce qui créerait un décalage temporel entre le nord et le sud de l’île la moitié de l’année.
Quid des fuseaux horaires ?
Des transfrontaliers bientôt déboussolés ? De même, si la France opte pour l’heure d’été mais que ses voisins du Luxembourg, de la Belgique et de la Suisse choisissent l’heure d’hiver, cela compliquera inévitablement la vie de milliers de travailleurs frontaliers. "On risque d’avoir des horaires différents alors qu’on est dans le même fuseau horaire", a déploré l’eurodéputé Les Républicains Renaud Muselier auprès de Ouest France. "On doit caler l’horaire du continent sur la base des fuseaux horaires et non pas pays par pays. On doit se fixer tous ensemble sur l’heure d’hiver ou sur l’heure d’été, à appliquer en fonction des fuseaux horaires, et ensuite on change tous en même temps nos horloges", propose-t-il, disant craindre de voir "des cas totalement incohérents sur le continent".
C’est pourquoi la Commission européenne a notamment recommandé aux pays voisins de se concerter entre eux pour choisir l’heure qui leur conviendra le mieux. "En Allemagne, on se pose aussi la question de se caler sur le Benelux et la France. Mais si c’est juste pour une question d’identité, de cohérence européenne, certains experts soulignent dans les médias allemands qu’aux Etats-Unis, des Etats vivent très bien sur plusieurs fuseaux horaires différents", rapporte la correspondante d'Europe 1 à Berlin Hélène Kohl.
Trois fuseaux horaires. Aujourd’hui, 17 pays européens sont calés sur la même heure, et on compte un maximum de deux heures d’écart d’un bout à l’autre de l’UE, sur trois fuseaux horaires différents. Mais avec la fin annoncée du changement d’heure saisonnier, l’amplitude pourrait grimper à trois heures selon les choix de chacun, et cela entraînerait aussi bien des situations quotidiennes complexes que des perturbations économiques. Le casse-tête européen risquerait bien de virer au raté collectif…
*L’Espagne veut se coucher plus tôt
En Espagne, la question de la fin du changement d’heure saisonnier s’accompagne aussi d’une volonté de l’Etat de changer le rythme horaire dans le pays. "Ça fait trois ans que le sujet est sur la table. L’Espagne veut avoir une journée plus 'européenne'", explique le correspondant d’Europe 1 à Barcelone, Henry de Laguérie. Et pour cela, Madrid souhaite se caler sur le fuseau GMT, qui est celui de Lisbonne et Londres. "Les Espagnols ont un rythme décalé : l’école commence qu’à 9h, les matinales radio sont plus tardives, le film du soir est à 22h… Les gens ne voient pas l’intérêt d’avoir une pause déjeuner de deux heures alors qu’ils ne profitent pas de leurs enfants le soir", détaille Henry de Laguérie. Reste que ce changement serait une véritable révolution dans le pays, et certains estiment que ce serait impossible à mettre en place.