Dans la nuit de vendredi à Samedi, la France, l'Angleterre et les Etats-Unis ont frappé la Syrie, moins d'une semaine après une suspicion d'emploi d'armes chimiques par les soldats syriens contre les populations civiles de la Ghouta. Si les frappes aériennes ont certes été réalisées en coalition avec les Américains et les Britanniques, notre spécialiste des questions Défense Didier François explique que c'est sur la base d'un rapport des services français de renseignement que le président Macron a décidé d'agir contre le régime de Bachar al-Assad. La prise de décision ainsi que le choix des cibles traitées relève d'une évaluation purement nationale, prise sur des capacités d'appréciation autonomes.
Pas d'échantillons mais un "faisceau de preuves". Pour évaluer si le régime syrien avait ou non employé des armes chimiques, les services français ne disposaient pas d'échantillons à analyser. "Il est beaucoup trop compliqué d'en faire sortir de la Ghouta et de les transporter en condition d'exploitation jusqu'à une zone frontière dans des délais aussi courts", analyse Didier François. C'est d'ailleurs là-dessus que comptent à chaque fois le régime syrien et la Russie pour s'en sortir. Pour autant, les services de renseignement français possédaient des éléments tous extrêmement convergents et parfaitement cohérents qui ont constitué un "faisceau de preuves suffisant". Ils ont ainsi rédigé une évaluation nationale particulièrement complète à l'intention du président de la République qui estime "sans doute possible" que le régime de Damas a bien mené "une attaque chimique" à deux reprises dans la journée du 7 avril dans le quartier de la Douma dans la Ghouta orientale.
Plusieurs autres utilisations. L'accusation portée contre le régime d'Assad ne porte d'ailleurs pas uniquement sur la journée du 7 avril. Depuis les attaques au gaz sarin menées l'an dernier dans la ville de Khan Cheïkhoun, les services français ont mené une enquête sur 44 allégations d'utilisation d'armes chimiques par le régime syrien. Ils ont la conviction que des composants chimiques avaient bien été utilisés à onze reprises au moins. Dans la majorité des cas, il s'agissait de chlore et une fois, le 18 novembre 2017 à Harasta, d'un neurotoxique.
Le 7 avril est donc très loin d'avoir été un cas isolé, d'autant que le rapport des renseignements français démontre de manière très clinique comment Bachar al-Assad a conservé un programme clandestin de conception, de production et de stockage d'armes chimiques après l'automne 2013. Les spécialistes français ont en outre également décelé des "signes de présence" de quatre agents chimiques "jamais déclarés" : du soman, de la lewisite, de l'ypérite à l'azote et du VX. Tout cela en complète contravention aux engagements internationaux signés par la Syrie.
"Succès de la mission". Quant à savoir si la destruction des armes chimiques a été une totale réussite, pour l'heure, il est certain que toutes les infrastructures et les stocks qui avaient été identifiés par le renseignement ont été ciblés et détruits. "J'ai vu quelques photos qui ne laissent aucun doute sur le succès de la mission", précise notre journaliste. Reste que le principe d'un programme clandestin est littéralement de rester dans le secret, ce qui veut dire qu'il est impossible d'affirmer que tout a été détruit. Le message envoyé a en revanche été clair : l'emploi d'armes chimiques, s'il en restait, ne serait plus toléré même si l'idéal serait que, désormais, ce soit aux diplomates d'agir.