Emmanuel Macron a pour la première fois ordonné une opération militaire d'envergure en décidant de mener des frappes, avec Washington et Londres, contre le régime syrien de Bachar al-Assad, responsable selon lui d'une attaque à l'arme chimique le 7 avril. "Nous ne pouvons pas tolérer la banalisation de l'emploi d'armes chimiques", a annoncé le chef de l'Etat français peu avant 3h30, une demi-heure après l'annonce de fortes explosions dans la capitale syrienne Damas.
Comment ont été préparées ces frappes conjointes ?
Au lendemain de l'attaque chimique présumée menée par le régime de Bachar al-Assad dans la ville insurgée de Douma, Paris, Washington et Londres ont entamé des discussions nourries et quotidiennes. Et pour cause, dès ce dimanche 8 avril, la responsabilité du gouvernement syrien dans l'attaque est devenu une certitude aux yeux des trois alliés, grâce notamment aux informations obtenues par le renseignement français. Au cours de la semaine, Emmanuel Macron n'avait guère laisser planer de doutes sur ses intentions de réagir militairement après l'attaque du 7 avril qui correspondait, selon lui, à la "ligne rouge" qu'il avait fixée, à savoir une attaque chimique présentant un caractère "létal" et pour laquelle la responsabilité du régime était "avérée".
Les trois pays - France, Etats-Unis et Royaume-Uni - sont les seuls à disposer d'une puissance militaire suffisante pour frapper conjointement, rapidement et en différents points l'arsenal chimique syrien. Le président de la République a déployé une intense activité diplomatique, multipliant les entretiens téléphoniques, notamment avec ses homologues américain Donald Trump et russe Vladimir Poutine. La ministre de Défense Florence Parly a, de son côté, eu huit contacts et entretiens avec son homologue américain, le général James Mattis.
Par ailleurs, les trois puissances n'ont pas attendu un vote au Conseil de sécurité de l'ONU, sachant pertinemment que les Russes opposeraient leur veto quant à une intervention militaire visant l'arsenal chimique syrien.
Il a donc fallu une semaine aux trois pays pour coordonner une frappe militaire, le tout dans une fenêtre de tir extrêmement courte. En effet, les frappes n'ont duré qu'une trentaine de minutes.
Quels moyens militaires ont été employés par la France ?
La France a engagé pour ces frappes cinq frégates multimissions (stationnées en Méditerranée), un pétrolier ravitailleur, ainsi que quatre Mirage 2000, cinq Rafale, deux avions de détection AWACS, et six avions ravitailleurs. Selon nos informations, le raid aérien français serait parti de la base de Saint-Dizier, en Haute-Marne, et non des bases françaises avancées au Proche-Orient. Depuis cette base, les avions français ont mis cinq heures pour atteindre leurs cibles, et cinq heures pour rentrer. L'opération a donc duré un peu plus de dix heures. Quant aux frégates, elles sont reparties après la mission en direction de l'ouest.
À noter que tous les moyens engagés par la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis sont arrivés sur leurs cibles en même temps, à une poignée de minutes près. Par ailleurs, la précision des cibles touchées est de l'ordre du métrique.
Le résultat de ces frappes est en cours d'évaluation par les différents états-majors.
Les Rafale français au départ de l'opération. Crédit photo : État-major des Armées
Quels étaient les sites ciblés ?
En menant cette opération, la France, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont voulu frapper l'ensemble de la chaîne permettant au régime de Bachar al-Assad d'utiliser des armes chimiques : la production, la conception et le stockage. Trois cibles ont été visées, dont deux à Homs, dans le centre de la Syrie, et une à Damas. Sur les trois cibles visées, la France en a traité deux : celles situées à Homs. Le centre de recherche de Damas, qui supervisait l'ensemble des affaires chimiques, a été traité par des missiles américains uniquement. La France a frappé seule l'entrepôt de stockage d'armes chimiques, et était aux côtés du Royaume-Uni et des Etats-Unis pour attaquer la très grande unité de production d'armes chimiques. Sur BFMTV, Jean-Yves Le Drian a indiqué qu'"une bonne partie de l'arsenal chimique" de régime "a été détruite".
Environ 120 missiles ont été tirés au cours de l'opération, dont 12 français. La France a donc assuré 10% des frappes. Sur ces 12 missiles français, tous ont atteint leur cible, selon nos informations. Contrairement à ce qu'affirme la Russie, aucun n'a été intercepté.
Et maintenant, quelle est la position de la France ?
L'autre objectif de ces frappes occidentales était de dissuader le président syrien de recourir une nouvelle fois à des armes chimiques contre des civils dans le conflit qui l'oppose aux insurgés, a assuré Jean-Yves Le Drian, qui a menacé de représailles si la leçon n'était pas retenue. "Sur la question de l'arme chimique, il y a une ligne rouge qu'il ne faut pas franchir et si d'aventure elle était refranchie, il y aurait une autre intervention. Mais je pense que la leçon sera comprise", a-t-il affirmé.
Par ailleurs, le chef de la diplomatie française a indiqué qu'Emmanuel Macron maintenait son déplacement prévu fin mai en Russie, allié de Damas. "Ce déplacement n'est pas remis en cause. Il faut continuer à parler avec la Russie", a souligné le ministre. "Il faut que la Russie se rende compte qu'elle a voté des textes au Conseil de sécurité qu'il importe aujourd'hui de faire appliquer et (qu'il est nécessaire, ndlr) de ne pas se laisser embarquer par la barbarie de Bachar al-Assad", a-t-il ajouté en référence aux violations répétées des résolutions sur les cessez-le-feu et l'accès de l'aide humanitaire aux populations civiles.