Carlos Ghosn a quitté en catimini le Japon où il est accusé de malversations financières, dans une fuite digne d'un grand roman d'espionnage ou d'un film hollywoodien. Il est désormais libre au Liban, où il a atterri légalement, d'après les autorités. L'ex-patron de Renault-Nissan avait été arrêté en novembre 2018 par la police nippone, assigné à résidence dans des conditions drastiques depuis 8 mois. Comment le franco-libanais, poursuivi pour des revenus non déclarés et abus de confiance aggravé, a-t-il pu s'échapper ? Europe 1 fait le point.
Japon, Turquie, Liban
Les zones d'ombre qui entourent sa fuite sont encore nombreuses. Il est arrivé lundi à l'aéroport de Beyrouth à bord d'un avion, très probablement un jet privé, en provenance de Turquie. Un atterrissage en règle, d'après le ministère des Affaires étrangères, qui assure que Carlos Ghosn est "entré légalement au Liban" et précise qu'aucune mesure n'imposait "l'adoption de procédures à son encontre", que rien ne "l'exposait à des poursuites judiciaires".
Ultra surveillé au Japon, ses passeports lui avaient été confisqués, ce qui fait dire à ses avocats japonais qu'il a dû utiliser une fausse identité. Les autorités japonaises ont d'ailleurs bien précisé qu'elles n'avaient pas autorisé cette sortie et qu'elles n'avaient ces derniers jours enregistré aucun départ d'un passager portant le nom de Carlos Ghosn.
Première étape supposée dans cette cavale : un petit aéroport, ciblé pour ne pas y être reconnu. Puis direction la Turquie dans la nuit de dimanche à lundi. Enfin, atterrissage au Liban, dont l'ex-PDG a la nationalité (il est aussi Brésilien et Français). Carlos Ghosn avait visiblement prévu de retrouver au Liban ses proches, ses enfants, qu'il ne pouvait voir qu'occasionnellement lors de son assignation à résidence à Tokyo. Et surtout sa femme, Carole, qu'il n'a pas pu voir depuis le printemps dernier. Seule une communication très encadrée via Skype leur avait été accordée.
Prise de parole imminente
Dernièrement, la justice japonaise avait une énième fois refusé au couple le droit de passer Noël ensemble. C'est peut-être ce qui a décidé Carlos Ghosn à fuir le pays, lui qui se dit dans un communiqué très offensif "otage d'un système judiciaire japonais partial où prévaut la présomption de culpabilité". Dernier élément clé pour comprendre ce choix d'être allé se réfugier à Beyrouth : il n'existe pas d'accord d'extradition entre le Japon et le Liban.
Son communiqué pourrait n'être que le début d'une nouvelle campagne de communication du capitaine d'industrie déchu. Ses dernières interviews remontent à plus d'un an maintenant alors qu'il était dans encore détenu dans la prison de Kosuge, il avait ensuite publié au printemps une vidéo pour clamer son innocence et dénoncer un complot pour le faire tomber. Ce sont ensuite ses avocats qui avaient pris la parole de peur qu'il ne soit de nouveau incarcéré. Et enfin, ce communiqué publié dans la nuit de lundi à mardi dans lequel il assure : "je n'ai pas fui la justice, je peux enfin communiquer librement avec les médias, ce que je vais faire dès la semaine prochaine."
Surprise côté français
La nouvelle a aussi pris de cours les autorités françaises, qui ont assuré n'avoir rien su de cette évasion rocambolesque. C'est simple, "les autorités françaises ont appris par la presse l'arrivée de Carlos Ghosn au Liban", a assuré mardi le ministère français des Affaires étrangères. Le ministre de l'intérieur Christophe Castaner a de son côté pris ses distances avec la démarche haute en couleur de l'ancien capitaine d'industrie, jugeant que "personne, quelle que soit sa nationalité, ne doit s'exonérer de la bonne application de la loi".
Mais justement, la loi est la loi, et Carlos Ghosn, en tant que citoyen français, aura bien droit au soutien consulaire français. La secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie Agnès Pannier-Runacher s'est ainsi dite très surprise par cette fuite, mais a rappelé que Carlos Ghosn est un ressortissant français. Et donc que "le soutien consulaire lui est acquis".