Après la double explosion ayant fait samedi plus de 80 morts et 180 blessés, à Ankara, la capitale turque, Gilles Kepel a partagé son analyse des événements sur Europe 1. En ce qui concerne l'origine de cette attaque en plein rassemblement prokurde, ce spécialiste reconnu du Moyen-Orient a déclaré qu'il était "très difficile de se prononcer".
En revanche, le contexte dans lequel intervient cet attentat peut être analysé, a expliqué le spécialiste : "Le parti au pouvoir, l’AKP d’Erdogan et de Davutoglu, n’a pas remporté la victoire qu’il attendait aux élections législatives précédentes, notamment car le parti kurde a fait 13% des voix. Ce qui a empêché le gouvernement islamo-conservateur d’Erdogan de garder le pouvoir véritablement".
Le pouvoir d’Erdogan fragilisé. De nouvelles élections législatives, à la demande du président, sont donc programmées pour le 1er novembre prochain. L’objectif de ces nouvelles élections ? "Faire en sorte que le parti prokurde, celui-là même qui appelait au rassemblement, ne puisse pas l’emporter", a indiqué ce membre de l'Institut universitaire de France.
"Tout est envisageable". Dans ce contexte, "tout est envisageable", a estimé le spécialiste, citant diverses hypothèses : "Les provocations policières, les provocations des islamistes radicaux, les provocations de certains membres kurdes, extrémistes, tout cela a été évoqué par la presse".
Une situation "extrêmement complexe". "Aujourd’hui, la Turquie est plongée dans une situation particulièrement complexe car son intervention dans les affaires syriennes, au départ, en opposition à Bachar al-Assad, en soutien désormais à certains groupes de la rébellion contre d’autres, l’a mise dans une situation extrêmement complexe qui se retourne sur sa situation intérieure", a précisé Gilles Kepel, pour qui la Turquie est un point "particulièrement délicat" dans la région.
Un attentat de l’EI ? Quant à savoir si cette attaque pourrait avoir été réalisée par l’EI, Gilles Kepel a estimé que "cela peut-être tout, si ce sont des kamikazes", faisant référence à l’annonce du Premier ministre Davutoglu qui a affirmé, samedi après-midi, que deux kamikazes seraient à l’origine de l’attaque la plus meurtrière dans la capitale turque depuis plus de 30 ans.
Le spécialiste a souligné que les kamikazes "appartiennent souvent aux mouvements islamistes ultra-radicaux". D’autant que pour l’EI, "les kurdes, sont leurs pires ennemis". "Il y a un contentieux très fort entre les radicaux de l’Etat islamique et les kurdes de Turquie et de Syrie", a précisé Gilles Kepel. Les militants kurdes en Syrie, formés le plus souvent en Turquie par le PKK, sont en effet les combattants ayant porté les coups les plus durs à l’EI.