C'était il y a 60 ans, le 18 mars 1962, la France et le gouvernement provisoire de la République algérienne signaient les accords d'Évian et la fin de la guerre d'Algérie, synonyme de début de l'enfer pour les harkis. Ces combattants algériens s'étaient battus sous les drapeaux tricolores. 90.000 d'entre eux sont parvenus à rejoindre la France, mais au prix de nombreux sacrifices. Un texte de loi adopté le mois dernier reconnaît un accueil indigne des harkis et prévoit même des réparations allant de 2.000 à 15.000 euros. Mais pour leurs descendants, les plaies sont encore ouvertes.
Le traitement inhumain réservé aux harkis
Pour Mohamed et sa famille, la guerre d'Algérie ne s'est pas arrêtée le 19 mars 1962. "Nous avons subi la plus grande trahison de l'histoire", a-t-il dénoncé. Son père a été placé en détention pendant six ans et lui était désigné comme le fils du traître. "C'est le début du calvaire des harkis. Dans nos villages, on était battus. J'ai pris les plus grosses roustes de ma vie en tant qu'enfant. On me prenait un bout de bras et on me jetait. Des coups, des humiliations, des brimades. C'était quotidien."
Profitant d'une permission en 1968, la famille s'enfuit et échappe à plusieurs embuscades. Arrivé en France, Mohamed se retrouve enfermé dans le camp de Bias, dans le Lot-et-Garonne. "On pensait quand même qu'on allait retrouver une tranquillité, une certaine reconnaissance, mais le camp de Bias, c'était l'enfer", a-t-il confessé. "On était à peu près 1.200. Il y avait d'énormes barrières de sept mètres de haut sur deux mètres de large, doublés de fils de fer barbelés. Vous ne pouviez ni entrer ni sortir sans autorisation".
Aujourd'hui, après avoir passé 34 ans à l'armée, Mohamed défend, avec son association Génération harkis, la mémoire de ces Français mis de côté, déscolarisés. Le portrait de son papa trône dans son salon. Il lui a promis sur sa tombe qu'il se battrait jusqu'au bout. Et pour lui, la loi de réparation du gouvernement est très loin d'être à la hauteur.