Emmanuel Macron a appelé mardi à Prague les alliés de l'Ukraine à "ne pas être lâches" face à une Russie "devenue inarrêtable", semblant assumer ses propos controversés sur la possibilité d'envoyer des troupes occidentales dans ce pays en guerre. "Nous abordons à coup sûr un moment de notre Europe où il conviendra de ne pas être lâches", a lancé le président français au début de sa visite en République tchèque. "On ne veut jamais voir les drames qui viennent", a-t-il prévenu devant la communauté française.
>> LIRE AUSSI - Comment l’Union européenne tente de maintenir ses promesses envers l’Ukraine sur les livraisons de matériel militaire
"Des puissances" qui "sont en train d'étendre la menace chaque jour"
"Si chaque jour nous expliquons quelles sont nos limites" face au président russe Vladimir Poutine qui, lui, "n'en a aucune et a lancé cette guerre, je peux déjà vous dire que l'esprit de défaite est là qui rôde", a prévenu le président français. Emmanuel Macron a également évoqué "des puissances devenues inarrêtables" qui "sont en train d'étendre la menace chaque jour, de nous attaquer nous-mêmes davantage". "Il nous faudra être à la hauteur de l'Histoire et du courage qu'elle implique", a-t-il insisté. La visite en République tchèque vise à mettre en scène son "attention particulière" portée à l'Europe centrale, a expliqué son entourage à la presse.
À un moment où il semble de plus en plus vouloir imposer son leadership dans le soutien à Kiev et le bras de fer avec la Russie, il va rencontrer son homologue Petr Pavel, qu'il avait reçu à Paris en décembre. Et signer avec le Premier ministre Petr Fiala un plan d'action 2024-2028 pour le partenariat stratégique bilatéral dans lequel "les questions de défense seront clés" dans le contexte de guerre actuel, a-t-il dit.
"Ambiguïté stratégique"
Emmanuel Macron se sait attendu. Au cours d'une conférence internationale le 26 février au palais présidentiel de l'Élysée, il avait semé le trouble parmi les autres alliés de Kiev en assumant une "ambiguïté stratégique" pour que le président russe Vladimir Poutine sache que tout sera fait pour l'empêcher de "gagner cette guerre". Il a alors expliqué que l'envoi en Ukraine de militaires occidentaux ne pouvait pas "être exclu" à l'avenir, même s'il a reconnu qu'il n'existait pas de "consensus" à l'heure actuelle. Le gouvernement français a ensuite précisé qu'il s'agirait de missions non combattantes.
Mais des États-Unis à l'Allemagne en passant par la grande majorité des autres alliés, les dirigeants se sont succédé pour se démarquer des propos du président français et assurer qu'il n'était pas question d'envoyer des soldats sur le sol ukrainien, offrant une image de division dans le camp occidental. Vladimir Poutine a lui mis en garde contre une "menace réelle" de guerre nucléaire en cas d'escalade. "Nous ne sommes pas en guerre contre le peuple russe et nous refusons d'entrer dans une logique d'escalade", a répondu à distance Emmanuel Macron dans le journal tchèque Pravo, tout en assumant de lancer ce "débat" sur "tout ce qu'il est possible de faire pour soutenir l'Ukraine".
Développer la fabrication d'armes en Europe
Il y a une semaine, il avait esquissé plusieurs pistes pour renforcer l'appui militaire fourni à l'armée ukrainienne, qui essuie des revers sur le front. Parmi ces solutions figure une initiative tchèque visant à acheter des munitions hors Union européenne, en raison de la pénurie actuelle qui complique la vie des soldats ukrainiens sur le champ de bataille, pour ensuite les leur livrer. Dès la mi-février, Petr Pavel avait évoqué quelque 800.000 munitions qui pourraient être envoyées en Ukraine "en quelques semaines" si les financements nécessaires (1,5 milliard de dollars, selon le Financial Times) étaient rassemblés.
Longtemps réservé, Emmanuel Macron a annoncé la semaine dernière que son pays participerait à cette initiative mais sans chiffrer sa contribution, contrairement à d'autres États comme les Pays-Bas qui ont promis 100 millions d'euros. Les autorités tchèques espèrent qu'il le fera mardi. La visite "sera l'occasion de discuter de cette initiative" et éventuellement d'apporter ces "précisions", s'est borné à dire un conseiller français. Tout en relativisant la portée de ce mécanisme "ad hoc" et "d'urgence" sur la base de participations "bilatérales", tandis que Paris plaide toujours pour que l'argent européen serve à financer la production d'armes au sein de l'Union européenne, au nom de sa souveraineté et du développement de son industrie de défense.
Sur le plan économique, sa visite vise aussi à appuyer la candidature du groupe d'électricité français EDF qui ambitionne de rafler le marché d'un programme nucléaire civil tchèque pouvant inclure la construction de jusqu'à quatre réacteurs.