Deux personnes ont été tuées et 19 autres blessées jeudi matin dans un bombardement russe sur Kharkiv, deuxième ville d'Ukraine située dans le nord-est, a annoncé le gouverneur régional. Quatre des blessés sont dans un état grave à la suite de ce bombardement au lance-roquettes multiple, a ajouté sur Telegram le gouverneur Oleg Synegoubov. Située à une quarantaine de kilomètres de la frontière russe, la ville de Kharkiv a été pilonnée par l'armée russe depuis le début de l'invasion fin février mais les troupes de Moscou n'ont jamais réussi à la prendre.
Les principales informations :
- Deux morts et 19 blessées dans un bombardement russe à Kharkiv
- L'Europe était soulagée jeudi par la décision de Moscou de rouvrir les vannes du gazoduc Nord Stream
- L'Ukraine dévalue sa monnaie de 25%
- Les civils "inutilement" mis en danger par les deux camps, selon HRW
- Environ 15.000 soldats russes auraient été tués, selon Londres et Washington
Mercredi déjà, des bombardements y ont fait au moins trois morts, selon les autorités locales. Parmi les victimes, un adolescent de 13 ans tué près d'un d'arrêt de bus dont les journalistes de l'AFP ont vu le corps. Son père, en état de choc, est longuement resté agenouillé en tenant la main de son fils dont le corps sans vie a été recouvert d'une couverture au milieu des débris de verre. Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a affirmé mercredi que les objectifs militaires de la Russie ne se limitaient plus uniquement à l'est de l'Ukraine, mais concernaient également d'"autres territoires" et pourraient encore s'étendre.
"Les Russes veulent du sang"
L'Ukraine a continué pour sa part de réclamer plus d'armes et de sanctions contre Moscou. "Les Russes veulent du sang, pas des négociations. J'appelle tous les partenaires à renforcer les sanctions contre la Russie et à accélérer les livraisons d'armes à l'Ukraine", a écrit le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba.
La Première dame ukrainienne Olena Zelenska, en visite aux États-Unis, a pour sa part prononcé un vibrant plaidoyer devant le Congrès américain : "Je vous demande davantage d'armes (...) pour protéger les maisons de chacun et le droit de se réveiller vivant dans ces maisons", a-t-elle lancé.
L'armée russe a avancé ces dernières semaines dans le Donbass, faisant notamment sauter le double verrou de Severodonetsk et de Lyssytchansk, deux villes de la région de Lougansk, ce qui lui a dégagé la voie pour tenter d'avancer vers les villes de Kramatorsk et de Sloviansk, plus à l'ouest dans la région de Donetsk. De rudes combats continuent de se dérouler dans cette région, Kiev pouvant compter sur les récentes livraisons de pièces d'artillerie occidentales de plus longue portée qu'au début du conflit.
Soulagement européen
Sur le plan énergétique, l'Europe était soulagée jeudi par la décision de Moscou de rouvrir les vannes du gazoduc Nord Stream, qui approvisionne principalement l'Allemagne, après une interruption pour des travaux de maintenance selon Moscou. Ce pipeline, emblématique de la dépendance allemande aux matières premières russes, est au cœur de l'affrontement géopolitique entre l'Europe et la Russie. "Il fonctionne", a déclaré jeudi matin à l'AFP un porte-parole de la société Nord Stream à propos du gazoduc. De premières données publiées par l'opérateur allemand du réseau, Gascade, montrent que le débit est identique à celui d'avant la maintenance, autour de 40% des capacités.
La Russie garde cependant la main sur cette "arme" dont dépend la sécurité énergétique de l'UE cet hiver. La Commission européenne prépare d'ailleurs les esprits à des pénuries de gaz qui risquent de freiner l'activité économique et d'entraîner des difficultés pour se chauffer pendant l'hiver.
Mais le plan européen ne fait pas l'unanimité. Le gouvernement espagnol s'est dit opposé à la réduction de la consommation de gaz d'au moins 15% souhaitée par Bruxelles pour l'ensemble des États membres de l'Union européenne, jugeant que cette mesure ni "juste" ni "efficace". Ce plan doit être discuté le 26 juillet à l'occasion d'un Conseil européen.
L'Ukraine dévalue sa monnaie de 25%
La banque centrale d'Ukraine a annoncé jeudi la dévaluation de 25% de la monnaie nationale, la hryvnia, face au dollar en raison de l'impact de l'invasion russe sur l'économie nationale. "Une telle mesure renforcera la compétitivité des producteurs ukrainiens" et "soutiendra la stabilité de l'économie dans les conditions de guerre", a déclaré dans un communiqué la banque centrale. Celle-ci a établi jeudi le taux d'échange à 36,57 hryvnias pour un dollar contre 29,25 hryvnias pour un dollar auparavant, cours qui était en vigueur dès le début de l'invasion russe fin février.
Ce taux restera fixe jusqu'à la nouvelle décision de la banque centrale qui a préservé la plupart des restrictions sur le marché des changes introduites depuis le début de l'invasion russe pour empêcher un effondrement de la devise nationale. "La Banque nationale d'Ukraine (BNU) continue de veiller à la stabilité du taux de change et prend les mesures nécessaires pour équilibrer la situation sur le marché des changes", a déclaré le président de la BNU Kyrylo Chevtchenko dans le communiqué. "Toutes les restrictions introduites depuis le début de la guerre sont des mesures temporaires" qui permettront "à l'économie de survivre à la guerre et contribueront à sa reprise plus rapide après notre victoire", a-t-il ajouté.
Un PIB ukrainien plombé de 45%
L'économie ukrainienne s'est effondrée depuis le début de la guerre et pourrait voir son PIB plonger de 45% cette année, selon les dernières estimations de la Banque mondiale de juin. Dans ce contexte de crise exceptionnelle, Kiev a demandé mercredi à ses créanciers de consentir à des accords permettant le report du paiement d'intérêts sur sa dette.
Un groupe de créanciers occidentaux dont la France, les États-Unis, l'Allemagne, le Japon et le Royaume-Uni, a donné son accord à un tel report exhortant les autres détenteurs d'obligations ukrainiennes à en faire de même. Cette mesure devrait permettre à Kiev d'économiser cinq milliards de dollars sur deux ans, a estimé jeudi dans un communiqué le ministre ukrainien des Finances Serguiï Martchenko.
Les civils "inutilement" mis en danger par les deux camps (HRW)
Aussi bien l'armée russe que les forces ukrainiennes mettent "inutilement" en danger des civils en basant des troupes au cœur de zones habitées, comme un sous-sol d'école ou un dispensaire, a accusé jeudi Human Rights Watch (HRW). "Alors que la guerre en Ukraine fait rage, des civils ont été inutilement pris dans des combats", constate Belkis Wille, une chercheuse de HRW citée dans un communiqué. "Les forces russes et ukrainiennes doivent toutes deux éviter de baser leurs troupes parmi les civils et faire tout leur possible pour éloigner les civils des environs", a-t-elle exhorté.
HRW précise avoir documenté quatre cas de bases militaires russes et trois ukrainiennes établies dans des zones résidentielles. "Les attaques qui ont suivi contre ces bases ont tué et blessé des civils", a souligné l'organisation précisant avoir interrogé plus de 50 habitants de sept localités situées dans des régions ukrainiennes de Tcherniguiv (nord), Kharkiv (est) et Zaporijjia (sud) et visité six d'entre elles. Parmi les cas les plus connus, cités par HRW, le village de Iaguidné (région de Tcherniguiv) où les Russes ont détenu environ 350 civils pendant un mois dans le sous-sol d'une école qu'ils utilisaient comme base militaire.
De leur côté, les forces ukrainiennes ont établi une base dans un centre de contrôle des maladies d'un quartier résidentiel de Pokotylivka (région de Kharkiv), soutient l'ONG. Lorsque les Russes ont attaqué le centre le 28 avril, au moins six civils ont été blessés et des dizaines de maisons voisines ainsi que l'école locale ont été endommagées, selon la même source. La Russie a lancé son invasion de l'Ukraine le 24 février, faisant des millions de réfugiés, plusieurs dizaines de milliers de morts, notamment à Marioupol, et des destructions massives dans le pays voisin.
Environ 15.000 soldats russes tués, selon Londres et Washington
Environ 15.000 soldats russes sont morts en Ukraine depuis le début de la guerre, ont estimé les agences de renseignement américaine et britannique. Richard Moore, le chef du renseignement extérieur britannique (MI6), a déclaré jeudi qu'un bilan de 15.000 morts russes était "probablement une estimation prudente" et un "vrai coup dur" pour le président russe Vladimir Poutine, qui espérait une victoire rapide contre Kiev sans des pertes aussi importantes.