Dans la nuit de lundi à mardi, les 27 pays membres de l'Union européenne se sont mis d'accord sur un embargo progressif du pétrole russe (Illustration) 2:32
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avec AFP , modifié à
Au 97e jour de la guerre en Ukraine, les forces russes continuent leur offensive dans le Donbass, notamment autour de la ville de Severodonetsk. Dans la nuit de lundi à mardi, les 27 pays membres de l'Union européenne se sont mis d'accord sur un embargo progressif du pétrole russe. Il concernera d'abord le pétrole transporté par bateau, soit le deux tiers des achats européens.
L'ESSENTIEL

L'Ukraine a remporté une bataille en obtenant des Européens un embargo sur le pétrole russe, mais son armée recule face au rouleau compresseur russe dans l'est de l'Ukraine, où les forces de Moscou contrôlent désormais une partie de la ville-clé de Severodonetsk. Après plusieurs semaines de blocage de la part de la Hongrie, les 27 dirigeants de l'Union européenne ont trouvé dans la nuit de lundi à mardi un accord sur un embargo progressif, lors d'un sommet à Bruxelles qui se poursuivait mardi. L'embargo frappera dans un premier temps uniquement le pétrole transporté par bateau, soit les deux tiers des achats européens d'or noir russe, et pas celui acheminé par oléoduc, ce qui a permis de lever le veto de Budapest.

"Cela va couper une énorme source de financement de la machine de guerre de la Russie", a tweeté le président du Conseil européen Charles Michel. L'extension de l'embargo aux livraisons par oléoduc sera ensuite discutée "dès que possible" et, au total, ce sont 90% des exportations de pétrole russe vers l'UE qui seront arrêtées d'ici la fin de l'année, ont affirmé la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président français Emmanuel Macron. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait interpellé un peu plus tôt les Européens sur leur nécessité de faire front face à Moscou, dans un message vidéo diffusé lors du sommet extraordinaire à Bruxelles.

Les principales informations : 

  • Les forces russes contrôlent une partie de la ville-clé de Severodonetsk, dans le Donbass
  • Les 27 pays membres de l'Union européenne se sont mis d'accord dans la nuit de lundi à mardi sur un embargo progressif du pétrole russe
  • Des discussions autour de "corridors sécurisés" pour les céréales ukrainiennes le 8 juin
  • Un premier navire commercial a quitté Marioupol pour la Russie

Deux soldats russes condamnés à onze ans de prison

Sur le front judiciaire, la justice ukrainienne continue à avancer tambour battant dans le jugement des "crimes de guerre" commis selon elle par les troupes russes. Après la condamnation à la perpétuité le 23 mai d'un soldat russe pour le meurtre d'un civil, un tribunal ukrainien a condamné mardi à 11 ans et demi de prison deux soldats russes accusés d'avoir bombardé au lance-missile multiple deux villages de la région de Kharkiv, au premier jour de l'invasion russe. Alexandre Bobykine et Alexandre Ivanov ont été reconnus coupables de "violation des lois et coutumes de la guerre", a annoncé le parquet général d'Ukraine sur Telegram.

Lundi, la procureure générale d'Ukraine Iryna Venediktova avait annoncé l'ouverture d'une première affaire concernant un viol commis par des militaires russes. Au total, l'Ukraine a identifié 15.000 cas de crimes de guerre présumés à travers le pays depuis le début de la guerre, a indiqué Iryna Venediktova lors d'une visite à La Haye (Pays-Bas).

Débloquer les ports ukrainiens

Mais un cessez-le-feu même ponctuel paraissait improbable, en l'absence de tout pourparler de paix. L'une des prochaines priorités des Occidentaux semble être le déblocage des ports ukrainiens de la mer Noire. Un blocus russe paralyse l'exportation de dizaines de tonnes de céréales ukrainiennes, faisant craindre le risque d'une crise alimentaire mondiale.

L'Union européenne (UE) cherche elle aussi une solution pour les céréales ukrainiennes. Le président français Emmanuel Macron, qui assume la présidence tournante de l'UE, a indiqué mardi avoir proposé samedi à Vladimir Poutine l'adoption d'une résolution de l'ONU qui "donnerait un cadre très clair" à la levée du blocus du port d'Odessa, premier port ukrainien.

Céréales ukrainiennes : discussions autour de "corridors sécurisés" le 8 juin

Le ministre russe des Affaires étrangères Serguei Lavrov se rendra le 8 juin en Turquie pour discuter de la mise en place de "corridors sécurisés" pour le transport des céréales ukrainiennes, a annoncé mardi son homologue turc Mevlüt Cavusoglu. "Lavrov viendra en Turquie le 8 juin avec une délégation militaire pour discuter, entre autres, de l'instauration de corridors sécurisés pour le transport des céréales. C'est la question la plus importante", a indiqué le ministre qui veut "créer un centre d'observation des corridors à Istanbul". Il n'a pas précisé quelle forme cette observation pourrait prendre ni le rôle exact de la Turquie.

Le président russe Vladimir Poutine s'est dit prêt lundi à travailler avec la Turquie à la libre circulation des marchandises en mer Noire, y compris des céréales provenant d'Ukraine, lors d'un entretien téléphonique avec le chef de l'Etat turc Recep Tayyip Erdogan.

Sberbank assure que l'exclusion de Swift ne l'affectera pas

La principale banque russe Sberbank a affirmé mardi que son exclusion du système financier international Swift, décidée par l'Union européenne, n'aura qu'un effet limité, le groupe ayant déjà été frappé par d'autres sanctions depuis l'offensive russe contre l'Ukraine. "Nous travaillons normalement - les principales restrictions sont déjà en vigueur", écrit dans un communiqué la banque, qui était déjà visée par de lourdes mesures américaines et britanniques. "L'exclusion de Swift ne change rien à la situation pour les règlements internationaux", souligne-t-elle.

Les Russes contrôlent une partie de Severodonetsk

Les forces russes contrôlent désormais "une partie" de Severodonetsk, ville de l'Est de l'Ukraine qu'elles pilonnent et essaient de prendre depuis des semaines, a annoncé mardi le gouverneur de la région. "La situation est ultra-compliquée. Une partie de Severodonetsk est contrôlée par les Russes", a indiqué sur Telegram Serguiï Gaïdaï, à la tête de la région de Lougansk. Il a toutefois indiqué que les Russes "ne peuvent pas avancer librement", des combattants ukrainiens "restant toujours" dans la ville.

Un premier navire commercial quitte Marioupol pour la Russie

Un premier navire commercial, chargé de métal, a quitté le port ukrainien de Marioupol, conquis par les forces russes, pour rejoindre Rostov-sur-le-Don en Russie, a annoncé mardi le dirigeant séparatiste prorusse Denis Pouchiline. "Aujourd'hui 2.500 tonnes de rouleaux de tôle laminée sont sorties du port de Marioupol, le bateau s'est dirigé vers Rostov", écrit le chef des séparatistes prorusses de Donetsk sur sa messagerie Telegram.

"Ce nœud de transport est très important pour le Donbass", souligne Denis Pouchiline. "C'est un port très important sur la mer d'Azov et le seul où l'on peut transborder tous types de marchandises y compris en hiver", explique-t-il.

Orban salue l'exemption sur l'embargo

Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a salué mardi l'accord des 27 pays de l'UE qui prévoit une exemption pour le pétrole acheminé par oléoduc, permettant ainsi à son pays de continuer à recevoir du brut bon marché venu de Russie.

Le dirigeant nationaliste bloquait depuis plusieurs semaines le projet d'embargo européen, parlant de "bombe atomique" lancée sur son économie. Finalement, pour lever le veto de Budapest, les chefs d'Etat et de gouvernement réunis en sommet lundi à Bruxelles ont limité l'arrêt des importations au pétrole russe transporté par bateau, soit les deux tiers des achats européens.

Arme énergétique

"Le point-clef bien sûr c'est le pétrole. L'Europe devra renoncer au pétrole russe. Car il en va de l'indépendance même des Européens vis-à-vis de l'arme énergétique russe", a commenté Zelensky lundi soir dans son adresse quotidienne à ses compatriotes, avant même que la nouvelle de Bruxelles ne tombe.

Ce sixième paquet de sanctions européennes comprend aussi l'exclusion de trois banques russes du système financier international Swift, dont la Sberbank, principal établissement du pays. Des bouleversements commencent à se faire sentir dans l'économie russe, malgré l'impression donnée de résister aux sanctions. Le prix des pièces détachées de voitures étrangères a ainsi bondi de 30% ou plus.

L'inflation, de près de 18% annuels en avril, est à son plus haut en 20 ans. Des enseignes comme McDonald's ou Starbucks se retirent définitivement, tout comme le constructeur automobile Renault. De la compagnie aérienne Ural Airlines aux usines d'Avtovaz, premier producteur de voitures du pays, à l'arrêt faute de pièces détachées, des dizaines de milliers de personnes sont au chômage partiel ou en congés forcés.

La crise alimentaire au menu mardi

Les dirigeants européens ont également approuvé lundi soir l'octroi de neuf milliards d'euros au gouvernement ukrainien pour couvrir ses besoins immédiats en liquidités afin de faire fonctionner son économie. Le sommet de deux jours doit aussi aborder mardi la transition énergétique du continent pour se passer du gaz russe, et la crise alimentaire liée à la guerre en Ukraine qui menace en particulier le continent africain.

Le président russe Vladimir Poutine a déclaré lundi à son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, lors d'un entretien téléphonique, que la Russie était prête à travailler avec la Turquie à la libre circulation des marchandises en mer Noire, dont "l'exportation des céréales provenant des ports ukrainiens", selon un communiqué du Kremlin.

L'Ukraine et les pays occidentaux accusent Moscou de bloquer les ports ukrainiens de la mer Noire, ce que réfutent les responsables russes. Les forces russes progressent dans l'est du pays. Elles affrontent les forces ukrainiennes au coeur de Severodonetsk, qui avec Lyssytchansk est une ville-clé des parties du Donbass encore sous contrôle ukrainien.

L'armée russe tente d'encercler Severodonetsk et d'en prendre le contrôle depuis plusieurs semaines, dans une offensive qui s'est intensifiée ces derniers jours, face à laquelle le Volodymyr Zelensky a reconnu que l'armée ukrainienne était en difficulté. "La situation dans le Donbass reste extrêmement difficile. L'armée russe essaye d'y concentrer ses forces pour mettre de plus en plus de pression sur nos défenseurs", a déclaré le président Zelensky lundi soir.

Les forces russes visent à contrôler ce bassin minier, dont des forces séparatistes prorusses appuyées par Moscou ont pris le contrôle partiel en 2014. C'est dans cette zone qu'a été tué lundi un journaliste français, Frédéric Leclerc-Imhoff, qui travaillait pour la chaîne BFMTV.

La réalité de la guerre 

Il "était en Ukraine pour montrer la réalité de la guerre. A bord d'un bus humanitaire, aux côtés de civils contraints de fuir pour échapper aux bombes russes, il a été mortellement touché", a annoncé le président français Emmanuel Macron sur Twitter.

Les forces ukrainiennes ont affirmé néanmoins regagner du terrain dans le sud, notamment dans la région autour de Kherson, ville proche de la Crimée passée sous contrôle russe début mars. "L'ennemi a quitté le village de Mykolaïvka, dans le nord de la région de Kherson", affirme un bulletin de l'armée ukrainienne publié dans la nuit de lundi à mardi, évoquant le départ en "panique" de soldats russes "démoralisés".