Les combats font rage vendredi dans la région russe de Koursk, où les forces ukrainiennes ont lancé une offensive d'ampleur il y a trois jours, poussant l'armée du Kremlin à y envoyer des chars et des canons en renfort. Dans la région de Donetsk, à l'est de l'Ukraine, qui reste l'épicentre du conflit et où les troupes de Moscou progressent lentement, une frappe de missile russe sur un supermarché a par ailleurs, selon les secours, tué vendredi au moins onze personnes.
Les principales informations :
- Des combats en cours à Koursk en Russie où les forces ukrainiennes ont lancé une offensive d'ampleur
- Une frappe sur un supermarché en pleine journée a fait au moins 11 morts et 44 blessés à Kostiantynivka, en Ukraine
- "La Russie a apporté la guerre à notre pays et devrait en ressentir" les effets, a lancé le président ukrainien Volodymyr Zelensky
Des moyens russes supplémentaires pour contre l'incursion ukrainienne, selon le ministère
Les forces ukrainiennes se sont, selon des analystes, enfoncées sur plusieurs dizaines de kilomètres dans la région de Koursk, frontalière de l'Ukraine. Pour le quatrième jour consécutif, les affrontements armés s'y poursuivent vendredi, a indiqué le ministère russe de la Défense dans un communiqué, assurant de nouveau "mettre en échec" les attaques ukrainiennes.
Cité par les agences de presse russes, le ministère a affirmé envoyer davantage de matériel, notamment des lance-roquettes multiples, des pièces d'artillerie et des chars pour contrer l'incursion ukrainienne. Le ministère a confirmé que les troupes de Kiev avaient atteint la ville russe de Soudja, à une dizaine de kilomètres de la frontière, en affirmant avoir frappé des unités ukrainiennes "dans la périphérie ouest" de cette cité de 5.500 habitants.
Soudja abrite un nœud de transit pour le gaz fournissant toujours l'Europe - notamment la Slovaquie et la Hongrie - via l'Ukraine. Dans la région ukrainienne de Soumy, qui fait face à celle de Koursk, la police a demandé pour sa part vendredi l'évacuation d'environ 20.000 personnes, vivant dans 28 localités, en raison de frappes russes.
Un revers inattendu pour le Kremlin
La progression et les effectifs des forces ukrainiennes participant à l'incursion ne sont pas pas claires, les dirigeants ukrainiens se retenant de tout commentaire sur l'ampleur et les buts de l'opération. Mardi, l'état-major russe avait dit faire face à plus de mille soldats ukrainiens avec une dizaine de chars et une vingtaine de blindés, mais n'a depuis pas diffusé de nouvelle estimation.
L'opération est un revers inattendu pour le Kremlin, qui jusque-là avait l'initiative et gagnait inexorablement du terrain dans l'est ukrainien, face aux troupes de Kiev moins nombreuses. "La Russie a apporté la guerre à notre pays et devrait en ressentir" les effets, a lancé le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans son allocution de jeudi soir, sans pour autant mentionner directement cette incursion. "Tout le monde peut constater que l'armée ukrainienne sait surprendre et sait comment obtenir des résultats", a-t-il également dit dans la soirée, sans plus de précisions.
Les États-Unis, principal soutien de Kiev, ont répété jeudi "soutenir fermement les efforts de l'Ukraine pour se défendre contre l'agression russe", sans commenter les détails de la situation dans la région de Koursk.
Une offensive qui a trois objectifs, selon le général Jean-Paul Paloméros
Pour le général Jean-Paul Paloméros, ancien chef d'état-major de l'armée de l'air, les Ukrainiens poursuivent trois objectifs : "Cette région de Koursk est stratégie car elle se situe entre Kharkiv d'un côté et Kiev de l'autre. Les Ukrainiens veulent peut-être perturber une éventuelle montée en puissances des forces russes". Le second objectif serait de l'ordre stratégique : "C'est pour déstabiliser un peu les Russes qui ont pris l'ascendant sur le front, même s'ils avancent très doucement, en les obligeant à prendre des forces sur le front pour venir protéger cette région de Koursk".
Enfin, la troisième raison de cette offensive serait une question énergétique : "Il y a un gazoduc russe qui passe dans cette région et qui alimente les pays européens via l'Ukraine. Ce qui ne manque pas de sel dans la situation actuelle. La Russie ne peut pas l'ignorer. Les Russes ne comprendraient pas que Vladimir Poutine mène la guerre en Ukraine sans protéger le territoire russe. Donc ils sont obligés de trouver des troupes pour venir défendre cette région. Ce qui répond, peut-être, à l'objectif ukrainien".
Onze morts après une frappe sur un supermarché
Le tableau de cette incursion dressé par des experts militaires montre une progression rapide des troupes ukrainiennes, alors que dans d'autres parties du front le conflit s'est transformé en guerre d'usure depuis fin 2022, avec de lentes et sanglantes avancées. Les troupes russes, plus nombreuses et mieux équipées, grignotent ces dernières semaines du terrain dans la région de Donetsk et, selon des analystes, pourraient conquérir des villes importantes si cette tendance se poursuit.
La ville industrielle de Kostiantynivka, située à environ 13 kilomètres du front dans cette même région, a été endeuillée vendredi par une frappe sur un supermarché en pleine journée, faisant au moins 11 morts et 44 blessés, selon le dernier bilan des services de secours ukrainiens.
Selon cette source, l'armée russe, d'après des informations préliminaires, a utilisé un missile Kh-38 pour mener cette frappe qui a également endommagé quatre maisons, un bureau de poste et d'autres commerces. Sur place, une équipe de l'AFP a vu des dizaines personnes fuyant les lieux, alors que des policiers ukrainiens mettaient en garde sur le risque d'une deuxième frappe russe au même endroit, une fois les secours arrivés.
Le gouverneur régional, Vadym Filachkine, a indiqué sur Telegram qu'une cinquantaine de personnes se trouvaient dans le supermarché au moment de la frappe et que les secours cherchaient d'autres victimes potentielles dans les décombres. Plus tôt vendredi, Vadym Filachkine avait annoncé que quatre autres civils avaient été tués dans d'autres frappes russes dans la région.
Frappe sur une base aérienne russe
Parallèlement, l'Ukraine a mené dans la nuit de jeudi à vendredi de nouvelles frappes de drones contre des régions russes. L'armée ukrainienne a revendiqué en particulier une attaque contre une base aérienne dans la région de Lipetsk, assurant avoir touché des dépôts de bombes aériennes guidées, des armes utilisées massivement par Moscou contre l'Ukraine. Selon cette source, la base abrite aussi des bombardiers tactiques et des chasseurs. Les agences de presse russes Tass et Ria Novosti, citant les autorités régionales, ont confirmé qu'un incendie s'y était déclaré.
Le gouverneur régional de Lipetsk, Igor Artamonov, a lui décrété l'état d'urgence après une "attaque massive" de drones ukrainiens qui a fait au moins six blessés, selon lui, et endommagé une centrale électrique. Il a également ordonné l'évacuation de quatre villages.
Selon le ministère de la Défense de Moscou, les forces russes ont abattu dans la nuit un total de 75 drones ukrainiens au-dessus d'au moins sept régions et détruit, en mer Noire, sept drones navals se dirigeant vers la péninsule de Crimée.