Guerre en Ukraine : retour sur 10 moments clés du conflit, deux ans après le début de l'invasion russe

ukraine
© KANAME MUTO / YOMIURI / THE YOMIURI SHIMBUN VIA AFP
  • Copié
Juline Garnier avec Ophélie Artaud et AFP
Le 24 février 2022, Vladimir Poutine annonçait une "opération militaire spéciale" en Ukraine. Deux ans après le début de l'invasion russe, de la chute de Marioupol à celle, récente, de la ville symbole d'Avdiïvka, dans le Donbass, Europe 1 revient sur 10 événements qui ont marqué le conflit.

Après deux ans de guerre totale aux portes de l’Europe, que retenir du conflit ? Alors que le 24 février marque le deuxième anniversaire du déclenchement de l'invasion russe, l'Ukraine se retrouve dans une position "extrêmement difficile" sur les champs de bataille, de l'aveu même du président Volodymyr Zelensky. De la perte de Marioupol à celle, plus récente, de la ville d’Avdiivka, centre des combats depuis plusieurs mois dans le Donbass, retour sur 10 événements marquants du conflit.

Bilan humain de la guerre en Ukraine

Le bilan humain de deux ans d'invasion russe de l'Ukraine se compte en centaines de milliers de morts, selon des chiffres russes et ukrainiens, mais son ampleur précise reste inconnue. Moscou et Kiev gardent le secret sur leurs pertes militaires, et la Russie dissimule le nombre de civils tués dans les zones qu'elle a conquises, à l'instar de la ville ravagée de Marioupol.

Les bilans officiels des civils tués depuis le début de l'invasion russe de février 2022 sont très en deçà de la réalité, car aucun décompte indépendant n'a jamais pu être fait, du fait de l'absence d'accès dans les territoires d'Ukraine occupés par la Russie. En juin 2023, les autorités disaient n'avoir pu dénombrer que 10.368 civils dont les corps ont été retrouvés, mais que le bilan pourrait s'élever autour de 50.000 victimes civiles. Du côté russe de la frontière, le bilan s'élève à au moins 145 morts, selon un comptage effectué par le site d'information russe 7x7.

De part et d'autre, les pertes militaires sont des données que les états-majors taisent. Il faut donc se tourner vers les estimations établies par des sources tierces. En août dernier, le New York Times, citant des officiels américains, évaluait les pertes militaires à 70.000 morts et 100.000 à 120.000 blessés côté ukrainien, 120.000 morts et 170.000 à 180.000 blessés côté russe. Le 29 janvier dernier, dans une réponse écrite à un parlementaire, le ministre britannique de la Défense James Heappey évaluait lui les pertes russes à plus de 350.000 morts et blessés.

20 mai 2022 : la ville martyre de Marioupol tombe aux mains des Russes

Cible stratégique des Russes dès le premier jour de l’invasion en février 2022, Marioupol abrite le plus grand port ukrainien. Pendant les deux premiers mois de la guerre, la ville est assiégée par l'armée russe. Rapidement, Marioupol devient l'un des symboles de l'invasion russe, notamment après le bombardement de sa maternité, ou encore de son théâtre, dans lequel un millier de civils était réfugié. 

Fin avril 2022, les derniers combattants ukrainiens ainsi que des habitants sont retranchés sur le site métallurgique d'Azovstal, sur lequel la Russie lance un assaut. L'Ukraine demande à instaurer des couloirs humanitaires d'urgence pour évacuer les civils. Le 20 mai, Vladimir Poutine affirme que les forces russes ont pris le contrôle de la ville, au prix d'au moins 22.000 morts et d'une destruction quasi totale.

000_32JG39B (1)

© STRINGER / AFP

Marioupol, grande ville portuaire autrefois très touristique est depuis le 20 mai 2022 aux mains des Russes, après d'intenses combats pendant plusieurs semaines et d'au moins 22.000 victimes. 

Été 2022 : la centrale nucléaire de Zaporijjia frôle la catastrophe

Occupée par les forces russes dès mars 2022, la centrale nucléaire de Zaporijjia, dans le sud de l’Ukraine, subit des bombardements intenses au cours de l’été, faisant craindre une catastrophe nucléaire. Le dernier réacteur encore en fonctionnement est mis à l’arrêt mi-septembre. Mais la crise reste toujours d’actualité : la plus grande centrale nucléaire d'Europe est toujours aux mais des Russes. 

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) y fait régulièrement des inspections pour assurer que les protocoles de sécurité du site soient bien respectés. Mais l'Agence reste particulièrement méfiante. Les Russes "continueront de créer des situations dangereuses, en faisant chanter le monde entier avec un accident nucléaire et de rayonnement", avait conclu le président de l'opérateur en décembre 2023.

Septembre 2022 : les Ukrainiens reprennent Kherson grâce à une contre-offensive

Alors que la guerre s'enlisait depuis quelques semaines, l'Ukraine lance une contre-offensive, d'abord en direction de Kherson, au sud du pays, puis une deuxième à l'est, pour reprendre la région de Kharkiv. Si la ville de Kharkiv, deuxième plus grande ville d’Ukraine, avait résisté aux Russes malgré d’intenses bombardements, plusieurs points stratégiques en périphérie de la Ville étaient tombés aux mains des Russes. Fin août, les Ukrainiens reprennent du terrain et parviennent à récupérer des villes contrôlées par les Russes, comme Izioum.

Affaibli, Vladimir Poutine annonce une mobilisation partielle le 21 septembre. Des centaines d'hommes russes fuient alors leur pays pour éviter d'être envoyés sur le front ukrainien. Le 30 septembre, le président russe annonce également l'annexion des régions de Lougansk, Donestsk, Kherson et Zaporijia, après des "référendums". De son côté, l'armée ukrainienne parvient à récupérer Kherson le 11 novembre.

8 octobre 2022 : le pont de Crimée bombardé

Il reliait la Crimée, cette région annexée par Moscou en 2014, à la Russie. Le 8 octobre, l'explosion d'un véhicule piégé provoque un violent incendie sur le pont du Kertch, aussi appelé pont de Crimée, qui s'effondre en partie. Un nouveau revers pour la Russie, car cette infrastructure de 19 kilomètres de long était un symbole économique et géopolitique pour Vladimir Poutine, qui l'avait fait construire puis inauguré en 2018 au détriment de l'Ukraine et au mépris du droit international.

000_32KY6W2 (1)

© AFP

L'explosion du pont de Crimée en octobre 2022 est un nouveau revers pour la Russie.

Janvier 2023 : chute de Soledar, première victoire russe depuis juin 2022

Dès le 11 janvier, la Russie assure avoir pris le contrôle de la ville de Soledar, dans l’est de l’Ukraine, une première victoire notable russe sur le terrain après plusieurs revers humiliants les derniers mois. Cette annonce est démentie dans un premier temps par Kiev, laissant l’incertitude demeurer sur le sort de Soledar, une petite ville d'environ 10.000 habitants avant la guerre. L’Ukraine finit par confirmer le 25 janvier la chute de la ville, réduite en ruines par les combats.

Mars 2023 : les chars AMX-10 RC français pris en main par les soldats ukrainiens

Après la livraison de quatorze chars Leopard 2 par l'Allemagne en janvier 2023, la France s'accorde aussi à livrer quatorze de ses chars AMX-10 RC, des chars légers, mobiles et rapides même si quelques peu "anciens". Ils sont utilisés pour la première fois en mars par l'armée ukrainienne, dans le sud du Donbass. Une manière pour l'Union européenne de continuer à soutenir l'Ukraine, un an après le début de l'invasion russe.

Pourtant très attendus, les chars français ont été à plusieurs reprises jugés "inadaptés" au terrain ukrainien pour des attaques sur le front, leur blindage étant "trop léger" ; l'armée ukrainienne leur préférant les chars allemands, des véhicules de combat blindés qui font partis des plus puissants au monde et qui ont longtemps été convoités par Kiev.

Mai 2023 : la bataille de Bakhmout

Après la chute de Soledar, le front s'est déplacé à Bakhmout, dans le Donbass, où de violents affrontements ont lieu entre les troupes russes et ukrainiennes. Le 20 mai 2023, Bakhmout est en grande partie capturée par les forces russes. L'armée ukrainienne revendique, elle, le contrôle d'une petite bande de la ville, le long de l'autoroute voisine. Néanmoins, l'Ukraine lance des contre-attaques sur les flancs de la Russie, cherchant à encercler la ville.

À peu près au même moment, le 25 mai, le groupe Wagner commence à se retirer de la ville pour être remplacé par des troupes russes régulières. Bien qu'au départ, une cible d'importance moyenne, Bakhmout devient un point centrale de la guerre russo-ukrainienne en raison de l'investissement colossal des deux belligérants. Aujourd'hui, même si Kiev estime, officiellement, que la bataille s’y poursuit, les forces ukrainiennes ne tiennent plus de positions dans la ville symbole dont la prise a déjà été revendiquée par Moscou.

020_1745387560 (1)

© GETTY IMAGES / GETTY IMAGES EUROPE / GETTY IMAGES VIA AFP

Bakhmout est devenu le centre des combats dans le Donbass pendant de longs mois avant d'être en grande partie capturée par les Russes.

24 juin 2023 : la rébellion de Prigojine en Russie

Un mois après son fait d’armes le plus retentissant, la prise de Bakhmout après des mois d’une bataille acharnée, la milice Wagner se retourne contre le Kremlin. Pendant 24 heures, les mercenaires se dirigent vers Moscou avec à leur tête le chef de Wagner Evgueni Prigojine, menaçant le pouvoir ; mais finissent par faire demi-tour. Vladimir Poutine dénonce alors une "fronde armée", menée par "des traîtres" qui ont tenté "un coup de poignard dans le dos".

Au terme d’une mutinerie éclair, le président russe laisse trois issues aux mercenaires du groupe : retourner à la vie civile, s’engager dans l’armée régulière ou suivre leur chef en exil en Biélorussie, laissant entendre que Wagner ne combattrait plus en Ukraine. Deux mois plus tard, le 23 août 2023, un avion avec dix personnes à son bord s'écrase en Russie sans laisser de survivants. Evgueni Prigojine figurait sur la liste des passagers, selon les agences d'information russes.

Décembre 2023 : les drones ukrainiens à l'assaut de la Russie, Belgorod attaquée

Dans le cadre de la contre-offensive de Kiev, lancée en juin 2023 pour tenter de reconquérir les territoires occupés par Moscou, des drones bourdonnent par milliers au-dessus du front. Moscou fait pleuvoir sur les arrières ukrainiens, et jusque sur la capitale, des drones suicides iraniens Shahed, surnommés "mobylettes" par les habitants à cause de leur bruit. Kiev envoie aussi dans la profondeur russe des appareils similaires, en Crimée annexée ou dans la région de Belgorod (ouest), et même contre Moscou. Plusieurs dizaines de drones sont interceptés par jour de par et d'autre du front.

Le 30 décembre 2023, plusieurs frappes aériennes sont menées dans la ville de Belgorod, en Russie, ville frontalière à l'Ukraine. Les explosions tuent au moins 25 personnes et en blessent plus de 100 autres. Chacun accuse l'autre d'avoir perpétré l'attaque. Il  s'agit de l'attaque la plus meurtrière commise contre des civils sur le territoire russe depuis le début de l'invasion russe.

17 février 2024 : l'armée ukrainienne annonce son retrait d'Avdiïvka, ville prise par les Russes

Après quatre mois d'assauts russe, l'armée ukrainienne confrontée à un manque croissant de soldats et d'armement a annoncé, dans la nuit du 16 au 17 février, son retrait d'Avdiïvka, cité industrielle de l'est de l'Ukraine largement détruite et désertée par l'écrasante majorité de ses 34.000 habitants. La chute d'Avdiïvka constitue une victoire symbolique importante pour la Russie malgré des pertes élevées.

Cette ville voisine de Donetsk, "capitale" séparatiste, était brièvement tombée en juillet 2014 aux mains de séparatistes prorusses pilotés par Moscou, avant de revenir sous contrôle ukrainien et de le rester jusqu'alors, incarnant la résistance à l'invasion russe. Un revers pour Volodymyr Zelensky, à quelques jours des deux ans de l'invasion russe. Aujourd'hui, un débat sur la mobilisation fait rage depuis des semaines en Ukraine, alors que l'armée peine aujourd'hui, contrairement au début du conflit, à trouver des volontaires pour le front.