Des délégations russe et ukrainienne ont entamé lundi des pourparlers pour tenter de stopper la guerre en Ukraine, au cinquième jour d'une invasion russe qui a déjà poussé plus de 500.000 Ukrainiens à fuir leur pays. Ces premières négociations interviennent alors que les forces de Vladimir Poutine rencontrent une vive résistance de l'armée ukrainienne, et que les sanctions d'une ampleur inédite adoptées par les Occidentaux ébranlent l'économie russe. Europe 1 fait le point sur la situation.
Les principales informations à retenir :
- Les pourparlers ont démarré entre délégations russes et ukrainiennes
- L'étau se resserre autour de Kiev, qui résistent aux assauts russes
- 500.000 réfugiés d'Ukraine recensés
Un premier jour de pourparlers
Après des pourparlers entre les deux parties, les délégations russe et ukrainienne ont quitté la table des négociations au Bélarus et rentrent pour "consultations dans leurs capitales" respectives. Un "deuxième round" de pourparlers est d'ores et déjà convenu. Selon l'un des négociateurs russes, Vladimir Medinski, cette nouvelle rencontre aurait lieu "bientôt" à la frontière polono-bélarusse. Kiev a notamment demandé "un cessez-le-feu immédiat et le retrait des troupes (russes) du territoire ukrainien". Le président Zelensky, qui ne participe pas aux négociations et dont la délégation est conduite par le ministre de la Défense Oleksiï Reznikov, a appelé depuis Kiev les soldats russes à "déposer les armes".
Il a également demandé à l'UE une intégration "sans délai" de l'Ukraine. "Je suis sûr que c'est juste. Je suis sûr que c'est possible", a-t-il lancé. Le processus d'intégration d'un nouveau pays à l'UE prend habituellement des années. Le président du Conseil européen Charles Michel a souligné qu'il y avait "différentes opinions" sur ce sujet qui nécessite l'unanimité.
De son côté, le chef de la délégation russe, le conseiller du Kremlin Vladimir Medinski, a lui indiqué vouloir "trouver un accord" avec Kiev qui soit "dans l'intérêt des deux parties". Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a refusé d'énoncer les exigences russes, soulignant que les négociations devaient se faire "dans le silence".
Mais une situation tendue sur le terrain...
Si les deux parties sont à la table des négociations, la situation sur le terrain reste très tendue. Notre envoyé spécial à Jytomyr, une ville à quelque 150 km à l'ouest de l'Ukraine, témoigne de bombardements fréquents. Mais les avions continuent à survoler la ville à une altitude moyenne. On entend bien les réacteurs de ces appareils, comme si les pilotes cherchaient des objectifs, ou du moins cherchaient à impressionner la population.
Il y a également eu des tirs d'armes automatiques aussi ce soir, clairement audibles. C'est un isolement total qui est en train de se mettre en place : plus de bus, plus de liaison vers l'extérieur. La craine est que les troupes russes cherchent à se rapprocher, et la ville se barricade.
... notamment à Kiev
Sur le terrain, Kiev a indiqué lundi que l'armée russe avait tenté dans la nuit de prendre d'assaut la capitale - où un couvre-feu était en place une grande partie du weekend - mais que les attaques avaient été repoussées. Dès la levée du couvre-feu lundi matin, les habitants faisaient la queue, dans le calme, devant les rares magasins d'alimentation encore ouverts.
La ville est désormais hérissée de barricades de fortune, pneus, mobilier, vieille Lada en travers de la route, gardées par des volontaires armés, bandeaux jaunes aux bras. L'armée russe a assuré que les civils pouvaient quitter "librement" Kiev et accusé le pouvoir ukrainien de les utiliser comme "bouclier humain", laissant planer le spectre d'un assaut de grande envergure.
Un bilan incertain
Le bilan du conflit jusqu'ici reste incertain. L'Ukraine a fait état de quelque 200 civils et des dizaines de militaires tués depuis jeudi. Parmi les victimes, 16 enfants. L'ONU a indiqué lundi avoir enregistré 102 civils tués, dont 7 enfants, et 304 blessés, mais a averti que les chiffres réels "sont considérablement" plus élevés. L'armée russe a reconnu pour la première fois dimanche avoir recensé des "morts" et des "blessés" dans son invasion de l'Ukraine, sans donner de chiffres.
Plus de 500.000 réfugiés ukrainiens, selon le HCR
Le flot de réfugiés fuyant l'Ukraine ne cesse de grossir. Depuis jeudi, plus de 500.000 réfugiés ont fui vers les pays voisins, a indiqué lundi le Haut-Commissaire de l'ONU pour les réfugiés. L'UE a dit s'attendre à plus de sept millions de personnes déplacées. Une majorité se rend en Pologne, où une importante communauté ukrainienne était déjà installée avant le conflit. Tout près de la frontière, notre envoyée spéciale à vu arriver des trains bondés de réfugiés. Parmi eux, Viktoria et Oleg qui respirent enfin après plus de 30 heures de train. De la région voisine du Donbass à la Pologne. "C'était horrible", témoigne-t-il au micro d'Europe 1. "Autant de personnes dans un si petit wagon… Il y avait beaucoup d'enfants, pas de place pour bouger, pas de toilettes."
Si le père de famille n'a pas été mobilisé comme les autres Ukrainiens, c'est qu'il a déjà trois enfants et un quatrième à naître. "C'est terrible parce que nous avons laissé derrière nous nos frères, nos oncles qui se battent", lâche Viktoria. "Beaucoup sont blessés à Dnipro, c'est très dur de retenir mes larmes." La mère de famille esquisse pourtant un sourire brave et se fraie un chemin dans la foule hétéroclite de réfugiés exténués et de bénévoles affairés.
Et malgré la fatigue, il reste encore beaucoup de route à faire pour rallier Varsovie et le toit proposé par des amis. Dans le hall de cette gare, les haut-parleurs répètent à l'envie que les trains sont gratuits pour tous ceux qui présentent un passeport ukrainien.