Le plus grand procès de militants pro-démocratie à Hong Kong, qui doit juger une cinquantaine d'accusés, est entré dans sa dernière ligne droite mercredi avec l'ouverture des derniers débats, plus de 1.000 jours après le début de l'affaire. Les 47 accusés sont poursuivis pour avoir enfreint la drastique loi hongkongaise sur la sécurité nationale et sont passibles de peines de prison à perpétuité.
Les 47 accusés risquent la prison à vie
Cette affaire est devenue, pour les opposants à la reprise en main du territoire par Pékin, le symbole de la criminalisation de la dissidence à Hong Kong. C'est aussi le plus grand procès de militants pro-démocratie à Hong Kong depuis la rétrocession du territoire à la Chine en 1997. Sur le banc des accusés figurent notamment le militant pro-démocratie Joshua Wong, le professeur de droit Benny Tai ainsi que deux anciens députés, Claudia Mo et Au Nok-hin.
Les 47 accusés représentent un large éventail de l'opposition hongkongaise. Tous encourent la prison à vie s'ils sont reconnus coupables de "complot en vue de renverser le pouvoir de l'État" pour avoir organisé en juillet 2020 une élection primaire officieuse destinée à sélectionner des candidats de l'opposition en vue des législatives. Une militante de longue date, surnommée "Grandma Wong", a manifesté mercredi devant le tribunal avec le drapeau britannique en main et une pancarte : "Libérez les 47, libérez-les tous". "J'espère qu'ils pourront être libérés immédiatement", a-t-elle déclaré à l'AFP. Ils voulaient "un véritable suffrage universel, il n'y avait pas d'autre motif, il ne s'agissait pas de prendre le pouvoir".
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Selon les procureurs, les accusés cherchaient à obtenir une majorité au sein de l'Assemblée partiellement élue de la ville pour menacer de bloquer le vote du budget si le gouvernement refusait de répondre aux "cinq demandes" des manifestants pro-démocratie de 2019. Les revendications incluaient une enquête indépendante sur les brutalités policières présumées contre les manifestants et le suffrage universel pour les élections locales. Les militants comptaient, selon l'accusation, forcer potentiellement à la démission la dirigeante pro-Pékin de Hong Kong alors en place, Carrie Lam.
La mini-constitution de Hong Kong, rédigée lors de la rétrocession de la ville du Royaume-Uni à la Chine en 1997, permet au chef exécutif de dissoudre l'Assemblée si le budget fait l'objet d'un veto. En revanche, si les députés nouvellement élus opposent de nouveau leur veto au budget, le chef exécutif de la ville doit alors démissionner.
"Nous parlons d'un complot"
Les 47 accusés ont été conjointement inculpés en mars 2021. La plupart se sont vu refuser une libération sous caution et 31 ont plaidé coupable. Le procès s'est tenu sans jury, à la demande du ministre de la Justice de Hong Kong qui a invoqué "l'implication d'éléments étrangers" pour ne pas appliquer la tradition du procès par jury de la "common law", système judiciaire hérité des Britanniques. Trois juges choisis par le gouvernement ont été désignés à la place.
Le principal procureur, Jonathan Man, a soutenu mercredi que les militants devraient être condamnés même en l'absence de violences. "Nous parlons d'un complot visant à amener les députés à opposer leur veto au budget sans discernement", a-t-il déclaré, soulignant que la loi sur la sécurité nationale devait être interprétée strictement. Randy Shek, l'un des avocats de la défense, a répondu que les militants cherchaient simplement à obtenir des élections démocratiques à Hong Kong. "Ils se sont appuyés sur un mécanisme constitutionnel pour provoquer des changements politiques, qui ne peuvent pas être subversifs", a-t-il déclaré devant le tribunal.
En octobre, un groupe d'experts des droits humains des Nations unies avait exprimé des inquiétudes sur le procès. "Nous sommes très préoccupés par le recours à des procès de masse dans des affaires concernant la loi de sécurité nationale", et par de potentiels manquements au respect de la procédure et au droit à un procès équitable, ont-ils déclaré. Les avocats et le parquet devraient présenter leurs derniers arguments pendant dix jours. La cour, elle, devrait prononcer son verdict trois à quatre mois plus tard.