Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, a qualifié le week-end dernier de "scandale" les violations de l’embargo sur la vente d’armes en Libye, imposé depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011. Un rapport onusien, publié fin 2019, avait directement ciblé les Emirats Arabes Unis, la Turquie et la Jordanie. Selon les informations d’Europe 1, de nombreuses preuves attestent en effet de violations de l’embargo de la part de la Turquie.
Des navires livrent des cargaisons d’armes à destination des milices libyennes
Emmanuel Macron avait directement visé le régime turc le 29 janvier dernier, assurant que des navires turcs "accompagnaient" des mercenaires syriens arrivant en Libye. Cette mise en garde présidentielle se base sur des observations réalisées par l’ensemble des marines qui patrouillent en Méditerranée depuis le début de l’année. Autres preuves : la consultation des réseaux sociaux, dont ceux des trois principaux groupes islamistes syriens, qui envoient des djihadistes en Libye sans se cacher le moins du monde et sans non plus cacher leurs liens avec l’armée turque.
Les violations turques à l’embargo sur les armes se sont poursuivies encore tout récemment. Mercredi, au moment où le Conseil de sécurité de l’ONU adoptait une résolution réclamant un "cessez-le-feu" durable en Libye, un navire affrété par la Turquie déchargeait une cargaison d’armes à destination des milices libyennes dans le port de Misrata. Ces milices ont publié sur leur compte Facebook des petits films, qui montrent les alignements de blindés légers, de canons et de missiles.
Ce navire, le Medkon Sinop, était arrivé jusqu’aux eaux territoriales libyennes escorté par deux frégates de la marine turque, la Göksu, immatriculée F497 et la Gökova, immatriculée F496. Leur rôle était d’interdire tout contrôle et la saisie de ce chargement, qui viole toutes les résolutions des Nations Unies sur la Libye. Un scénario bien rodé, puisqu’il avait déjà été utilisé à deux reprises le mois dernier par les navires Miro et Bana.
Des djihadistes syriens envoyés en Libye par la Turquie
Ces armes sont pour partie données aux milices libyennes, mais aussi aux djihadistes syriens envoyés en Libye par la Turquie. A ce jour, 4.700 combattants syriens sont déjà arrivés en Libye et 1.500 attendent leur transfert depuis le nord de la Syrie, où ils participent à l’offensive turque contre les Kurdes dans les brigades islamistes comme la Firqat Sultan Murad ou la Faylaq al-Rahmane, la Légion du Miséricordieux.
Sur le front libyen, ils sont engagés contre les troupes du maréchal Haftar et encadrés par des instructeurs des forces spéciales turques. Ces djihadistes sont également supervisés par des mercenaires d’une entreprise privée, qui s’appelle Sadat, et qui est dirigée par un ancien général de l’armée turque se présentant comme conseiller spécial du président Recep Erdogan. Sur son site internet, l’entreprise Sadat se donne pour mission d’établir une coopération militaire entre pays islamiques, pour aider le monde islamique à prendre la place qu’il mérite parmi les grandes puissances.