Le bilan humain des inondations qui ont frappé la Belgique et l’Allemagne a plongé les deux pays dans la sidération. Outre-Rhin, au moins 159 décès sont à déplorer, et les disparus se comptent par centaines. Avec l’amélioration de la situation météorologique, le niveau des cours d’eau a reflué, laissant des paysages de désolation et des dégâts désormais largement visibles. Se pose maintenant la question de la reconstruction et des conséquences politiques du drame. Avec cette catastrophe, le changement climatique a été replacé au centre des débats, à deux mois des élections à l’issue desquelles le ou la successeur(e) d’Angela Merkel sera désigné.
Un coût plus élevé que les 20 milliards de dégâts d’août 2002 ?
Mais pour l’heure, une chose est sûre : le coût de la catastrophe sera colossal. Dans les zones touchées, tout est à reconstruire. Les maisons ont été défoncées, les arbres arrachés et certains villages ont en partie disparu. Les ponts, les routes, les canalisations d’eau et de gaz, n'existent plus. A titre de comparaison, les inondations d’août 2002 qui avaient touché l’Europe centrale - l’Allemagne déjà, mais aussi la République Tchèque, la Slovaquie, l'Autriche et la Hongrie - avaient causé plus de 20 milliards d'euros de dégâts au total.
Depuis quelques jours, les images de désolation qui apparaissent avec le reflux des cours d’eau laissent à penser que cette fois-ci, le montant sera beaucoup plus élevé. Le gouvernement allemand a déjà annoncé qu’il allait débloquer 300 millions d'euros en urgence. Cela sera la première pierre d’un vaste programme de reconstruction impossible à chiffrer pour le moment. Mais plusieurs milliards sont déjà évoqués.
Le changement climatique au cœur de la campagne électorale
Dans ce contexte, Angela Merkel a annoncé hier que son pays devait recentrer sa politique sur la lutte contre le changement climatique. "Une inondation n’est pas l’exemple du changement climatique, mais ces évènements sont tout simplement plus fréquents qu’ils ne l’étaient auparavant", a-t-elle affirmé. Et les chiffres donnent raison à la chancelière. Un rapport de l'ONG britannique Christian Aid publié il y a quelques mois estimait ainsi que le coût des catastrophes naturelles avait atteint un record l’an dernier avec 150 milliards de dollars de dégâts. Ainsi, a rappelé la dirigeante allemande, le réchauffement climatique n’est plus seulement un danger pour les générations futures, mais bien une menace bien présente, imminente et globale. Il faut donc agir.
Politiquement d’ailleurs, les inondations viennent bousculer la campagne, alors que les élections fédérales ont lieu le 26 septembre prochain. Ces derniers jours, la catastrophe balayé tous les autres sujets. Dès jeudi, Armin Laschet, le candidat du parti d'Angela Merkel, arpentait les zones sinistrées en bottes en caoutchouc. C'était d'autant plus naturel qu'il préside l'une des régions touchées, la Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Mais en parallèle, le favori des sondages a multiplié les faux pas, ce qui pourrait lui coûter cher. D'abord, il est apparu très condescendant face à une journaliste qui lui demandait des comptes à lui qui, par exemple, a prolongé la durée de vie des mines de charbon. Et surtout, ce week-end, il a été filmé riant derrière le président allemand, qui rendait hommage aux victimes. L'image a choqué, au point que le candidat conservateur a dû présenter des excuses.
German president Steinmeier delivers a sombre speech about help for communities devastated by floods while in background CDU chancellor candidate Armin Laschet appears to laugh himself silly about some joke:pic.twitter.com/gaGtqnLG8w
— Jeremy Cliffe (@JeremyCliffe) July 17, 2021
Le précédent de 2002
De son côté, la verte Annalena Baerbock, elle, a joué la discrétion. Elle est allée sur place, sans caméra. Avant le drame, elle perdait des plumes dans les sondages à cause d'une affaire de plagiat. Mais le retour des questions climatiques sur le devant de la scène pourrait changer la donne.
Et en Allemagne, tout le monde se souvient des inondations de l’été 2002 qui avaient bouleversé la campagne électorale. Le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder était donné perdant dans les sondages, mais quand la crue de l'Elbe a dévasté la région de Dresde, il a chaussé ses bottes et enfilé son ciré. Le "krisenkanzlerin" (le "chancelier de crise"), comme il a été surnommé, a donné un sentiment de compétence alors que son adversaire conservateur semblait déconnecté. Quelques semaines plus tard, Schröder avait remporté un second mandat. Forcément, les candidats d'aujourd'hui ont tous cette séquence en tête.