"Bienvenue à la Finlande dans l'Otan !", a tweeté le président Emmanuel Macron quelques instants après l'entrée officielle du pays nordique au sein de l'Alliance atlantique ce mardi 4 avril. Un message accompagné d'une phrase loin d'être anodine : "J'espère que nous accueillerons très prochainement nos amis suédois également". Car si la Finlande vient de boucler le processus d'adhésion le plus rapide de l'histoire - la demande ayant été déposée en mai 2022 - son voisin scandinave continue de ronger son frein. L'accession des deux pays, qui doit bénéficier d'un feu vert de l'ensemble des membres de l'Otan, devait pourtant s'opérer de façon simultanée mais Stockholm fait toujours les frais du blocage opéré par la Hongrie et la Turquie.
Bienvenue à la Finlande dans l’OTAN !
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) April 4, 2023
J'espère que nous accueillerons très prochainement nos amis suédois également.
La Hongrie "veut exister en Europe"
"Il existe de nombreux griefs à régler avant de pouvoir ratifier" l'entrée du pays scandinave dans l'Alliance, a déclaré mercredi dernier Zoltan Kovacs, porte-parole du gouvernement hongrois. Tout en exhortant la Suède à "changer de ton" et à cesser sa politique de "dénigrement" à l'égard de Budapest. Dans le viseur de la Hongrie : certaines critiques, venues de Suède, visant les dérives autoritaires du président Viktor Orban et le respect de plus en plus relatif de l'État de droit et de la démocratie dans ce pays d'Europe centrale.
Mais selon le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l'ONU, cette manœuvre revêt surtout un caractère idéologique. "La Hongrie veut exister en Europe en adoptant une posture plus proche de la Russie car elle est totalement dépendante de Moscou sur le plan énergétique. Elle veut marquer sa différence", assure-t-il. Budapest joue ainsi le rôle du "trublion" au sein de l'Europe, d'après le politologue Frédéric Charillon, expert des relations internationales. Selon ce spécialiste, "des pressions européennes et américaines" pourraient toutefois suffire à convaincre la Hongrie de valider l'adhésion de la Suède au sein de l'Alliance atlantique. "La Hongrie reste européenne. Qu'elle soit dépendante de la Russie sur certains points c'est une chose mais elle sait très bien que ses intérêts dépendent de l'Union européenne", renchérit le général Trinquand.
La Turquie réclame à la Suède des extraditions de sympathisants du PKK
S'agissant de la Turquie, les raisons évoquées pour maintenir Stockholm à l'écart diffèrent radicalement. Ankara, et son dirigeant Recep Tayyip Erdogan, reprochent à la Suède une forme de mansuétude à l'égard d'une partie des réfugiés kurdes, qu'elle accueille sur son territoire, et qui affichent, pour certains, une proximité avec le PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan. Une organisation, qualifiée de terroriste par la Turquie et l'Union européenne, mais tolérée par plusieurs villes du Vieux-continent en raison de l'action menée contre l'État islamique par la frange syrienne du PKK. "La Turquie réclame à Stockholm des extraditions que la constitution suédoise n'autorise pas", éclaire Patrice Moyeuvre, chercheur associé à l'IRIS et spécialiste de la Turquie.
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Enfin, Ankara n'a toujours pas digéré l'autodafé du Coran par l'homme politique d'extrême droite Rasmus Paludan. Un geste réalisé devant l'ambassade turque le 21 janvier et qui a déclenché l'ire du président Erdogan, déterminé à s'opposer à la candidature suédoise dans l'Otan tant que le royaume ne prendrait pas de mesures pour interdire le blasphème.
Un contexte électoral qui pèse lourd
Pour l'heure, difficile d'espérer une volte-face du président Erdogan. "La Turquie est en période électorale (la présidentielle aura lieu le 14 mai prochain, Ndlr). Erdogan a besoin des nationalistes pour l'emporter sachant qu'il est en position délicate. Il est donc hors de question pour lui de céder sur cette histoire de kurdes", assure Dominique Trinquand. Faut-il également y voir une volonté de ne pas vexer la Russie contre qui Ankara a toujours refusé d'appliquer les sanctions occidentales ? Non, répondent de concert le général Trinquand et Patrice Moyeuvre. "Si Erdogan ne voulait pas vexer Moscou, il n'aurait pas cédé sur la Finlande qui partage une frontière commune avec la Russie", estime le premier. "Pour les Russes, la Turquie est clairement un membre de l'Otan. Elle contribue au budget commun et aux opérations. Intégrer ou non la Suède ne changera pas leur perception", complète le second.
En clair, si le processus d'adhésion de la Suède pourrait finir par se débloquer côté hongrois, le véto turque apparaît plus tenace. Et n'a quasiment aucune chance d'être levé avant le prochain scrutin présidentiel qui scellera le sort de Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis près de dix ans.