L'Otan se trouve "à un moment pivot" de son histoire, a déclaré le secrétaire général de l'organisation, Jens Stoltenberg, en ouvrant les débats auxquels participent l'ensemble des dirigeants de l'Alliance jusqu'à jeudi à Madrid en marge de l'invasion russe de l'Ukraine. Lors de ce sommet, destiné notamment à réviser la feuille de route de l'Alliance pour la première fois depuis 2010, "nous allons dire clairement que la Russie représente une menace directe pour notre sécurité", a poursuivi Jens Stoltenberg.
Les informations à retenir :
- Un sommet de l'Otan décisif, marquée par la guerre en Ukraine ce mercredi
- Les États-Unis et leurs alliés ont gelé 330 milliards de dollars russes
- La Turquie a donné mardi soir son accord à l'entrée dans l'Otan de la Finlande et de la Suède
- Pertes civiles à Lyssytchansk, ville jumelle de Severodonetsk
- L'Ukraine annonce un échange de 144 soldats
- Pour Boris Johnson, Vladimir Poutine n'aurait pas déclenché la guerre s'il était une femme
L'Ukraine participera au prochain sommet du G20 en fonction de sa "composition"
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a averti mercredi son homologue indonésien, Joko Widodo, en visite à Kiev, que sa participation au sommet du G20 dans son pays en novembre dépendrait "de la situation de la sécurité en Ukraine et de la composition des membres du sommet".
Il n'a pas mentionné directement le président russe Vladimir Poutine, mais la participation de ce dernier, invité par l'Indonésie, fait l'objet d'intenses controverses diplomatiques, le Premier ministre italien Mario Draghi affirmant qu'elle était "exclue" dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine, tandis que le Kremlin maintient que l'invitation a été acceptée.
Échange de 144 soldats, dont 95 "défenseurs d'Azovstal"
L'Ukraine a annoncé mercredi avoir échangé avec la Russie 144 soldats, dont 95 "défenseurs d'Azovstal" à Marioupol (sud-est), qui avaient défendu cette ville portuaire assiégée par l'armée russe pendant plusieurs semaines avant de se rendre. "Il s'agit du plus gros échange (avec Moscou) depuis le début de l'invasion russe", a déclaré sur Telegram la Direction principale du renseignement, rattachée au ministère de la Défense ukrainien, sans donner plus de détails sur le lieu et la date de l'opération.
Renforcement de la présence militaire de l'Otan
Cette rencontre, plus de quatre mois après le début de l'invasion russe de l'Ukraine le 24 février, va avaliser le renforcement de la présence militaire sur le flanc oriental de l'Otan, qui va par ailleurs porter le nombre de ses forces à haut niveau de préparation à plus de 300.000 militaires.
"C'est la réorganisation la plus importante de notre défense collective depuis la Guerre froide", a insisté Jens Stoltenberg. "Nous sommes au rendez-vous" et "nous prouvons que l'Otan est plus nécessaire que jamais", a insisté le président américain Joe Biden qui a annoncé pour sa part un renforcement de la présence militaire américaine dans toute l'Europe et notamment dans les Etats baltes.
Zelensky demande un soutien accru de l'Otan
S'exprimant en visioconférence devant les dirigeants de l'Alliance, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a demandé mercredi un soutien accru de l'Otan, pour permettre à Kiev de faire face aux forces russes. "Pour que nous brisions la prépondérance de l'artillerie russe, (...) il nous faut beaucoup plus de ces systèmes modernes, de cette artillerie moderne", a indiqué Volodymyr Zelensky, en précisant que Kiev avait besoin "d'environ 5 milliards de dollars par mois" pour assurer sa défense.
Les pays de l'Otan, qui ont déjà fourni des milliards de dollars d'aide à Kiev, doivent convenir à Madrid "d'un programme d'assistance complet à l'Ukraine pour l'aider à faire respecter son droit à la légitime défense", selon Jens Stoltenberg.
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La Norvège envoie trois batteries de lance-roquettes à l'Ukraine
La Norvège a parallèlement annoncé mercredi l'envoi à l'Ukraine de trois batteries de lance-roquettes à longue distance MLRS. Mardi, les ministres de la défense allemand et néerlandais avaient eux annoncé la livraison de six obusiers supplémentaires.
Le président russe Vladimir Poutine, qui avait notamment justifié l'offensive contre l'Ukraine par la crainte d'un nouvel élargissement vers l'est de l'Otan, "espérait moins d'Otan sur son front occidental à la suite de son invasion illégale de l'Ukraine", mais "il s'est complètement trompé" : "il obtient plus d'Otan", a insisté le Premier ministre britannique Boris Johnson.
Le Royaume-Uni sanctionne l'oligarque russe Vladimir Potanine
Le Royaume-Uni a annoncé mercredi des sanctions contre Vladimir Potanine, deuxième homme le plus riche de Russie, et d'autres membres du premier cercle du président Vladimir Poutine, en représailles à l'invasion russe en Ukraine. Agé de 61 ans, Vladimir Potanine est l'un des oligarques les plus puissants et connus de Russie. Proche de Vladimir Poutine, il était en 2021 la deuxième personnalité la plus riche de Russie avec une fortune estimée à 27 milliards de dollars, selon le magazine Forbes.
Il est le propriétaire et fondateur du fonds d'investissement Interros, qui a racheté la banque russe Rosbank après sa cession par la Société Générale, qui en était l'actionnaire majoritaire. "Tant que Poutine poursuit son attaque épouvantable sur l'Ukraine, nous utiliserons des sanctions pour affaiblir la machine de guerre russe", a déclaré dans un communiqué un porte-parole du gouvernement britannique.
Les États-Unis et leurs alliés gèlent 330 milliards de dollars russes
Les Etats-Unis et leurs alliés ont gelé plus de 330 milliards de dollars d'avoirs russes depuis le début du conflit en Ukraine, a affirmé mercredi le Trésor américain. Dans le détail, les alliés occidentaux ont bloqué pour 30 milliards de dollars d'avoirs détenus par des oligarques ou membres de l'élite russe sanctionnés, et ont "immobilisé" quelque 300 milliards de la Banque centrale russe, indique un communiqué émis par la "task force" des alliés occidentaux chargée de traquer les avoirs des élites russes (Repo), et publié par le Trésor américain.
Ont été également saisis au moins cinq yachts de luxe et des propriétés immobilières appartenant ou contrôlées par des ressortissants russes faisant l'objet de sanctions. "Ensemble, nous nous assurerons que les sanctions continuent d'imposer des coûts à la Russie pour son agression non-provoquée et prolongée en Ukraine", précise le communiqué.
Un "programme d'assistance complet" à l'Ukraine
Les pays de l'Otan, qui ont déjà fourni des milliards de dollars d'aide à Kiev, vont convenir à Madrid "d'un programme d'assistance complet à l'Ukraine pour l'aider à faire respecter son droit à la légitime défense", a promis mardi Jens Stoltenberg. "Il est extrêmement important que nous soyons prêts à continuer à apporter notre soutien parce que l'Ukraine fait face aujourd'hui à une brutalité que nous n'avions plus vue en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale", a-t-il exhorté. Un message relayé par le président français Emmanuel Macron, qui a appelé l'Alliance à un "message d'unité et de force" à l'issue d'une rencontre du G7 en Allemagne, organisée en amont du sommet de l'Otan. "La Russie ne peut ni ne doit gagner" la guerre, a-t-il insisté.
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De son côté, le Premier ministre britannique Boris Johnson appellera mercredi tous les pays de l'Alliance à augmenter leurs dépenses militaires en réponse à l'invasion russe, afin de "rétablir la dissuasion et assurer la défense au cours de la décennie à venir", selon Downing Street.
Fin du veto turc
Au-delà de l'Ukraine, la journée de mercredi doit être l'occasion pour l'Otan d'adopter son nouveau "concept stratégique", la première révision de sa feuille de route depuis 2010, qui devrait évoquer pour la première fois les défis posés par la Chine. Elle sera également l'occasion de lancer le processus d'adhésion de la Finlande et de la Suède, qui ont décidé de rejoindre l'Otan en réaction à l'offensive lancée par la Russie en Ukraine le 24 février, rompant avec une longue tradition de neutralité. Cette adhésion était jusqu'à présent bloquée par la Turquie, membre de l'Otan depuis 1952, qui accusait notamment Stockholm et Helsinki d'abriter des militants de l'organisation kurde PKK, qu'Ankara considère comme "terroriste".
Mais au terme de longues tractations en marge du sommet, la Turquie a donné mardi soir son accord à l'entrée dans l'Otan de ces deux pays nordiques, le président turc Recep Tayyip Erdogan ayant estimé avoir obtenu leur "pleine coopération" dans sa lutte contre le PKK. "La politique de porte ouverte de l'OTAN" s'est soldée par "un succès historique", a salué Jens Stoltenberg. "L'accueil de la Finlande et de la Suède dans l'alliance les rendra plus sûres, l'OTAN plus forte et la zone euro-atlantique plus sûre", a-t-il insisté.
Dans un communiqué, le président américain Joe Biden a "félicité la Turquie, la Finlande et la Suède" pour la signature de cet accord. "Alors que nous commençons ce sommet historique à Madrid, notre Alliance est forte, plus unie et plus déterminée que jamais", a-t-il déclaré. Cet accord permettra aux pays de l'Otan d'afficher leur unité mercredi. Mais l'entrée formelle des deux pays, qui doit être ratifiée par les parlements des 30 États membres de l'Alliance, est un long processus qui prend des mois.
"Cycle de la mort"
Ce sommet de l'Otan survient alors que l'Ukraine continue sur le terrain de payer un lourd tribut à cause de l'invasion russe. Les autorités ukrainiennes ont ainsi fait état mardi de plusieurs frappes meurtrières contre des civils, notamment à Lyssytchansk, ville jumelle de celle de Severodonetsk, située dans une poche de résistance ukrainienne stratégique dans le bassin du Donbass (est). Ces frappes sont survenues au lendemain d'une attaque qui a ravagé un centre commercial bondé à Krementchouk, à 330 kilomètres au sud-est de Kiev, faisant au moins 18 morts et une quarantaine de disparus, selon les autorités ukrainiennes.
Ce bombardement est "l'un des actes terroristes les plus éhontés de l'histoire européenne", a dénoncé le président ukrainien Volodymyr Zelensky, en demandant que la Russie soit désignée comme "État parrain du terrorisme" après cette frappe sur "une ville paisible". Lors d'une intervention en direct mardi soir devant le Conseil de sécurité de l'ONU, il a suggéré l'envoi d'une commission d'enquête et réclamé une nouvelle fois que la Russie soit expulsée de son siège permanent. "Le cycle de la mort, de la destruction doit cesser. Pour le bien de l'Ukraine, de la Russie et du monde entier", a plaidé en début de réunion la secrétaire générale adjointe de l'ONU pour les Affaires politiques, Rosemary DiCarlo.
Moscou, qui assure depuis le début de la guerre vouloir "démilitariser" et "dénazifier" son voisin, a cependant exclu mardi d'interrompre son offensive tant que l'Ukraine n'aurait pas capitulé. "Il faut ordonner aux soldats ukrainiens de déposer les armes et mettre en œuvre toutes les conditions fixées par la Russie. Alors tout sera fini en une journée", a déclaré Dmitri Peskov, le porte-parole de Vladimir Poutine.
Poutine n'aurait pas déclenché la guerre s'il était une femme, selon Johnson
Le président russe Vladimir Poutine n'aurait pas déclenché la guerre en Ukraine s'il avait été une femme, a estimé le Premier ministre britannique Boris Johnson, en jugeant souhaitable qu'il y ait plus de femmes au pouvoir. "Si Poutine était une femme, ce qu'il n'est pas bien évidemment, vraiment je ne pense pas qu'il se serait embarqué dans cette guerre folle de macho" visant "à l'invasion" de l'Ukraine", a-t-il déclaré mardi soir à la chaîne de télévision allemande ZDF. Le déclenchement de cette guerre par la Russie est "un exemple parfait de toxicité masculine", a-t-il encore dit.
Il a de manière générale appelé à une meilleure éducation des jeunes filles dans le monde et à ce qu'il y ait davantage "de femmes dans des positions de pouvoir". Par ailleurs, le chef du gouvernement britannique a reconnu que "tout le monde veut que la guerre prenne fin", mais pour le moment "il n'y a pas d'accord possible, Poutine ne fait pas d'offre de paix".
La stratégie occidentale vise dans l'immédiat à soutenir l'Ukraine pour lui permettre d'être dans la meilleure position stratégique possible si un jour des négociations de paix peuvent débuter avec Moscou, a-t-il ajouté.