Donald Trump, qui promet depuis longtemps de "démanteler" l'accord sur le nucléaire iranien, pourrait mettre mardi sa menace à exécution malgré les mises en garde internationales, ouvrant une période de fortes turbulences avec l'Europe et d'incertitude quant aux ambitions atomiques de Téhéran.
Vers un retour des sanctions en Iran. Diplomates et observateurs en sont persuadés : sauf revirement de dernière minute, le président des États-Unis devrait annoncer à 14 heures (20 heures à Paris) depuis la Maison-Blanche qu'il rétablit, au moins partiellement, les sanctions levées en contrepartie de l'engagement pris par l'Iran en 2015 de ne pas se doter de l'arme nucléaire.
Cela risque, pensent les experts, de "tuer" l'accord conclu à Vienne par Téhéran avec les États-Unis, la Russie, la Chine, la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne après plus de dix ans de tensions sur le programme nucléaire iranien et un marathon diplomatique.
Une décision isolée. Tous les autres signataires ont défendu jusqu'au bout ce compromis qu'ils jugent "historique", soulignant que l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), qui conduit des inspections réputées très poussées, a régulièrement certifié le respect par Téhéran des termes du texte censé garantir le caractère non militaire de son programme nucléaire.
Un accord décrié par Donald Trump. Depuis sa campagne électorale, Donald Trump voue aux gémonies ce "plan d'action" conclu sous l'administration de son prédécesseur démocrate Barack Obama, auquel il reproche des "lacunes désastreuses".
En janvier, il avait lancé un ultimatum aux Européens, leur donnant jusqu'au 12 mai pour le "durcir" sur plusieurs points : les inspections de l'AIEA ; la levée progressive, à partir de 2025, de certaines restrictions aux activités nucléaires iraniennes, qui en font selon lui une sorte de bombe à retardement ; mais aussi le fait qu'il ne s'attaque pas directement au programme de missiles balistiques de Téhéran ni à son rôle jugé "déstabilisateur" dans plusieurs pays du Moyen-Orient (Syrie, Yémen, Liban...).
Des dirigeants européens comme négociateurs. Paris, Londres et Berlin ont joué le jeu en négociant avec les diplomates américains des solutions à ces préoccupations. Les demandes de Donald Trump sont "légitimes", a ainsi reconnu lundi à Washington le ministre britannique des Affaires étrangères Boris Johnson. Mais "nous pensons qu'on peut être plus dur sur l'Iran, répondre aux inquiétudes du président sans jeter le bébé avec l'eau du bain". Donald Trump "a réussi à faire évoluer" les Européens, estime Robert Malley, ex-négociateur avec l'Iran sous la présidence Obama et actuel président du groupe de réflexion International Crisis Group.
Une décision aux conséquences incertaines. Après avoir renié plusieurs engagements multilatéraux comme l'accord de Paris, l'annonce de mardi va elle aussi avoir des répercussions encore difficiles à prédire, et qui dépendront en partie d'où Washington va placer le curseur du rétablissement des sanctions américaines. Les Européens ont fait savoir qu'ils comptent rester dans l'accord quoi qu'il advienne.
Quelle réaction du côté iranien ? Pour l'instant, Téhéran, où cohabitent des ultraconservateurs autour du guide suprême Ali Khamenei et des dirigeants plus modérés autour du président Hassan Rohani, ont soufflé le chaud et le froid, menaçant de quitter à leur tour l'accord de 2015, de relancer et accélérer le programme nucléaire, ou alors en laissant entendre qu'ils pourraient y rester si les Européens pallient l'absence américaine.
Au-delà des premières réactions, devrait donc s'engager une phase de tractations en coulisses. Même après mardi, "il y a encore beaucoup d'efforts diplomatiques à mener", a estimé récemment le nouveau secrétaire d'État américain Mike Pompeo.