Alors que 2,2 millions de personnes, soit l'immense majorité de la population, sont menacées de famine à Gaza selon l'ONU, des organisations humanitaires y dénoncent des frappes contre leurs installations. Dans la nuit de mercredi à jeudi, l'aviation israélienne a conduit une dizaine de frappes contre Rafah, a constaté un journaliste de l'AFP. Aucun bilan n'était disponible dans l'immédiat.
Les principales informations à retenir :
- Israël a lancé dans la nuit de mercredi à jeudi de nouvelles frappes aériennes contre Rafah, alors que près de 1,5 million de personnes sont massées dans cette ville
- Des pourparlers sont toujours en cours pour trouver un accord de trêve, une première phase devrait prévoir une trêve de six semaines, associée à un échange d'otages contre des prisonniers palestiniens
- Le Hamas annonce un nouveau bilan de 29.410 morts
"Nous attendons la mort, jour après jour"
Rafah est le "dernier bastion" du Hamas aux yeux du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu déterminé, malgré les protestations internationales, à y lancer une offensive terrestre afin de vaincre le mouvement islamiste palestinien et libérer les otages détenus à Gaza. Près de 1,5 million de personnes, selon l'ONU, sont massées dans cette ville située contre la frontière fermée avec l'Égypte.
"Nous attendons la mort, jour après jour", témoigne un habitant de Rafah, Wissam Lafi, auprès de l'AFP. "Nous remercions Dieu que la journée soit terminée et que nous soyons encore en vie. Nous attendons simplement la mort." Le conseiller du président américain Joe Biden pour le Moyen-Orient, Brett McGurk, est attendu jeudi en Israël après une étape en Égypte où se tiennent de nouveaux pourparlers en vue d'une trêve.
Vers une "première phase" d'un accord de trêve
"Nous voulons qu'un accord soit trouvé (…) le plus rapidement possible", a dit à la presse le porte-parole du département d'État, Matthew Miller. Mercredi au Caire, le chef du bureau politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, installé au Qatar, devait discuter avec le chef des services de renseignement égyptiens, Abbas Kamel, notamment de la "première phase" d'un plan élaboré en janvier, selon une source du Hamas à l'AFP à Gaza.
Cette première phase du plan conçu par les pays médiateurs - Qatar, États-Unis et Égypte - prévoyait une trêve de six semaines, associée à un échange d'otages contre des prisonniers palestiniens détenus par Israël et à l'entrée à Gaza d'une importante quantité d'aide humanitaire. Le Hamas réclame un cessez-le-feu, un retrait israélien de Gaza, la fin du blocus israélien et un abri sûr pour les centaines de milliers de civils déplacés par la guerre Israël de son côté affirme que son offensive se poursuivra tant que le Hamas n'aura pas été éliminé et les otages libérés.
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Violences sexuelles
Selon Israël, 130 otages sont encore détenus à Gaza, dont 30 seraient morts, sur environ 250 personnes enlevées le 7 octobre. Ce jour-là, des commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza ont déclenché une attaque sans précédent dans le sud d'Israël et tué plus de 1.160 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles israéliennes. D'après un rapport d'une organisation israélienne publié mercredi, ces attaques ont donné lieu à des violences sexuelles systématiques et préméditées.
Lundi, des experts en droits humains de l'ONU avaient demandé une enquête indépendante sur les allégations de violences, y compris sexuelles, visant des Palestiniennes, qui auraient été perpétrées par des Israéliens à Gaza et en Cisjordanie. En représailles à l'attaque du 7 octobre, Israël a juré d'anéantir le Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007, qu'il considère comme une organisation terroriste de même que les États-Unis et l'Union européenne. L'offensive de l'armée israélienne a fait 29.410 morts à Gaza, en grande majorité des civils, selon le Hamas.
Mercredi, le parlement israélien a massivement voté une résolution proposée par Benjamin Netanyahu s'opposant à toute "reconnaissance unilatérale d'un État palestinien", qui reviendrait selon le texte à récompenser le "terrorisme sans précédent" du Hamas. Quelques jours plus tôt, le Washington Post indiquait que les États-Unis et plusieurs pays arabes alliés travaillaient à un plan global destiné à établir une paix israélo-palestinienne durable après la fin de la guerre entre Israël et le Hamas, et prévoyant notamment un calendrier pour l'établissement à terme d'un État palestinien.
Divisions au G20
Les divergences internationales se sont de nouveau étalées mercredi lors d'une réunion des ministres des Affaires étrangères du G20 au Brésil. Le chef de la diplomatie brésilienne Mauro Vieira a déploré "l'inacceptable paralysie du Conseil de sécurité" au sujet notamment de Gaza, où les États-Unis, alliés d'Israël, ont mis leur veto la veille à un projet de résolution du Conseil de sécurité de l'ONU qui exigeait un cessez-le-feu humanitaire immédiat.
De leur côté, les États-Unis ont critiqué les propos polémiques du président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva comparant la guerre à Gaza à la Shoah. La situation humanitaire est particulièrement alarmante dans le nord de Gaza, en proie "au chaos et à la violence", selon le Programme alimentaire mondial (PAM), qui y a suspendu mardi la distribution de son aide. Soumise au feu vert d'Israël, l'aide entre à Gaza essentiellement par Rafah via l'Égypte, mais son acheminement vers le nord est rendu presque impossible par les destructions et les combats.
Les autorités israéliennes ont annoncé mercredi l'entrée la veille de 98 camions avec de l'aide humanitaire dans Gaza, tandis qu'un collectif d'ONG internationales (AIDA) déplorait la lenteur du processus d'inspection et le blocage de dizaines de camions pendant plusieurs jours à la frontière.
Frappes israéliennes
Dans le sud, à Khan Younès, théâtre ces dernières semaines de combats au sol, de tirs et de raids aériens, un char israélien a, selon Médecins sans frontières (MSF), tiré tard mardi sur une maison abritant certains employés de l'ONG, tuant deux membres de la famille de l'un d'entre eux. MSF a dénoncé mercredi cette frappe "avec la plus grande fermeté". L'armée israélienne a exprimé ses regrets, déclarant à l'AFP avoir tiré sur un édifice "identifié" comme abritant des "activités terroristes", mais qu'après coup "des informations ont fait état de la mort de deux civils non impliqués" dans ces activités présumées.
Dans la même ville, le Croissant-rouge palestinien a fait état d'"attaques multiples" contre l'hôpital Al-Amal, dont deux étages ont été, selon lui, touchés par des tirs de l'artillerie israélienne. L'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), principale organisation d'aide humanitaire dans la bande de Gaza, fait, elle, face à une nouvelle polémique.
La mère de Yonatan Samerano, un Israélien de 21 ans tué dans l'attaque du 7 octobre, a accusé mercredi un employé de l'UNRWA d'avoir emporté sa dépouille dans la bande de Gaza. "Comment l'ONU a-t-elle pu payer (le salaire) d'un homme qui a traîné par terre le corps tout mince pour ensuite le prendre comme s'il était une récompense pour Gaza?", s'est indignée Ayelet Samerano, lors d'une conférence de presse à Tel-Aviv.
Plusieurs pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et le Japon, ont suspendu leur financement à l'UNRWA après des accusations israéliennes selon lesquelles 12 de ses employés étaient impliqués dans l'attaque du 7 octobre. De son côté, United Airlines a annoncé la reprise de ses vols vers Israël à partir du mois prochain, devenant la première compagnie aérienne américaine à effectuer un tel retour depuis l'attaque du 7 octobre.