Un seul être renonce, et tout est déstabilisé. Giuseppe Conte, le chef du gouvernement italien désigné, a finalement jeté l'éponge dimanche, après s'être heurté à un président de la République inflexible qui refusait l'un de ses ministres. Une décision qui laisse donc l'Italie sans capitainerie, et ouvre la porte à de nouvelles élections législatives. Retour en quatre actes sur les soubresauts de la politique transalpine.
Acte 1 : des élections législatives sans majorité claire
Dimanche 4 mars, les Italiens se rendent aux urnes pour des élections législatives, qui doivent permettre de se doter d'un nouveau gouvernement issu de la majorité. Mais le résultat ne permet pas de dégager de majorité claire. Arrivée en tête, la coalition de centre-droit composée notamment du Forza Italia de Silvio Berlusconi et de la Ligue d'extrême droite de Matteo Salvini, n'obtient que 37% des suffrages. Le mouvement 5 étoiles (M5S) de Luigi Di Maio, parti eurosceptique et "antisystème", pointe ensuite à 32,7% des voix. Enfin, la coalition de centre-gauche emmenée par Matteo Renzi remporte 22,9% des suffrages. Résultat : aucun parti ne peut se prévaloir d'une majorité absolue et seule une coalition est envisageable.
Acte 2 : la nomination d'un chef de gouvernement
Finalement, c'est une alliance improbable entre la Ligue de Matteo Salvini et le M5S de Luigi Di Maio qui voit le jour, au terme d'âpres négociations. Improbable, car l'un et l'autre de ces leaders politiques excluaient au départ de gouverner ensemble. Improbable, aussi, car il semblait difficile pour Salvini et Di Maio de se retirer pour laisser l'autre devenir président du Conseil, l'équivalent du Premier ministre en Italie. Finalement, c'est sur un troisième nom qu'ils se mettent d'accord, mercredi : Giuseppe Conte. Ce juriste de 53 ans, novice en politique et inconnu du grand public, est alors chargé de préparer un gouvernement.
Acte 3 : un président du Conseil parti avant d'être arrivé
Le système italien prévoit que le gouvernement ainsi constitué soit présenté au président de la République. Et celui-ci a le pouvoir de refuser une liste si elle ne lui convient pas. En l'occurrence, le chef de l'État Sergio Mattarella a retoqué les propositions de Giuseppe Conte en raison de la présence, au poste de ministre de l'Economie et des Finances, de Paolo Savona. Cet économiste de 81 ans, ancien ministre de l'Industrie, est ouvertement eurosceptique. Ce qui n'a pas plu à Sergio Mattarella, attaché à l'Union européenne.
Dimanche, l'ultime rencontre entre Sergio Mattarella et Giuseppe Conte a tourné court. Et le second a finalement jeté l'éponge face à l'inflexibilité du président de la République. "Monsieur Conte m'a présenté une liste que j'ai acceptée en tous points, à l'exception du choix du ministre de l'Économie", a justifié Sergio Mattarella. "Dans mon rôle de garant, je ne pouvais pas accepter un choix qui aurait pu conduire à la sortie de l'Italie de l'euro et provoquer les inquiétudes des investisseurs italiens et étrangers. Il est de mon devoir d'être attentif à la protection de l'épargne italienne, qui est la garantie de protéger la souveraineté de l'Italie."
Acte 4 : vers de nouvelles élections (et une destitution) ?
Ce refus catégorique et l'abandon de Giuseppe Conte plongent l'Italie dans une crise institutionnelle. Logiquement, les leaders de la Ligue et du M5S ont fustigé le choix du président de la République qui, selon eux, a outrepassé ses fonctions. "Il y a un grand problème en Italie : la démocratie", a regretté Luigi Di Maio dimanche soir, jugeant le veto de Sergio Mattarella "incompréhensible". "Nous étions prêts à gouverner et on nous a dit non, parce que le problème, ce sont les agences de notation dans toute l'Europe qui sont inquiètes. Alors disons-le clairement qu'il est inutile d'aller voter, puisque les gouvernements ce sont les agences de notation, les lobbies financier et bancaire qui les font. Toujours les mêmes."
L'Italie ne va pas rester sans gouvernement. Dimanche soir, le président de la République a annoncé qu'il allait désigner un nouveau président du Conseil, mais sans chercher l'aval du Parlement. C'est ce qu'on appelle un "gouvernement du président". En l'occurrence, Sergio Mattarella a choisi Carlo Cottarelli, économiste et ancien haut responsable du FMI, surnommé "Monsieur Ciseaux" depuis qu'il avait été chargé de diminuer les dépenses publiques en 2013.
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Ce "gouvernement du président" n'aura probablement pas l'aval du Parlement, puisque les partis leader, M5S et Ligue en tête, ne l'approuveront pas. Il sera donc chargé de gérer les affaires courantes jusqu'à ce que de prochaines élections soient convoquées. Un scénario que Matteo Salvini de la Ligue appelle de ses vœux. "Si on est encore en démocratie, il n'y a plus qu'une chose à faire : rendre la parole aux Italiens", a-t-il déclaré dimanche soir.
Se pose également la question de la destitution du président Sergio Mattarella, que souhaite Luigi Di Maio. Le leader du M5S a déclaré dimanche qu'il comptait invoquer l'article 90 de la Constitution italienne, qui permet de mettre en accusation le chef de l'État devant le Parlement pour "haute trahison", ou s'il porte "atteinte à la Constitution". Dans ce cas-là, le Parlement doit voter la destitution à la majorité absolue de ses membres. Mais ce scénario semble peu probable. D'abord, parce que Luigi Di Maio est isolé sur la question : même son allié Matteo Salvini a refusé de réclamer la destitution du chef de l'Etat. Ensuite, parce qu'un veto présidentiel n'a rien d'extraordinaire dans l'histoire politique italienne. Jusqu'ici, chaque fois que cela s'était produit, les partis avaient accepté de changer le nom qui faisait débat, ou de le proposer à un autre ministère.