Dimanche 4 décembre. La date est cochée depuis plus d’un an sur son calendrier. Le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi, se prépare à vivre l'un des moments les plus importants de sa fulgurante carrière politique, avec un référendum constitutionnel dont l'issue, incertaine, décidera en partie son avenir. Mais le vote dépasse le seul sort politique du président du Conseil et fait peser une menace sur l'ensemble du secteur bancaire du pays et au-delà sur la zone euro, qui voit ressurgir le spectre d'une nouvelle crise.
De quoi est-il question ?
Les Italiens se prononcent sur une réforme de la constitution qui prévoit essentiellement de réduire les pouvoirs du Sénat, doté actuellement des mêmes pouvoirs que la Chambre des députés.
Si le oui l'emporte, le Sénat ne votera plus la confiance au gouvernement et ne se prononcera que sur les lois constitutionnelles, la participation de l'Italie à l'UE ou la protection des minorités linguistiques. De 315 membres élus au scrutin universel, il passera à 100 membres nommés.
La réforme limite aussi les attributions des régions et supprime les 110 provinces, des entités territoriales intermédiaires entre les 20 régions et les 8.000 communes.
Ils votent oui
Matteo Renzi, son Parti démocrate (PD, centre-gauche) et son allié du Nouveau centre-droit (NCD), soutenus par d'anciens chefs du gouvernement comme Romano Prodi et Enrico Letta, assurent que la réforme mettra fin à la valse des gouvernements - 60 depuis l'instauration de la République en 1948 - et au ping-pong législatif entre les deux chambres.
Le patronat mais aussi des personnalités du sport ou du spectacle, ou encore des dirigeants étrangers comme Barack Obama et Angela Merkel, estiment, à des degrés divers, que la réforme modernisera l'Italie.
Ils votent non
Les opposants à la réforme vont de l'extrême-gauche à l'extrême-droite, en passant par les populistes du Mouvement 5 Etoiles (M5S) ou de la Ligue du Nord mais aussi par le parti Forza Italia de Silvio Berlusconi (centre-droit, qui avait pourtant négocié la réforme avec Matteo Renzi) et des "frondeurs" du PD.
Tous dénoncent un risque de concentration des pouvoirs entre les mains du chef du gouvernement et une remise en question du délicat équilibre des pouvoirs mis en place en 1948 après le traumatisme du fascisme. Leur principal dénominateur commun semble être la volonté d'obtenir la démission de Matteo Renzi.
Un tremplin des populistes vers le pouvoir ?
Après Rome et Turin, pourquoi pas l'Italie. Emmenés par l’humoriste Beppe Grillo, les populistes du Mouvement Cinq étoiles (M5S), déjà à la tête d'une trentaine de villes, pourraient faire un pas de plus vers le pouvoir en cas de victoire du non.
Dans ce cas, il pourrait bientôt y avoir des élections anticipées. Pas avant une réforme de la loi électorale en cours à la Chambre des députés, cependant. "Si je perds le référendum constitutionnel, j'abandonnerai la politique", affirmait il y a un an Matteo Renzi, 41 ans, arrivé au pouvoir en février 2014 avec la volonté de tout changer en Italie. Il a depuis fait marche arrière, reconnaissant que c'était une erreur de trop personnaliser le scrutin.
Un enjeu pour toute la zone euro
L'incertitude quant au résultat de ce scrutin provoque en tout cas des sueurs froides en Europe et sur les marchés, où l'on redoute une nouvelle phase d'instabilité dans la troisième économie de la zone euro.
Une victoire de ce "non" pourrait avoir comme conséquence immédiate un effondrement de Banca Monte dei Paschi di Siena , la troisième banque d'Italie, considérée comme la plus fragile des grandes institutions financières de la zone euro. La banque a besoin de lever de nouveaux capitaux à hauteur de cinq milliards d'euros pour avoir une chance de nettoyer son bilan, plombé par 46 milliards d'euros de créances douteuses. Monte dei Paschi pourrait être contrainte de renoncer à l'opération, ce qui l'obligerait à appeler les pouvoirs publics à l'aide pour tenter d'échapper au dépôt de bilan. Une telle issue risquerait de provoquer une contagion désastreuse par effet de dominos dans le secteur.
Certains analystes évoquent ainsi un engrenage qui pourrait aboutir à une sortie de l'Italie de la zone euro. D'autres, plus modérés, n'écartent pas quelques remous mais seulement à court terme.
Que disent les sondages ?
Les derniers sondages, dont la publication est interdite pendant les deux semaines précédant le vote, donnaient une avance de cinq à huit points au non, avec aussi une grande proportion d'indécis.