La cour d'assises de Rome doit rendre son verdict vendredi contre Valentino Talluto, un homme séropositif accusé d'avoir contaminé plus de 30 femmes en moins de 10 ans. Premier Italien jugé pour "épidémie", il risque la perpétuité. Il n'a rien d'un Don Juan, mais sous le pseudonyme "Hearty Style", ce comptable de 33 ans au physique passe-partout a séduit des dizaines de jeunes femmes sur les réseaux sociaux et sites de rencontres.
53 conquêtes entre 2006 et 2015. Les enquêteurs ont retrouvé 53 de ses conquêtes entre le moment où il a découvert sa séropositivité en 2006, et son arrestation en 2015 : si 23 sont restées séronégatives, 30 ont été contaminées, de même que les compagnons de trois d'entre elles et le bébé d'une quatrième. Tout au long du procès, qui s'est ouvert le 2 mars dans la salle d'audience bunker de la prison de Rebibbia à Rome, elles se sont succédé à la barre pour raconter les longues soirées de 'chat' sur les réseaux sociaux, les sorties au restaurant, les bouquets de fleurs, la confiance et l'amour qui s'installent peu à peu, jusqu'à ces rapports sexuels non protégés. A celles qui lui demandaient de mettre un préservatif, il répondait qu'il était allergique, ou qu'il venait de faire le test du VIH. A celles qui se découvraient séropositives - par hasard, à la suite d'ennuis de santé ou prévenues par ses conquêtes précédentes -, il assurait n'y être pour rien.
Jusqu'à six relations en même temps. Quelques-unes sont restées en couple avec Valentino Talluto de longs mois après la découverte de leur contamination, s'inquiétant surtout de sa santé à lui. Au final, ce sont surtout ses infidélités - il a entretenu jusqu'à six relations en même temps - qui les a éloignées. Beaucoup étaient étudiantes, certaines mères de famille. La plus jeune avait 14 ans au moment du début de leur relation, la plus âgée près de 40. Devant la cour, elles ont aussi décrit les affres du VIH, la stigmatisation, y compris au sein de leur famille, la lourdeur des traitements.
Aucun remord. Pour l'accusation, Valentino Talluto mérite la réclusion criminelle à perpétuité pour "épidémie" et "coups et blessures volontaires", et il n'a pas de circonstances atténuantes parce qu'il n'a exprimé aucun remord. "Talluto n'a jamais collaboré, il a fait de fausses déclarations, il a toujours nié toute responsabilité, même face à l'évidence: son mode opératoire était destiné à semer la mort", a dénoncé l'avocat général, Elena Neri, dans son réquisitoire en septembre. La défense a en revanche présenté le portrait plus nuancé d'un jeune homme avide d'affection, qui n'a jamais connu son père et a perdu sa mère, toxicomane et séropositive, à l'âge de 4 ans.
"C'est de l'imprudence". "Il n'a pas cherché à transmettre intentionnellement le moindre virus", a expliqué son avocat Me Maurizio Barca, assurant qu'il utilisait des préservatifs "la plupart du temps" et ne s'en est passé qu'à quelques reprises, "pris dans le feu de l'action". "C'est de l'imprudence, ce n'était pas intentionnel", a-t-il insisté. De plus, il est selon lui impossible de prouver que c'est l'accusé, et non pas d'autres partenaires, qui a contaminé les jeunes femmes. La souche du virus qu'elles partagent avec lui est en effet la plus répandue en Europe. Longtemps mutique, Valentino Talluto avait finalement pris la parole fin septembre, la voix brisée et les yeux brillants, après le témoignage d'une victime. "Beaucoup des filles connaissent mes amis et ma famille. On dit que j'ai voulu contaminer le plus de personnes possible. Si cela avait été le cas, je serais allé chercher des rapports occasionnels dans les bars, je ne les aurais pas fait entrer dans ma vie", avait-il insisté.
L'une d'entre elles n'en est d'ailleurs jamais sortie : en juillet, elle était venue témoigner de leur rencontre en 2014, de la séropositivité dont il lui a tout de suite parlé, des infidélités qu'elle a pardonnées. "Nous voulons nous marier. Je suis encore amoureuse de Valentino. Il n'est pas le monstre que tout le monde a décrit", avait-t-elle assuré.