Le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, va tenter lundi à Téhéran de sauvegarder l'accord sur le nucléaire iranien tout en demandant des gages à l'Iran sur son programme balistique et ses ambitions régionales.
La Syrie au menu des discussions. Jean-Yves Le Drian tentera également d'obtenir que Téhéran fasse pression sur son allié syrien afin qu'il laisse parvenir l'aide humanitaire de l'ONU aux habitants de la Ghouta orientale, aux portes de Damas. Un premier convoi est prévu lundi.
L'Élysée a annoncé dimanche que le président Emmanuel Macron avait demandé à son homologue iranien Hassan Rohani, lors d'un entretien téléphonique, "d'exercer les pressions nécessaires" sur le régime syrien pour faire cesser les attaques contre la population de la Ghouta orientale, où quelque 400.000 civils assiégés vivent une grave crise humanitaire.
L'accord sur le nucléaire, un sujet sensible. Arrivé à Téhéran vers minuit passé lundi (21h45 dimanche), Jean-Yves Le Drian est le premier haut responsable des trois pays européens parties à cet accord (Allemagne, France et Grande-Bretagne) à venir à Téhéran depuis l'ultimatum posé en janvier par Donald Trump à propos de ce texte présenté par ses partisans comme le meilleur moyen d'empêcher l'Iran de se doter de l'arme atomique.
Le président américain, pour qui il s'agirait d'un des pires accord jamais accepté par les États-Unis, a donné jusqu'au 12 mai aux Européens pour remédier aux "terribles lacunes" du texte, faute de quoi Washington en sortira et réintroduira des sanctions contre l'Iran. Sa remise en cause de cet accord conclu en 2015 ouvrirait la porte à la prolifération nucléaire dans une région déjà très instable et ne ferait qu'encourager la Corée du Nord à aller plus loin dans son programme, craint-on à Paris.
Limiter le programme balistique iranien. Jean-Yves Le Drian doit être reçu par Hassan Rohani et par son homologue Mohammad Javad Zarif. Il doit rencontrer également le secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale, l'amiral Ali Shamkhani, proche du guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei.
Le ministre compte mettre sur la table des sujets sur lesquels l'Iran refuse jusque-là de "négocier" : l'arsenal balistique iranien et l'attitude de l'Iran au Moyen-Orient, que Paris juge de plus en plus "hégémonique". La France, à l'unisson de Londres et Berlin, veut convaincre l'Iran de limiter son programme balistique afin que ses missiles ne puissent pas un jour emporter des charges nucléaires.
L'Iran soupçonné de développer l'arme nucléaire. Pour Jean-Yves Le Drian, les "ambitions" de l'Iran dans ce domaine "sont très préoccupantes et contraires à la résolution 2231" du Conseil de sécurité qui a entériné l'accord nucléaire. Faute d'engagements clairs, "l'Iran sera toujours et avec raison soupçonné de vouloir développer l'arme nucléaire", met-il en garde. L'Iran a développé des missiles d'une portée de 2.000 kilomètres capables d'atteindre Israël et les bases américaines dans la région, affirmant qu'ils sont purement défensifs et conventionnels.
Une visite à hauts enjeux. Le dialogue apparaît difficile. "Nous ne négocierons avec personne sur nos armes", a déjà averti le président Hassan Rohani. Mais les Iraniens attendent aussi beaucoup d'une visite du président français Emmanuel Macron, annoncée pour cette année.
Un accord de Tehéran sur le balistique ou un engagement à modérer ses ambitions régionales pourrait apaiser les craintes de Donald Trump. "On a aussi une inquiétude particulière sur les transferts de savoir-faire, de capacités balistiques à des acteurs régionaux", du Hezbollah libanais aux rebelles houthis au Yémen, observe-t-on dans l'entourage du ministre.