La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a évoqué samedi l'hypothèse d'un rapatriement des jihadistes français détenus par les Kurdes en Syrie, son entourage réfutant toutefois une rupture avec la position de Paris sur ce dossier sensible.
"Jusqu'aux récentes évolutions, nous pensions à la possibilité de mettre en place avec d'autres Etats européens un tribunal mixte en Irak" pour juger les jihadistes étrangers que leurs pays ne veulent pas reprendre, notamment français. Un tribunal "que nous aurions appuyé", a expliqué la ministre dans les colonnes de Libération.
Juger sur place ou rapatrier ?
Mais "la donne a changé", a-t-elle souligné sans plus de détails. "Dans ce cas là, s'il n'est plus possible de les juger sur place, je ne vois pas d'autre solution que de rapatrier ces gens en France. Tout combattant terroriste qui serait rapatrié serait judiciarisé comme nous l'avons toujours fait".
"On ne peut pas prendre le risque d'une dispersion dans la nature", a souligné Mme Belloubet. "On ne va pas avoir cinquante solutions : soit on va les rapatrier car on considère qu'il vaut mieux qu'ils soient sous contrôle français, soit ils s'évaporeront... Avec les risques que cela suscite".
Samedi midi, l'entourage de la ministre a assuré que sa ligne n'a pas changé. "Notre position est constante, nous considérons que les jihadistes doivent être jugés dans les endroits où ils ont commis leurs exactions. C'est pourquoi nous appuyons, avec d'autres Etats européens, le principe de leur jugement en Irak avec l'ensemble des garanties qui s'imposent", a-t-on indiqué.
Mi-décembre, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian avait reconnu que la question d'un jugement en Irak n'était "pas réalisable à court terme", en raison notamment de la révolte qui secoue ce pays. Depuis, l'Irak est également devenu un théâtre de l'affrontement entre l'Iran et les Etats-Unis.
Problématiques juridique, factuelle et politique
Le chef de la diplomatie avait déclaré qu'en l'absence de procès réalisables en Irak à court terme, le sort des jihadistes étrangers détenus par les Kurdes relèvera du processus de règlement politique en Syrie sous l'égide de l'ONU. Il avait aussi rappelé la position intangible de la France concernant le sort de ses ressortissants membres du groupe Etat islamique (EI) - leur jugement sur le théâtre où ils ont combattu - et souligné qu'elle était partagée par nombre de pays européens.
Nicole Belloubet juge par ailleurs dans Libération qu'il n'est "pas acceptable" que de très jeunes enfants de jihadistes français soient retenus dans des camps au Kurdistan. Elle met toutefois en avant des questions "juridique" - la nécessité d'obtenir l'accord de la mère pour le rapatriement de l'enfant -, "factuelle" - la situation sur place "ne permet plus" d'aller chercher ces enfants - et "politique", "l'acceptabilité du retour de ces enfants pour nos concitoyens".