Dénonçant une "épidémie", le président Joe Biden a dévoilé jeudi des mesures ciblées visant à limiter la prolifération des armes à feu aux Etats-Unis, où les fusillades sont un fléau récurrent que les gouvernements successifs ont jusqu'à présent été impuissants à endiguer. Quelques heures après l'allocution du démocrate, au moins une personne a été tuée par balle dans une nouvelle fusillade au Texas, selon la police. "La violence par arme à feu dans ce pays est une épidémie, c'est une honte internationale", a fustigé le président Biden, en annonçant depuis la Maison Blanche six décrets de portée réduite.
Une de ces mesures vise à lutter contre les "armes fantômes", qui sont fabriquées de manière artisanale, parfois avec une imprimante 3D, et n'ont pas de numéro de série. Les règles concernant certaines armes de poing équipées d'un accessoire stabilisateur attaché au bras du tireur, un dispositif utilisé dans une récente tuerie dans le Colorado, vont aussi être durcies.
Le président a aussi commandé un premier rapport général sur le trafic d'armes à feu aux Etats-Unis depuis 2000. "Ces mesures vont sauver des vies", a salué la présidente démocrate de la Chambre des représentants Nancy Pelosi dans un communiqué.
Blocage au Congrès
Mais sachant pertinemment qu'il n'est actuellement pas en position de faire adopter au Congrès des actions plus audacieuses sur ce sujet ultra-sensible, en raison de la très courte majorité parlementaire démocrate, Joe Biden s'est contenté de micro-mesures. Par conséquent, aucune grande avancée n'a par exemple été annoncée sur le sujet de la vérification des antécédents judiciaires ou psychologiques des acheteurs d'armes individuelles.
Des républicains ont aussitôt dénoncé les projets présidentiels. "Les républicains s'opposeront fermement (aux mesures) et utiliseront chaque option - qu'elle soit législative ou judiciaire - pour protéger le droit de porter des armes", a tweeté le chef de la minorité républicaine à la Chambre des représentants, Kevin McCarthy.
Le président a aussi annoncé la nomination de David Chipman, un partisan du durcissement des lois sur les armes individuelles, à la tête de l'ATF, l'agence fédérale qui régule les armes à feu. Signe de l'absence d'unité politique sur ce sujet délicat, l'ATF n'a pas eu de directeur confirmé par le Sénat depuis 2015.
"Nous devons également interdire les fusils d'assaut et les chargeurs à grande capacité", souvent utilisés dans les tueries, a aussi lancé jeudi Joe Biden, répétant un voeu pieux maintes fois énoncé en son temps par Barack Obama.
Joe Biden, défenseur de longue date d'un meilleur encadrement des armes à feu, a promis pendant sa campagne d'agir sur ce front. Une série de fusillades ces dernières semaines, dont des tueries en Géorgie puis dans le Colorado, a accentué la pression pour qu'il passe à l'action.
Sujet clivant
En 1994, alors sénateur, Joe Biden avait participé à l'adoption d'une loi interdisant les fusils d'assaut. Mais la mesure n'était valide que dix ans et n'a jamais pu être renouvelée après 2004 compte tenu de l'opposition des élus républicains à ce qu'ils perçoivent comme une violation d'un droit constitutionnel.
L'ancien président Donald Trump, qui a reçu des dizaines de millions de dollars de la NRA, le puissant lobby des armes à feu, pour ses deux campagnes présidentielles, a au contraire par le passé assuré être le plus fervent défenseur du droit des Américains à détenir une arme.
Les armes à feu ont fait plus de 43.000 morts, suicides inclus, aux Etats-Unis en 2020, selon le site Gun Violence Archive. L'organisation a dénombré 611 "fusillades de masse" - qui comptent au moins quatre victimes- en 2020, contre 417 l'année précédente. Et depuis le 1er janvier, plus de 11.000 personnes ont déjà été tuées par une arme à feu.
Mais de nombreux Américains restent très attachés à leurs armes et se sont même précipités pour en acheter davantage depuis le début de la pandémie, et encore plus lors des grandes manifestations antiracistes du printemps 2020 et des tensions électorales de l'automne.
Joe Biden a assuré qu'aucune de ses mesures n'"empiétait" sur le deuxième amendement de la Constitution, brandi par les défenseurs des armes à feu comme la garantie de leur droit au port d'arme.