La Cour suprême américaine à majorité conservatrice se retrouve mardi de nouveau au cœur du débat sur le droit à l'avortement, appelée à trancher sur les conditions d'accès à la pilule utilisée dans la majorité des IVG aux Etats-Unis. Depuis qu'elle a annulé en juin 2022 la garantie fédérale de ce droit, les Etats ont toute latitude pour légiférer dans ce domaine et une vingtaine ont interdit l'avortement ou l'ont strictement restreint.
Décision de la Cour suprême
Une cour d'appel ultraconservatrice a rétabli l'année dernière plusieurs des restrictions d'accès à une pilule utilisée pour un avortement médicamenteux, la mifépristone, levées par l'Agence américaine du médicament (FDA) depuis 2016. Invoquant des risques potentiels pourtant écartés par le consensus scientifique, cette décision ramènerait la limite de dix semaines de grossesse à sept, interdirait l'envoi des comprimés par voie postale et rendrait de nouveau obligatoire la prescription exclusivement par un médecin.
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L'administration du président démocrate Joe Biden et le fabricant de la mifépristone, le laboratoire Danco, demandent aux neuf juges de la Cour suprême d'annuler cette décision, actuellement suspendue. Ils contestent notamment l'"intérêt à agir", condition pour exercer une action en justice, des plaignants à savoir des associations de médecins ou des praticiens hostiles à l'IVG (interruption volontaire de grossesse) qui ne prescrivent ni n'utilisent cette pilule.
Ils n'ont "pas identifié parmi leurs milliers d'adhérents ne serait-ce qu'un seul médecin ayant été obligé de réaliser un avortement au cours des décennies pendant lesquelles la mifépristone a été sur le marché", souligne dans ses arguments écrits la conseillère juridique de l'administration Biden, Elizabeth Prelogar. Les plaignants ne citent nommément que sept médecins, pour lesquels "les changements par la FDA des conditions d'utilisation pourraient marginalement augmenter le risque" de devoir soigner une femme victime de complications à la suite de l'absorption de mifépristone, relève-t-elle.
Des risques pour les patientes ?
L'administration Biden et le laboratoire affirment également que la FDA a suivi les procédures en vigueur et qu'aucun élément scientifique ne démontre un risque accru pour les patientes. Les avocats des plaignants dénoncent au contraire des assouplissements "arbitraires", estimant que la FDA aurait dû, avant de "supprimer des précautions cruciales", évaluer globalement les éventuels risques supplémentaires pour la santé des femmes qui pourraient en résulter.
En conséquence, poursuivent-ils, ces praticiens se retrouvent confrontés au risque de devoir traiter d'éventuelles complications dues à la mifépristone "bien que ce type de participation à un avortement choisi porte atteinte à leur conscience et les lèse à d'autres égards", assurent-ils. Près des deux tiers des avortements (63%) aux Etats-Unis en 2023 ont été réalisés par voie médicamenteuse, a indiqué la semaine dernière l'institut Guttmacher, un centre de recherche spécialisé.
Soutien de Joe Biden
Quand la Cour suprême statuera, "elle devra soit décider d'ignorer la FDA en rétablissant des obstacles superflus à l'accès à la mifépristone ou de respecter les preuves scientifiques de sa sûreté et de son efficacité", affirme l'institut, qui défend le droit à l'IVG. La décision de la Cour est attendue d'ici le 30 juin.
L'administration Biden "continuera à soutenir la validation et la classification par la FDA de la mifépristone comme sûre et efficace et nous continuerons à combattre les attaques sans précédent contre la liberté des femmes de prendre leurs propres décisions en ce qui concerne leur santé", a déclaré lundi la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre.
Joe Biden a fait de la protection du droit à l'avortement un axe de sa campagne pour l'élection présidentielle de novembre face à son prédécesseur républicain Donald Trump, dont les nominations à la Cour suprême ont abouti au revirement de jurisprudence de juin 2022.