Nouvelle crise entre Paris et Rome sur le dossier brûlant de l'immigration : le chef de la diplomatie italienne Antonio Tajani a annulé jeudi sa première visite à Paris après des propos qualifiés d'"inacceptables" du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin contre la Première ministre Giorgia Meloni. Celle-ci "est incapable de régler les problèmes migratoires sur lesquels elle a été élue", a affirmé Gérald Darmanin sur la radio française RMC alors que la péninsule assiste à des arrivées records de migrants sur ses côtes depuis janvier.
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Une réponse de Darmanin à Bardella
Gérald Darmanin répondait à une question sur des propos du président du parti d'extrême droite Rassemblement national (RN) Jordan Bardella au sujet de la situation migratoire à la frontière franco-italienne, où les forces de l'ordre françaises repoussent des migrants vers l'Italie. "Oui, il y a un afflux de personnes migrantes et notamment de mineurs" dans le sud de la France, a reconnu Gérald Darmanin, qui en a rejeté la faute sur Rome : "La vérité, c'est qu'il y a en Tunisie (...) une situation politique qui fait que beaucoup d'enfants notamment remontent par l'Italie et que l'Italie est incapable (...) de gérer cette pression migratoire".
"Meloni, c'est comme (la cheffe de file de l'extrême droite en France Marine) Le Pen, elle se fait élire sur 'vous allez voir ce que vous allez voir' et puis ce qu'on voit c'est que ça (l'immigration) ne s'arrête pas et que ça s'amplifie", a poursuivi le ministre français. Selon lui, la Première ministre est confrontée à "une très grave crise migratoire".
Le chef de la diplomatie italienne annule sa venue à Paris
La réaction de Rome face à cette attaque en règle ne s'est pas faite attendre : le chef de la diplomatie italienne, qui était attendu jeudi soir à Paris pour une rencontre avec son homologue Catherine Colonna, a aussitôt annulé sa venue. "Les offenses contre le gouvernement et l'Italie lancées par M. Darmanin sont inacceptables", a-t-il dénoncé sur Twitter. "Ce n'est pas l'esprit avec lequel on doit affronter les défis européens communs".
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Le chef de la Ligue antimigrants Matteo Salvini, vice-Premier ministre de Giorgia Meloni, s'est lui aussi insurgé : "Je n'accepte pas de leçons sur l'immigration de la part de ceux qui renvoient en Italie des femmes, des enfants et des hommes", a-t-il affirmé. Il a aussi reproché à la France de "continuer à héberger des assassins et terroristes qui devraient retourner en Italie", en allusion au rejet en mars des demandes d'extradition de dix anciens militants italiens d'extrême gauche installés en France depuis des décennies et réclamés par Rome pour des faits qualifiés de terrorisme lors des "années de plomb".
Paris tente de calmer le jeu
Face à l'escalade, Paris a tenté de calmer le jeu. "J'ai parlé à mon collègue @Antonio_Tajani au téléphone", a tweeté, en italien, Catherine Colonna. "Je lui ai dit que la relation entre l'Italie et la France est basée sur le respect mutuel, entre nos deux pays et entre leurs dirigeants", a-t-elle ajouté, soulignant qu'elle espérait "pouvoir l'accueillir prochainement à Paris". L'immigration est depuis des années un sujet ultra-sensible dans les relations franco-italiennes.
En novembre, les deux pays avaient connu une forte poussée de fièvre lorsque le gouvernement Meloni, à peine au pouvoir, avait refusé de laisser accoster un navire humanitaire de l'ONG SOS Méditerranée qui avait fini par être accueilli par la France à Toulon (sud) avec plus de 200 migrants à bord. L'épisode avait suscité la colère de Paris qui avait convoqué une réunion européenne pour que ce scénario inédit ne se reproduise pas.
Plus de 42.000 personnes arrivées sur les cotes italiennes en 2023
Depuis, les traversées clandestines par bateaux s'accentuent avec l'essor d'un nouveau couloir maritime entre la Tunisie et l'Italie, en première ligne aux portes de l'Europe. Selon le ministère italien de l'Intérieur, plus de 42.000 personnes sont arrivées par la Méditerranée en Italie cette année contre environ 11.000 sur la même période en 2022.
Dans ce contexte, la Première ministre française Élisabeth Borne a annoncé fin avril la mobilisation de 150 policiers et gendarmes "supplémentaires" pour faire "face à une pression migratoire accrue à la frontière italienne" ainsi que la création d'une "border force", une force aux frontières. "En Australie, ça marche très bien", a défendu jeudi Gérald Darmanin : "A la frontière, on interpelle les personnes et on leur fait passer des contrôles d'identité". Selon l'Organisation internationale pour les migrations des Nations unies (OIM), le premier trimestre de 2023 a été le plus meurtrier pour les migrants en Méditerranée depuis 2017.