Une "évasion" digne "du mur de Berlin", selon Reporters sans frontières. La journaliste Marina Ovsiannikova, qui avait brandi une pancarte anti-guerre à la télévision d'Etat russe, a levé un coin de voile sur sa fuite de son pays, ce vendredi à Paris. "Je crains pour ma vie. Quand je parle à mes amis en Russie, ils me demandent ce que je préfère : le novitchok, le polonium (des substances mortelles, ndlr) ou un accident de voiture", a-t-elle déclaré lors d'une conférence de presse au siège de Reporters sans frontières (RSF).
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"Fuis, sauve ta vie"
C'est cette ONG qui a organisé son départ clandestin de son pays début octobre, alors qu'elle était assignée à résidence, avec un bracelet électronique. Elle encourait dix ans de prison, après avoir été inculpée en août pour "diffusion de fausses informations" sur l'armée. "Le jugement devait avoir lieu le 9 octobre. Mon avocat me disait : 'Fuis, sauve ta vie'", s'est-elle souvenue. L'opération a commencé dans la nuit du vendredi au samedi 1er octobre, date à laquelle Marina Ovsiannikova et sa fille ont quitté Moscou : "Il y avait moins de risques qu'on nous cherche pendant le week-end."
"Nous avons utilisé sept véhicules successivement et, avant la frontière, nous nous sommes embourbés dans un champ", a raconté la journaliste de 44 ans, dont les propos en russe étaient traduits par une interprète. "Nous avons marché des heures dans la nuit avant de trouver la frontière, sans réseau mobile, en essayant de nous repérer avec les étoiles. Je perdais espoir", a-t-elle poursuivie, visiblement tendue. Elle a affirmé avoir oublié de neutraliser son bracelet électronique, dans la précipitation, et ne l'avoir sectionné avec une pince coupante qu'après le deuxième changement de véhicule.
"Une évasion qui fait penser aux plus célèbres franchissements du mur de Berlin"
Des "zones d'ombre" nécessaires "pour la sécurité de ceux qui ont aidé cette opération hors du commun", s'est justifié le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. Cette "évasion, (qui) fait penser aux plus célèbres franchissements du mur de Berlin", n'a "pas été organisée par des services de renseignements", a-t-il assuré. Ce départ de Russie, la journaliste le regrette. "Je ne voulais pas fuir parce que la Russie, c'est tout de même mon pays, même si les criminels de guerre sont au pouvoir. Mais on ne m'a pas laissé le choix, c'était soit l'exil, soit la prison", a conclu Marina Ovsiannikova.
Mi-mars, après le déclenchement de l'offensive en Ukraine, Marina Ovsiannikova avait interrompu le journal du soir de la grande chaîne d'Etat russe Pervy Kanal, où elle travaillait depuis près de 20 ans. Elle avait agité une pancarte appelant à la fin des combats et exhortant les Russes à "ne pas croire la propagande". Elle s’est vue accorder l’asile en France où elle est installée dans un lieu tenu secret.
Elle avait écopé d'une amende
Interpellée, elle avait écopé d'une amende puis avait quitté le pays pour travailler pour le média allemand Die Welt. En juillet, elle était rentrée en Russie, où elle avait continué à critiquer le pouvoir, avant d'être arrêtée et inculpée. Lors de la conférence de presse, un journaliste de la télévision indépendante russe Dojd l'a interrogée sur la méfiance qu'elle suscite en Ukraine, voire chez des journalistes indépendants de son pays. "Peu importe le regard que me portent les uns ou les autres, je suis seule face à ma conscience", a-t-elle répliqué.