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Margaux Baralon , modifié à
Dans la nuit de mercredi à jeudi, l'Australie a annulé un contrat de plus de 30 milliards d'euros pour l'achat de sous-marins à la France, préférant se tourner vers les États-Unis. Une volte-face qui, pour le spécialiste Antoine Bondaz, résume toutes les tensions à l'oeuvre dans la zone indo-pacifique.
INTERVIEW

C'est une volte-face qui a laissé Paris étourdi, frustré, amer. Dans la nuit de mercredi à jeudi, l'Australie a annulé un contrat de plus de 30 milliards d'euros pour l'achat de sous-marins à la France. Finalement, Canberra a préféré se tourner vers une proposition américaine. Au-delà des enjeux économiques, cette affaire illustre surtout un regain de tensions dans la zone indo-pacifique, comme l'explique Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS), sur Europe 1 vendredi.

Une nouvelle alliance, Aukus...

Celui qui est également enseignant à Sciences Po rappelle en effet que le changement de pied de l'Australie ne s'explique pas par une insatisfaction vis-à-vis des sous-marins proposés par les Français, même s'il était "connu que les Australiens avaient des doutes sur le contrat". Le choix de Canberra est celui de "renforcer encore plus l’alliance avec les Etats-Unis", souligne Antoine Bondaz. "Cette affaire de sous-marins s’inscrit dans un rapprochement bien plus profond entre l’Australie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni, avec le lancement de cette fameuse alliance 'Aukus'."

Et cette alliance n'a pas grand chose à voir avec la France, mais bien avec la Chine, que l'alliance a "en ligne de mire". "Les Australiens modernisent leur flotte de sous-marins vieillissante car ils considèrent que la menace chinoise s’accroît et que le pays a besoin de renforcer ses capacités", expose Antoine Bondaz. Et cela arrange bien Washington, dont les relations avec Pékin sont ultra tendues depuis le mandat de Donald Trump. Et sur ce point précis, la politique étrangère telle que voulu par Joe Biden est plutôt dans la continuité.

... pour faire face à la Chine

Du côté chinois, on a observé "un durcissement ces derniers mois dans le contexte pandémique", note le chercheur. "Il y a une concentration du pouvoir, avec une volonté de la part du parti de contrôler plus seulement la vie publique mais aussi la vie privée des gens. Le durcissement et l’utilisation en Chine du nationalisme inquiètent. En l’espace de vingt ans, les dépenses militaires chinoises ont été multipliées par six ou sept." Pas très étonnant, donc, que l'Australie et les Etats-Unis tentent de trouver des parades.

Aujourd'hui, la géopolitique de la zone indo-pacifique est donc extrêmement tendue, souligne Antoine Bondaz. "C’est la région dans laquelle les enjeux nucléaires, notamment de prolifération sont les plus importants." Ce que la France et l'Europe, très concentrée sur le Proche-Orient, n'ont peut-être pas suffisamment pris en compte. "Il est important que les autorités françaises et européennes dépensent plus d’énergies et de moyens pour analyser et anticiper ce qui va se passer dans les années à venir."

D'autant plus que Paris a des intérêts dans cette zone. Et 1,6 million d'habitants. "La vraie question aujourd’hui, c’est de savoir comment on avance et renforce notre stratégie dans la zone", conclut Antoine Bondaz.