C'est une première dans l'histoire du Congrès américain : le chef républicain de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, a été évincé mardi de son poste, victime de querelles fratricides au sein de son parti.
Après un débat tendu entre conservateurs dans l'hémicycle, 216 élus ont voté pour le destituer, dont huit républicains, contre 210. Aussitôt après ce résultat sans précédent, un Kevin McCarthy malgré tout souriant a été entouré par des membres de son parti, qui lui ont donné l'accolade et lui ont serré la main.
"Kevin McCarthy avait fait de nombreuses promesses contradictoires"
Le vote ouvre une période de fortes turbulences à la chambre basse, où un remplaçant doit être choisi. Le président Joe Biden a ainsi appelé dans la soirée les élus de la Chambre à élire rapidement un nouveau chef, face aux "défis urgents" auxquels font face les États-Unis. Mais la tâche s'annonce compliquée. "C'est dans l'intérêt de ce pays que nous ayons un meilleur speaker que Kevin McCarthy", a lancé de son côté après le scrutin Matt Gaetz, l'élu de la droite dure américaine qui a déposé la motion pour destituer le chef de son parti. "Personne ne (lui) faisait confiance", a-t-il ajouté. "Kevin McCarthy avait fait de nombreuses promesses contradictoires".
Cet élu de Floride reproche principalement au ténor républicain d'avoir négocié avec les élus démocrates un budget provisoire pour financer l'administration fédérale, auquel s'opposaient de nombreux conservateurs. Il l'accuse aussi d'avoir conclu un "accord secret" avec le président Joe Biden sur une possible enveloppe pour l'Ukraine. Or l'aile droite du Parti républicain s'oppose vivement au déblocage de fonds supplémentaires pour Kiev, estimant que cet argent devrait plutôt servir à lutter contre la crise migratoire à la frontière entre les États-Unis et le Mexique.
Et qu'importe que l'immense majorité du groupe parlementaire de Kevin McCarthy l'ait publiquement soutenu : les trumpistes disposaient d'un veto de fait à la Chambre compte tenu de la très fine majorité républicaine dans cette institution.
Pas de soutien démocrate
Kevin McCarthy, 58 ans, avait semblé un temps penser qu'il sauverait sa tête, espérant que les calculs politiques l'emporteraient et qu'il pourrait soutirer aux démocrates un appui, même très juste, en échange de concessions. Peine perdue. "C'est au Parti républicain de mettre fin à la guerre civile des républicains à la Chambre", avait tranché le chef démocrate Hakeem Jeffries dans une lettre après une longue réunion mardi avec son groupe parlementaire.
"Les raisons de laisser les républicains gérer leurs propres problèmes sont innombrables. Laissons-les se vautrer dans la fange de leur incompétence et de leur incapacité à gouverner", avait de son côté lancé, implacable, l'élue progressiste Pramila Jayapal. Signe des désaccords qui déchirent les républicains, les élus conservateurs se sont succédé dans l'hémicycle pour plaider pour et contre Kevin McCarthy.
Si la motion de destitution passe, "la Chambre sera paralysée", "les démocrates se délecteront des dysfonctionnements républicains, et la population sera révulsée, à raison", avait mis en garde l'élu républicain Tom McClintock. Son collègue Tom Cole avait lui prévenu contre le "chaos" dans lequel la Chambre et les républicains seraient plongés si M. McCarthy était destitué. "Le chaos, c'est le président McCarthy", avait répliqué Matt Gaetz.
Quel avenir pour McCarthy ?
Ces luttes intestines étalées au grand jour ont fait réagir Donald Trump. "Pourquoi les républicains passent-ils leur temps à se disputer entre eux, pourquoi ne combattent-ils pas les démocrates de la gauche radicale qui détruisent notre pays"? a écrit l'ex-président républicain sur sa plateforme Truth Social.
Un tel vote n'avait pas eu lieu depuis plus d'un siècle aux Etats-Unis, et jamais aucun "speaker" n'avait été évincé de son poste jusqu'à mardi. Les républicains devaient se réunir vers 18H30 (22H30 GMT) pour se mettre d'accord sur un nouveau candidat. Kevin McCarthy pourrait-il tenter un retour ? L'hypothèse n'est pas farfelue, car il est en droit de présenter à nouveau sa candidature.
À ses risques et périls : il avait déjà été élu au forceps en janvier, en raison de la très mince majorité républicaine. Pour accéder au perchoir, il avait dû faire d'énormes concessions avec une vingtaine de trumpistes, dont la possibilité que n'importe quel élu ait le pouvoir de convoquer un vote pour le destituer. Une promesse qui est revenue le hanter mardi.